Un première mission depuis des mois (privé Nyuuwa)

Sylver se demanda une fois de plus ce qu’il faisait dans un lieu comme celui-ci. Il faisait froid, et même sa fourrure avait du mal à le protéger de la température… Mais il n’avait pas le droit de se plaindre. Il était en mission. En fait, il ne savait pas vraiment quelle était ladite mission… Les images étaient floues. Il avait vu les montagnes, la neige, et une grotte. À savoir quelle était la grotte et qu’est-ce qu’il devait y faire… Il n’en avait aucune idée.

Il fini par apercevoir ce qu’il cherchait. Une tache sombre sur le blanc de la montagne. Une grotte. Elle ressemblait beaucoup à celle qu’il avait vue dans son rêve. Enfin, de ce qu’il s’en souvenait… Il s’y dirigea résolument.

L’intérieur était très sombre. Il aurait été difficile de voir, s’il n’avait pas des yeux fait pour capter la lumière. Et depuis sa modification, il voyait presque aussi bien dans le noir quasi-total qu’en pleine journée. Comme si ses yeux produisaient de la lumière. Ce devait être le cas, car il savait qu’on les voyait luire dans le noir. Mettant cela de côté, il regarda l’intérieur de la grotte, afin d’y apercevoir un détail qui aurait permit d’être certain qu’il était au bon endroit. Il y avait des stalactites qui pendaient du plafond, comme les dents d’un requin prêt à dévorer sa proie. Enfin, un requin qui n’aurait pas eu de mâchoire inférieure… Sur le sol, il n’y avait rien, mis à part quelques plaques de mousse ici ou là. Il était bel et bien au bon endroit. Maintenant il devait attendre.

Il se coucha sur une plaque de mousse, face à l’entrée, la regardant, la tête posée sur ses pattes de devant, ses ailes repliées reposant sur le sol, de chaque côté de lui. Il ne savait ce qu’il devait attendre, ni comment et d’où ça arriverait. Mais ce don il était sûr, c’était de ne pas s’être trompé d’endroit, ni de moment. Bientôt, la tempête au dehors cesserait. Avec le beau temps viendrait… sa mission. Malheureusement, il ne se souvenait pas du reste…

Invité

Elle avait froid. Très froid. Le vent soufflait comme un démon et la neige lui meurtrissait les orteils comme des milliers d'aiguilles. Elle avait cru pouvoir s'en accommoder; il fallait croire que non.«Peut-être n'était-ce pas une bonne idée. se dit-elle en rabattant son capuchon sur sa tête noire. Dire que je ne connais même pas les environs...» En prenant une grande respiration, elle continua sa marche, à la recherche de rien et de tout à la fois.

Beaucoup de personnes lui avaient parlé des Montagnes Gelées. Tous disaient que l'endroit était désert, inondé de neige et de glace. Qu'il n'y avait rien, là-bas. Uniquement des tonnes d'eau glacée et de bourrasques infernales. Cependant, piquée par la curiosité, Nyuuwa voulut visiter ce petit bout du monde qu'elle n'avait encore jamais vu et elle ne prit même pas la peine d'en avertir ses amis qu'elle était déjà partit en exploration. Son éternel sac à l'épaule et une vulgaire carte achetée dans un marché, elle dit aurevoir au village qui lui avait servi de refuge pendant quelques mois avant de partir à l'aventure.
Les premières semaines avaient été très constructives. Elle avait pu se familiariser davantage avec la Cordillère des Annars et avait rencontré des espèces vivantes encore inconnues de son vivant. Cela l'enchanta et l'encouragea à poursuivre son voyage vers les montagnes. Elle put goûter de nouveau à la délicieuse solitude qu'elle appréciait tant, au bonheur de se retrouver avec soi-même.

Puis, un jour, tandis qu'elle grimpait une haute colline parsemée de mousse, elle les vit; immenses et brillantes avec leurs sommets enneigés. Les fameuses Montagnes Gelées. Enfin, elles étaient là, hautes et mystérieuses! Si belles et magiques, aux yeux de Nyuuwa. Un large sourire avait éclairé son visage pâle et ce fut avec entrain qu'elle dévala les premiers kilomètres.
Par contre, elle y découvrit un ennemi de taille, qu'elle avait bien prit soin d'oublier: le froid. C'était la première fois de sa vie qu'elle ressentit cette température poignante et douloureuse. Elle qui était habituée à une chaleur douce ou à un léger frissonnement nuptial. Ce n'était rien, comparé à ça! C'était tout simplement inhumain! L'air glacé passait à travers sa robe et sa cape, alors que la neige fondait sous chacun de ses pas et mouillait ses pieds frigorifiés. «Je dois me trouver un abri.» comprit-elle en se protégeant les yeux avec ses mains.

Mais plus elle pénétrait au coeur des Montagnes Gelées, plus la température empirait et son endurance à elle diminuait. Bientôt, elle eut de la difficulté à marcher et elle tombait de plus en plus souvent sur le sol glacé. Le vent lui giflait le visage avec hargne, la neige lui brouillait la vue. Elle essaya de se lever mais c'était comme si tout le poids du monde pesait sur ses fragiles épaules. Des larmes coulèrent sur ses joues et se transformèrent rapidement en petits glaçons qui brûlèrent son visage. Avec horreur, elle réalisa qu'elle ne sentait plus ses jambes... qu'elle était incapable de les faire bouger. Un cri étouffé s'échappa de sa gorge et elle serra les poings dans la neige blanche, aussi blanche que sa peau. Soudain, un goût de fer émana de sa bouche. Elle baissa les yeux et vit des taches rouges souiller la pureté de la neige. Elle s'était mordue la lèvre tellement fort qu'elle avait fini par la percer au sang!

Perdue, elle commença à pleurer. Qu'est-ce qui lui avait prit de partir comme ça, sur un coup de tête? Pourquoi fallait-il qu'elle soit aussi stupide, aussi sotte? Elle allait probablement mourir ici, dans cet endroit reculé. Seule. Personne pour se soucier d'elle ou pour s'inquiéter. Cette réalité lui fit encore plus mal que la rigidité de ses membres inférieurs. Elle leva sa tête avec difficulté, comme pour braver cet ennemi naturel qu'était le vent, même si elle n'en avait pas la force. C'est alors qu'elle crut distinguer, derrière cet écran blanc et froid de la tempête, une forme noire et rocheuse. «Une... Une grotte..? Serais-je sauvée?»
Sur le coup de l'espérance et de la survie, elle tenta tant bien que mal de se traîner sur quelques mètres de neige. Elle ruina le peur de force qui lui restait, mais elle put voir une créature ailée à son entrée. Immobile.

Dans un dernier effort:

- À... À l'aide... murmura-t-elle, d'une voix rauque et brisée.

Épuisée, elle sombra.

Sylver commençait à croire que finalement, il s’était peut-être trompé d’endroit. Cela faisait si longtemps qu’il attendait, il commençait même à avoir froid, malgré sa fourrure épaisse. Il désespérait d’être au bon endroit, ou d’être arrivé attend. Peut-être que sa cible était déjà passée… Ou peut-être pas. Un point, dans la tempête, qui prenait fin d’ailleurs, approchait. Il n’arrivait toutefois pas à distinguer quoi que ce soit de là où il se trouvait. Il ne put identifier qu’il s’agissait d’une jeune femme que lorsqu’il l’entendit murmurer. Il ne put toutefois comprendre ce qu’elle disait. Enfin… d’une manière, il n’en avait pas besoin. C’était clairement un appel à l’aide.

Il s’approcha d’elle. Elle était inconsciente. Il n’avait pas vraiment idée de comment l’amener dans la grotte. Enfin si… mais il devrait la blesser. De toute façon, avec le froid qui l’engourdissait, elle ne sentirait rien, et il pourrait la guérir après. Il mordit donc son épaule, juste assez pour pouvoir la traîner, et l’amena dans la grotte. Il commença par l’installer sur un tapis de mousse, avant d’inspecter les plaies qu’il avait lui-même ouvertes dans sa chair. Elle saignait… Très lentement, à cause du froid. C’était un mauvais signe. Il devait la réchauffer ou elle ferait une crise d’hypothermie. Mais avant, la soigner. Il se concentra sur la blessure, et son médaillon brilla faiblement. Lentement, les trous disparurent un à un, se creusant dans l’épaule du canidé. Habitué à ce genre d’opération, il ne fit que serrer les crocs et grogner faiblement de douleur.

Deuxième étape, la réchauffer. Mais comment? Il ne pouvait pas faire de feu, sa condition l’en rendait incapable… Et même s’il avait été humain, il n’aurait pas eut les matériaux nécessaires à sa disposition. Il devait la réchauffer avec la chaleur produite par son corps, pas le choix. Il espérait qu’elle ne lui en voudrait pas. Il avait du mal à s’imaginer les motifs pouvant forcer la jeune femme à lui en vouloir, mais… la peur peut-être. Elle n’avait pas dû bien le voir lorsqu’elle lui avait demandé de l’aide, si c’était ce qu’elle avait fait, et qu’elle n’avait pas prié pour que le loup ne la mange pas, et peut-être ne le voyant clairement elle aurait peur… Mais le temps n’était pas aux réflexions. Il ne devait pas la laisser mourir. Si Lerkhann l’avait envoyé là, c’était pour la sauver, c’était la seule explication logique. Il la réchaufferait, elle se réveillerait, il l’aiderait à quitter l’endroit, puis ils se sépareraient. Mais quelle utilité cette femme pouvait-elle avoir pour que le dieu veule la sauver? Il le saurait plus tard, probablement.

A nouveau, il s’obligea à arrêter de penser. C’était le temps d’agir, bon sang! Il s’étendit donc à côté d’elle, collant son flanc contre ses côtes, et la couvrit de son aile, pour la protéger du vent qui réussissait à s’engouffrer dans la caverne. Puis il attendit, en espérant qu’elle se réveillerait, et qu’elle survivrait…

Invité

Une étrange odeur lui chatouilla les narines. Elle était humide et forte, comme celle d'un animal. Mais loin d'être désagréable. Juste... bizarre. Inhabituelle. «Est-ce que je dors? Ou serais-je... morte..?» Cette idée lui glaça le sang. Ce qu'elle sentait, c'était l'odeur de la mort? Dans un semi-sommeil, elle tourna la tête et son visage s'enfouit dans une masse douce, poilue et chaude. Nyuuwa soupira et sourit. Il faisait chaud, si chaud... Elle s'endormit et ronfla.

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Doucement, la jeune chimère entrouvrit les yeux. Elle était plongée dans une pénombre inconnue qui la laissa songeuse. Ses souvenirs revinrent; les Montagnes Gelées. Elle frissonna en songeant à l'horrible sensation de l'eau brûler ses pieds et sa peau, le vent fouetter sauvagement son visage, les glaçons tomber du ciel et s'entremêler dans ses cheveux noirs violacés... «C'est officiel! Je hais la neige.» pensa-t-elle en grognant. Émergeant de sa torpeur, elle distingua des parois rocheuses ainsi qu'un tapis de mousse très confortable où elle était couchée. «Mais comment ai-je fait pour atterrir ici? Je ne me rappelle pas d'avoir...» C'est à ce moment, d'ailleurs, qu'elle réalisa qu'on l'avait trainée à l'intérieur de la grotte. Elle arrêta de respirer, tendant l'oreille. À côté d'elle, elle perçut un souffle rauque et chaud qui lui réchauffait le visage. Ses yeux, s'étant habitués à l'obscurité, elle vit un corps immense recouvert d'une épaisse fourrure, ainsi que de grandes et majestueuses ailes sombres qui ressortaient de sa colonne vertébrale. Dont l'une qui était posée sur minuscule corps...

Sans réfléchir, elle hurla:

- Aaaaaaaaah! Lâchez-moi!!!

Soudain, la créature bondit de l'autre côté de la grotte en poussant un cri animal. Quant à Nyuuwa, elle se blottit contre la pierre, le coeur battant la chamade. Qu'est-ce que ça pouvait bien être? Un monstre qui voulait la manger? Un vampire? Un animal? Pire, même; un démon qui prévoyait s'amuser avec elle? Au bout de quelques secondes, ce fut avec soulagement qu'elle put reconnaître la créature camouflée par les ténèbres. La lumière du jour avait illuminé une partie de la grotte.
Ce n'était qu'un chien. Un très gros chien, certes, mais un chien quand même. Évidemment, les ailes (oh mon dieu! De chauve-souris!) la laissèrent perplexe mais elle était plus impressionnée qu'effrayée. «Pauvre bête... J'ai dû blesser ses oreilles, à crier comme j'ai fait.»

Doucement, elle se mit à quatre pattes et s'approcha de l'animal. À quelques mètres de lui, elle tendit la main pour qu'il puisse la sentir.

- Chut, mon beau, chut! murmura-t-elle en caressa sont museau mouillé. Je ne te ferai pas de mal.

Elle finit par s'agenouiller devant lui et à le flatter en souriant. Elle lui gratta aussi l'arrière des oreilles, tout en le serrant contre elle.

- Tu es vraiment un joli chien, toi. fit-elle en lui tapotant le crâne.

Elle le regarda dans les yeux. Assise comme elle était, il la dépassait d'au moins une tête.

- C'est toi qui m'as sauvée?

Sylver avait sursauté et n’avait pu retenir un gémissement de douleur en entendant la jeune femme crier. Il en conserva un arrière son assourdi qui résonna dans sa tête un moment. Aussi il n’entendit pas ce qu’elle dit au début et ne réagit pas lorsqu’elle tendit la main. Il ne comprenait pas, en fait, pourquoi elle lui montrait sa main. Pourtant, son instinct avait voulu la sentir. Mémoriser cette odeur… Il aurait le temps de le faire, il n’avait pas à se presser. Puis elle lui caressa le museau. Il n’eut même pas de mouvement de recul au contact de la peau de la jeune humaine. Sa peau était douce… Mais encore une fois, il ne comprit pas parfaitement ce qu’elle disait. Le ton étant doux et se voulant rassurant, il ne s’en inquiéta pas. Elle devait s’excuser d’avoir crié, ou lui dire qu’elle ne souhaitait pas le blesser… Réaction normale chez les humains, avec leurs chiens. Mais Sylver était un loup. Les humains avaient peur des loups… Pourquoi pas elle? Quelque chose ne fonctionnait pas… Elle ne devait pas comprendre ce qu’il était.

Il résista une fraction de seconde lorsqu’elle l’attira contre elle. Il avait cru qu’elle voulait lui enlever son médaillon. Mais c’était ridicule. Pourquoi aurait-elle voulu faire cela? Un sourire lui étira les babines alors qu’il sentait la main de l’humaine sur sa tête. Il ferma les yeux et grogna de satisfaction. Il aimait ça, non… il adorait ça, quand on le grattait sur la tête comme ça. Sentiment qui se remplaça instantanément par la surprise lorsqu’elle parla de nouveau. Cette fois, il comprit. Elle croyait qu’il était un chien! Pas étonnant qu’elle n’ait pas eu peur de lui, finalement! Si elle ne savait pas faire la différence… Mais qui l’avait donc élevé? Tous les gamins apprenaient à faire la différence entre une créature susceptible de les tuer et une plus disposée à les aider, non? À moins que, incapable de distinguer s’il était un loup ou un chien, n’étant en fait pas plus l’un que l’autre, depuis sa modification, elle avait considéré que, puisqu’il ne l’avait pas mangé, il devait être bénéfique, donc un chien… D’ailleurs, il était temps qu’il réponde à sa question, au risque de la surprendre et de lui faire un peu peur.

« Eh bien… c’est moi qui vous ai amené dans cette grotte, Hito-sama*, et qui vous ai réchauffé, c’est vrai… Mais vous savez, je crois que vous vous méprenez sur ma nature… En réalité, loin de moi l’idée de vous contredire, mais je suis un loup, pas un chien… »

Il se rendit compte qu’il la regardait dans les yeux, et les reposa sur le sol. C’était impoli de regarder dans les yeux. Il avait beau être en mission, tant qu’il ne savait pas ce que cette mission était réellement, et le rôle que la jeune femme y jouait, il était préférable qu’il reste comme d’habitude. Insignifiant… Il soupire, presque imperceptiblement. Même si la vérité pouvait l’effrayé, il n’avait pu se résoudre à la cacher à l’humaine. Si jamais elle l’avait découvert… Mais bon, ce n’était pas le plus important. Il détourna la tête et remarqua son épaule blessée. Il ne savait même pas si elle se sentait bien…

« Gokigenyou, Hito-sama?* »

*Hito (se prononce ito) : Humain
-sama (se pronounce sama) : Marque de respect donnée à quelqu’un considéré comme supérieur.
Gokigenyou (se prononce gôki geni you) : Comment allez-vous? [utilisé ici dans le sens : Comment vous sentez-vous?]

Invité

Elle n'en croyait pas ses oreilles.

- Eh bien… C’est moi qui vous ai amené dans cette grotte, Hito-sama, et qui vous ai réchauffé, c’est vrai… Mais vous savez, je crois que vous vous méprenez sur ma nature… En réalité, loin de moi l’idée de vous contredire, mais je suis un loup, pas un chien…

L'animal baissa les yeux et un soupir s'échappa de sa gueule.

- Gokigenyou, Hito-sama?
- Goki... Quoi? bredouilla Nyuuwa avec difficulté.

Son coeur battait la chamade. Ce chien, non, ce loup, était en train de lui parler. Elle voulut lui répliquer mais sa voix s'était perdue dans sa gorge. Elle regarda à gauche, puis à droite, avant d'observer la créature. La bête ne semblait ni agressive ni méchante. Elle lui avait tout de même sauvée la vie. Ce n'était pas rien. De ce fait même, Nyuuwa lui devait beaucoup. Cela l'embarrassa et la laissa perplexe. D'ailleurs, que faisait le loup dans cet endroit reculé? Était-ce sa maison? «Ça y est, j'ai compris! Des loups ailés! Aux Montagnes Gelées! Îl s'agit peut-être de la créature qui est propre à cet environnement.» Mais un loup ne se déplaçait-il pas en meute? Qui était-il? Comment s'appelait-il? Avait-il seulement un nom?

Confiante, elle sourit et recommença à le caresser; il semblait énormément apprécier. Elle rit en entendant ses grognements et ses couinements bienheureux. «Quelle jolie bête!» pensa-t-elle. Le fait qu'il parlait ne la dérangeait pas du tout. Au contraire, cela la fascinait! Surtout qu'il disait des mots que Nyuuwa ne comprenait pas. Était-ce une langue que seuls les loups ailés pouvaient utiliser? Peut-être bien.

- Désolé de t'avoir appelé «un chien». s'excusa-t-elle en continuant ses câlins. Et merci de m'avoir secourue. Je te dois une fière chandelle.

Finalement, elle ne regretta pas son exploration. Elle ignorait pourquoi ou comment, mais elle avait le pressentiment qu'une aventure fabuleuse et trépidante la guettait. Cela l'enchanta et elle en oublia le froid.
C'est à ce moment qu'elle remarqua l'épaule du loup. Deux trous, semblables à une morsure, lui marquait l'épaule et un peu de sang coulait de la blessure.

- Oh non! Tu es blessée! s'inquiéta-t-elle. Comment tu t'es fait ça?

Sylver s’en voulut un moment d’avoir parlé. Il avait fait peur à la jeune humaine… Lui dire qu’il était un loup n’avait peut-être pas été la meilleure idée qu’il aurait pu avoir, finalement… Et si la jeune femme s’enfuyait? Si elle retournait dans le froid? Alors il la suivrait de loin, et lorsqu’elle perdrait à nouveau conscience, il la secourrait de nouveau. Mais il l’empêcherait de s’en fuir en se mettant entre elle et la sortie, et tenterait de lui expliquer qu’il ne lui voulait aucun mal. Mais il n’eut pas à le faire.

L’expression de la jeune femme changea rapidement. Elle n’avait pas eu peur, comprit-il, elle avait seulement été surprise de l’entendre parler. Il était vrai que ce n’était pas naturel… Cela ne semblait pas vraiment la repousser, en fait, elle semblait bien l’apprécier. Ses caresses le prouvaient. Le loup, lui, ne pouvait s’empêcher de grogner de bonheur. Peu de gens l’approchait, encore moins le caressait ainsi! Et ça ne le dérangeait pas. Il était même content, car il pourrait peut-être faire de cette jeune humaine une connaissance agréable. Mais avant, il fallait compléter sa mission…

Quand elle s’excusa de sa méprise et le remercia, il se demanda si Lerkhann ne l’avait pas envoyé la sauver juste pour préserver sa pureté et son innocence. Elle avait si gentille… Si naïve d’un côté, mais tellement attentionnée de l’autre… Enfin, à première vu. C’était ce qu’il ressentait d’elle pour l’instant. Mais il devait y avoir une autre raison… Seulement, il n’osait pas la questionner. Il n’eut même pas le temps de le faire, de toute façon, car elle s’inquiéta de son état. Il porta à nouveau son regard sur son épaule. Mieux valait lui dire la vérité.

« Ce n’est rien de réellement grave, vous savez… Pour pouvoir vous traîner dans la grotte, j’ai dû vous mordre. J’ai ensuite utilisé mes pouvoirs pour transférer la blessure sur mon propre corps, afin de vous éviter de souffrir. »

Il se rendit alors compte qu’elle n’avait pas compris lorsqu’il lui avait demandé comment elle se sentait. Il ne l’avait pas remarqué plus tôt, car il s’était concentré sur le sentiment de peur qu’il avait cru déceler. Mais il pouvait se rattraper maintenant.

« Vous sentez-vous bien? Avez-vous mal quelque part? »

Invité

«Bien sûr que je vais bien. pensa Nyuuwa, étonnée devant la question posée. J'ai un peu froid mais sinon, ça va. Il me le demande vraiment, alors que c'est lui qui est blessé?» Malgré tout, elle sourit au loup et lui assura qu'elle se sentait très bien et elle le remercia de s'inquiéter pour elle. Cependant, savoir que l'animal avait des pouvoirs de guérison aussi impressionnants la laissa perplexe. Les blessures sur son propre corps? Quel genre de loup était-il? Il ne lui paraissait plus comme un simple animal sauvage, maintenant... Mais encore une fois, elle était rassurée. Comme elle, il pouvait guérir les autres et elle se sentit rassurée par sa présence. Au moins, maintenant, elle n'était plus seule.

- Par contre, il est hors de question que je te laisse dans cet état. l'avertit-elle en relevant la manche droite de sa robe, laissant découvrir une peau blanche et immaculée. Tu m'as sauvée la vie, donc, je t'en dois une. Tu m'as guérie. C'est mon tour, maintenant.

L'air glacial de la grotte lui hérissa les poils. Elle devait se dépêcher.
La jeune chimère regarda autour d'elle, à la recherche d'un objet tranchant. Un poignard, une chaine, nimporte quoi. Dommage, car elle n'en avait pas sur elle. En fait, elle ne savait pas manier les armes. Elle les craignait. C'était pour cela qu'elle se tenait loin de la violence et fuyait les ennuis comme la peste. Finalement, elle décida d'utiliser un morceau de pierre. Cela n'allait pas être agréable mais bon. Nyuuwa n'aimait pas voir le loup blessé par sa faute et elle se sentait extrêmement coupable. Si elle n'avait pas joué l'intrépide et été aussi stupide, probablement qu'il n'aurait pas eu tous ces ennuis.

Bravement, elle empoigna la pierre et essaya de s'ouvrir la chair mais sa première tentative fut vaine; ce n'était pas assez ciselé. Nyuuwa en prit une seconde et la planta dans son avant-bras. Cette fois, elle ne put retenir un bref cri de douleur, tandis qu'un filet de sang d'un centimètre de largeur coula de son avant-bras et tâcha le sol de la grotte. Elle leva la tête et s'aperçut que le loup était plus grand qu'elle. En soupirant, elle se redressa sur ses genoux et leva son bras au-dessus de l'épaule blessé de l'animal. Quelques gouttes tombèrent dessus et en un clin d'oeil, les cellules du loup se regénérèrent et la morsure se referma instantanément. Tout ce qui restait, c'était le sang frais de Nyuuwa.

- C'est terminé. lâcha-t-elle en ramenant son bras.

Elle se traîna vers sa couchette en mousse et y trouva son sac. Après avoir fouillé dans celui-ci, elle en sortit un long morceau de tissu beige qu'elle utilisa comme bandage et qu'elle enroula autour de sa propre blessure. Elle n'en fit pas plus de cas; la coupure qu'elle s'était infligée était moindre comparée aux précédentes fois. Elle s'en remettra. Elle s'en remet toujours.
Puis, un brin embarrassée par le spectacle qu'elle avait offert, elle se retourna et sourit.

- Moi aussi, j'ai le pouvoir de guérison... Sauf que moi, c'est un peu plus... extrême.

Elle rit avec gêne en se grattant la joue.

- Au fait, je m'appelle Nyuuwa. se présenta-t-elle en s'asseyant de nouveau devant le loup. Et toi, tu as un nom?

Lui en devoir une? Mais pas du tout! Il n’avait pas eu le choix de la sauver! Non seulement était-elle humaine, et un loup devait donner sa vie pour épargner celle d’un humain innocent, mais en plus c’était sa mission de la sauver! Mais bon… ça, elle ne le savait pas. Et les humains en savaient très peu sur les loups… En général, ils ne connaissaient que ce qui était effrayant, et avaient peur de ces majestueux animaux de la race à laquelle Sylver appartenait.

Il ne comprit pas ce qu’elle faisait lorsqu’elle prit une pierre, mais il se rattrapa rapidement. Elle voulait s’entailler le bras! Trop surpris par le geste, il n’eut même pas l’idée d’essayer de l’en empêcher. Et lorsqu’elle l’eut fait, c’était un peu inutile… Le loup eut tout de même un léger mouvement de recule lorsqu’elle se redressa. Il suivit son avant-bras des yeux et regarda les plaies se refermer. Le sang de cette jeune fille avait de propriétés curatives! Était-elle réellement humaine? Et si non, qu’était-elle? Pourtant, elle avait l’air humaine… Peut-être faisait-elle de la magie?

Il eut rapidement sa réponse. Lorsqu’elle lui dit qu’elle aussi pouvait guérir. La pauvre… S’il fallait qu’elle se blesse chaque fois qu’elle voulait aider les gens… Quoi que Sylver aussi finissait blessé lorsqu’il soignait les gens… Mais lui, il n’était pas une gentille humaine douce et innocente! Lui, il était un loup, choisi par un dieu pour effectuer une mission… Et pour ce dieu, il était prêt à souffrir. Ou alors pour soulager ceux qui le méritaient. Mais elle, se blessait-elle pour une raison autre que de venir en aide aux gens? Même, à de parfaits inconnus! Elle ne savait même pas le nom du loup, n’était même pas certaine qu’il lui dise la vérité, et elle l’aidait! Il ne lui avait même pas demandé d’aide… Et il s’en serait passé. Son épaule aurait guérie, il y était habitué. Maintenant, elle était à nouveau blessée. Mais il se dit que ça ne servait à rien de la guérir une fois de plus, elle ne l’accepterait pas. Au jeu du plus gentil, il pouvait bien la laisser gagner.

Puis elle se présenta. Nyuuwa*… Savait-elle ce que son nom signifiait? Non bien sûr… elle n’avait pas compris lorsqu’il avait utilisé le dialecte dont son nom était issu. Étrange coïncidence, quand même. Aussi loin qu’il se souvienne, Sylver utilisait ce langage depuis qu’il savait parler. Il n’avait jamais croisé quelqu’un qui la comprenne entièrement, et encore moins une personne que son nom en était issu. Douceur… Celui lui correspondait parfaitement. Son nom lui avait si bien été donné… Le loup se demanda quel pourrait être son nom à lui. Sylver n’était qu’un surnom, qui n’avait pas vraiment été choisi sérieusement. Gongen* peut-être… mais cela ne correspondait qu’à son état présent. S’il se fiait à sa vie entière… Rikikan*, peut-être. Il avait dû faire preuve de force pour devenir Alpha si jeune… Ou alors Osa*. Mais ce n’était pas le cas, il n’avait pas de nom…

« Je ne possède pas vraiment de nom, mais les rares personnes que je connaisse m’appellent Sylver. »

Ses yeux se posèrent à nouveau sur l’avant-bras de Nyuuwa.

« Pourquoi avoir fait cela, Hito-sama*? Je vous ai guéri en connaissance de cause. Je suis habitué à la douleur, et j’ai appris à la supporter. Si j’ai fait cela, c’était pour vous éviter à vous de souffrir. Et voilà que vous vous blesser vous-même, sans que je ne vous en fasse la demande, pour me guérir d’une blessure qui ne me faisait même pas vraiment mal. Vous auriez au moins pu me demander ce que j’en pensais. Jamais je ne vous aurais autorisé à le faire. Laissez-moi transférer votre nouvelle blessure sur mon corps, je vous prie. Je ne veux pas que vous souffriez. Le froid doit déjà être assez pénible pour vous… »

* Nyuuwa (se prononce Niouwa) : Douceur
Gongen (se prononce gone guene) : Avatar (incarnation/représentant d’un dieu)
Rikikan (se prononce rikikane) : Force (puissance physique)
Osa (se prononce ôsa) : Chef (qui commande quelque chose)
Hito (se prononce ito) : Humain
-sama (se prononce sama) : marque de respect donné à un être jugé supérieur.

Invité

«Sylver... pensa-t-elle. Quel joli nom pour un loup!»
Par contre la suite des paroles de l'animal l'effrayèrent un peu. En fait, non. Nyuuwa n'avait pas vraiment peur. Elle était plutôt intriguée par sa requête. Aussi, la façon dont il s'exprimait laissait présager une intelligence supérieure à celle des animaux normaux, c'était évident. Probablement qu'il était plus malin que la jeune chimère. Elle en rougit. C'était vrai qu'elle n'était pas très rusée. Stupide, elle ne le pensait pas. Mais elle avait tendance à jouer les jeunes filles naïves devant les autres pour ne pas les brusquer. Surtout devant les hommes... C'était la seule façon pour elle de recevoir un peu d'attention. Mais on comprenait rapidement qu'elle était juste très gentille et qu'elle portait foi en son coeur, plutôt qu'à sa tête.

Doucement, elle caressa le museau du loup et sourit.

- Écoute, Sylver... Si je t'ai guéri, c'est pour les mêmes raisons que toi. Je ne voulais pas que tu sois blessé à cause de moi. D'ailleurs, je suis habituée de souffrir de cette manière, alors, tu n'as rien à craindre. Je te l'assure.

Elle sourit et lui montra son bras blessé.

- Ce pouvoir... Je crois que cela vient de mes origines.

Elle hésita à poursuivre. Mais le regard bienveillant de Sylver lui donna confiance et elle soupira.

- Tu vois, je suis mi-ange et mi-démon. Mes parents étaient des rebelles, de grands esprits, qui voyaient plus loin que les autres. Je les aimais beaucoup. Mais ils ont disparu et je ne les ai plus jamais revues. Et je n'ai jamais sû ce qui leur était arrivé. Je n'étais qu'une petite fille, à l'époque.

Prise d'un long frisson, elle s'enroula de ses propres bras et se mordit la lèvre. Le poids de ses souvenirs lui faisaient toujours aussi mal.

- J'ai... J'ai essayé de... De trouver ma place. continua-t-elle, avec difficulté. J'ai supplié les anges. Je leur ai promis ma dévotion absolue envers eux. Cependant, ils m'ont chassée cruellement. Ils ont dit que je n'étais qu'un monstre. Qu'une chimère, encore plus dégoutante qu'un démon...

Nyuuwa sentit sa gorge se nouer. Elle avait de plus en plus de mal à prononcer ses mots et ses grands yeux se mouillaient lentement...

- Quant aux démons...

Elle laissa échapper un rire cynique, ses fins doigts se posant sur son cou. Sur son collier de cuir.

- Ils n'ont pas été des plus tendres.

Son regard se posa sur Sylver. Malgré tout, elle sourit au travers de ses larmes.

- Tu dois regretter de m'avoir sauvée, hein?

[Je sais, c'est vraiment court. Mais je n'avais pas d'inspiration. T-T]

[Court? OO Tu hallucines!! Moi, il est court… et c’est moi qui en suis désolé!]

Silver soupira intérieurement. Il ne réussirait pas à lui faire changer d’idée, c’était certain… Elle l’avait guéri et tenait à ne pas le voir blessé de nouveau. Il lui avait pourtant dit que c’était lui qui l’avait blessée elle et qu’il l’avait guérit pour se faire pardonner. Apparemment, elle n’en avait pas vraiment besoin. Le problème était qu’avec une plaie ouverte, elle risquait d’avoir encore plus froid… Il écouta néanmoins attentivement ce qu’elle disait, sans oser la déranger.

Ses oreilles frémirent de curiosité lorsqu’il entendit le mi-ange mi-démon. Une croisée? Eh bien… c’était pour le moins… inattendu. Voir une croisée ange-démon dans sa vie, c’était un truc qu’il n’avait même jamais pensé qui pouvait arriver! Était-ce pour cela que son dieu l’avait envoyé la sauver? Son sang mêlé lui réservait-il un rôle spécial dans l’équilibre du monde? Le loup mit ces questions de côté. Il n’avait pas à se les poser. Si son dieu avait voulu qu’il sache quoi que ce soit, il le lui aurait dit. Mais s’il l’avait dit et que Sylver n’avait pas su interpréter?

L’animal fut triste alors que Nyuuwa évoquait son passé, et ses oreilles se baissèrent, montrant ses émotions. La pauvre… rejeté des deux sociétés qui l’avaient vu naître… condamnée à vivre seule en ce monde. En même temps, ça expliquait pourquoi elle n’avait pas eu peur de lui. Elle ne devait rien savoir des dangers des différents mondes… Mais que pouvait-il faire pour l’aider? D’abord, il devait la réconforter un peu. Mais comment? Et puis, il pouvait lui proposer de l’accompagner un peu, et répondre à ses questions. En fait, oui, c’est ce qu’il ferait. Il la raccompagnerait… où elle le voudrait… mais elle n’avait nulle part ou aller… Alors quoi faire? Bon, commencer par quitter ces montagnes. Répondre à sa question en premier lieu.

« Regretter? Mais non, pas du tout! Vous êtes si gentilles Hito*… *Non, elle n’est pas une humaine* Shijeiji-sama*… Cela aurait été si dommage que vous ne surviviez pas… »

Il s’approcha d’elle, ou plutôt se colla un peu plus sur elle, puisqu’ils étaient déjà très près…

« Vous semblez avoir froid… Je ne voudrais pas que vous souffriez d’une hypothermie… »

Sylver attendit un moment. Avant de lui proposer de la raccompagner, il devait d’abord savoir pourquoi elle était ici. Et lui offrir de l’accompagner dans la poursuite de sa quête. Si elle ne voulait pas mourir de froid, elle aurait besoin de lui. Surtout qu’elle n’était pas venue équipée…

« Mais… Dîtes-moi, si je puis me le permettre, qu’est-ce qui vous a amené ici, et pourquoi êtes vous si peu équipée? »

* Hito (se prononce ito) : Humain
Shijeiji (se pronounce chidjéidji) : Bâtard
-sama (se pronounce sama) : Marque de respect donnée à un être considéré comme supérieur

Invité

[Yo, valet! :P Après tout ce temps, je te réponds finalement. Désolé de l'attente. x)]

Elle sourit devant la gentillesse de l'animal. Le voir aussi timide à son égard l'amusa également. Mignon comme tout, le loup ailé, qui lui demandait de la réchauffer. Elle se lova contre sa poitrine poilue et se sentit immédiatement très bien. Chaud, confortable, elle ne risquait plus de ressentir l'air glacial. Quelle idée stupide aussi, de ne pas avoir songé une minute au froid. Nyuuwa était très mal préparée, décidément.

D'ailleurs, la question de Sylver l'embarrassa un peu. Il allait probablement la trouver sotte d'être partie comme ça. Elle le regrettait un peu aussi. Cette rencontre avec son nouvel ami la fit réaliser que certains endroits pouvaient être de véritables sources de dangers pour une jeune fille comme elle. Sans l'intervention de la créature ailée, elle serait déjà morte. Maintenant, elle voulait rentrer chez elle. Mais elle n'avait pas de maison. Peut-être qu'elle pourrait retourner au village qu'elle avait quitté. Elle s'était tout de même fait quelques amis. Malgré tout, le besoin de retourner là-bas ne se fit pas ressentir. Elle désirait ardemment découvrir sa place dans ce monde étrange et insolite mais avant cela, elle devait en connaître les racines. Voyager ainsi avait été fabuleux...

Elle leva la tête vers Sylver et lui flatta son museau. Il l'intriguait énormément et elle se demanda s'il y en avait d'autres comme lui. Il semblait trop merveilleux pour n'être qu'une banale espèce habitant les montagnes.

- En fait, je voulais voir de mes propres yeux tous les endroits de notre monde. J'étais très curieuse et je crois que c'est à cause de ma grande immaturité que je n'ai pas pris la peine de mieux me renseigner.

Baissant le regard, elle joua avec un pli de sa robe en se mordant la lèvre inférieure.

- Et toi, que fais-tu ici? Je crois que cette grotte n'est pas ta maison, je me trompe?

L’ignorance… un problème qui se réglait parfois facilement, d’autre fois beaucoup plus difficilement. Là toutefois n’était pas le problème. Le problème, c’était l’insouciance. Cette simple caractéristique qui semblait habiter les êtres doux, gentils et heureux dans leur bienveillance. Le manque d’expérience pouvait parfois être la cause de cette petite affliction qui s’attaquait sans qu’on ne s’en rende compte aux meilleures personnes. C’était cela qui semblait ici s’être produit avec la jeune Nyuuwa. Son manque d’expérience de la vie extérieure ne lui avait pas fait même entrevoir la possibilité que les conditions n’y seraient pas nécessairement les mêmes qu’à l’endroit où elle se trouvait. Et donc, elle n’avait pas pensé nécessaire de changer ses habits pour des plus adaptés. Un sourire étira la gueule du loup. Pas un sourire moqueur, mais un sourire plus… paternel. Il avait offert le même sourire à l’un de ses louveteaux lorsque ce dernier avait tenté d’attraper son premier lapin. Il avait échoué, tout naturellement. Ce simple sourire l’avait réconforté immédiatement. La différence était que la jeune hybride ne pouvait pas voir sa gueule, son visage étant bien enfoui dans la fourrure du torse de Sylver.

Bien sûr, elle lui avait retourné la question, la créature ailée ne l’avait presque pas comprise. Les mots lui étaient bel et bien parvenu, mais la main… si douce… et qui caressait légèrement son museau… cela… faisait du bien. Il aimait cette sensation, sa queue s’en déplaçait toute seule, balayant lentement l’air de gauche à droite, avant de faire le chemin inverse. Sans même s’en rendre compte, il avait fermé les yeux. Il ne les rouvrit pas. Il n’avait pas besoin de voir pour savoir de quoi était composé son environnement. Il pouvait sentir l’odeur de la mousse, la fraîcheur de l’air frais qui s’engouffrait dans la grotte, il ressentait le souffle de l’hybride sur le poil de sa poitrine. Le loup pensa à un détail. Même si elle était lovée contre lui, Nyuuwa recevait encore le souffle du vent dans son dos. Il tourna lentement autour d’elle afin de lui servir de barrière au courant d’air, puis se souvint qu’elle l’avait questionné et décida de répondre, lui murmurant à l’oreille, pour ne pas la blesser en parlant trop fort :

« Non… en effet. Je ne vis pas ici. En réalité, je n’ai pas vraiment de maison, je vais là où mon destin m’appelle. C’est ce qui m’a amené ici. Je me suis senti appelé par ces montagnes et j’ai suivit cet appel jusqu’à cette grotte. Puis vous êtes arrivée, Shijeiji-sama*, et vous vous êtes effondrée devant la frotte, épuisée par le froid. Pour la suite, je n’ai pas besoin de m’expliquer, vous la connaissez déjà. »

Sylver était content de sa réponse. Il n’avait pas vraiment voulu dire à Nyuuwa qu’il avait été envoyé par un dieu, elle aurait posé des questions. Malheureusement, le loup n’avait aucune réponse, lui-même se questionnait! La réponse qu’il avait donné était vraie, mais ne laissait pas sous-entendre d’implication divine. La jeune hybride prendrait cela comme une philosophie de vie qu’avait adopté la créature ailée. Ce qui n’était pas loin de la vérité.

Le loup resta silencieux quelques secondes, puis donna un petit coup de langue sur la joue de Nyuuwa, essayant de se montrer réconfortant.

« Ne vous inquiétez pas, rien de tout ça n’est de votre faute, ce sont des choses qui arrivent. Dîtes-vous plutôt que si vous vous étiez mieux équipé, jamais vous ne m’auriez croisé. Et pour être franc, je suis bien content de vous avoir rencontré. Si vous voulez, je peux vous raccompagner jusqu’au pied de la montagne. À moins que vous n’ayez d’autres questions à me poser, il me fera un plaisir d’y répondre. »

Sylver aurait proposé de la raccompagner jusqu’au village le plus près, mais les humains n’étaient pas tous prêt à laisser un loup approcher une enfant, encore moins s’il avait des ailes et des crocs… Dès qu’ils le verraient, ils essaieraient de le tuer. Il ne pouvait pas faire plus que de lui tenir compagnie jusqu’au première traces de civilisation.

*Shijeiji (se prononce Chidjéidji) : Bâtard
-sama (se prononce sama) : Marque de respect donnée à un être jugé suppérieur.

Invité

Quelle adorable créature. Affectueux, gentil et prévenant. Nyuuwa se sentait très bien contre Sylver et elle rigola quand il lui lécha la joue pour la consoler. Elle remarqua qu'il appréciait ses câlins et elle lui gratta le torse et les oreilles en embrassant son museau humide. Nullement effrayée, elle aussi était très contente de l'avoir rencontré. Un être aussi fantastique que lui. Et autonome. Intelligent. La fascination ressentie envers le loup ailé ne faisait que s'accroître de minute en minute. Elle aurait voulu en connaître davantage mais la jeune hybride comprit que lui-même ne savait pas tout. Elle respectait ça et se contenta de lui offrir des caresses que le pauvre ne semblait pas recevoir souvent. Mais pourquoi donc? Il était mignon et bienveillant. Certes, ses ailes de chauve-souris intimidaient mais elles le rendaient que plus majestueux. Elle finit par le regarder dans les yeux, admirative et souriante devant son nouvel ami.

- Vous vous sentiez attiré par ces montagnes? Je comprends ce que vous voulez dire. Moi, c'est l'envie de voyager qui m'habite et qui me fait vibrer. J'ai soif d'aventure, je veux voir le monde. En fait, j'espère trouver ma place dans cet univers. Il est vaste, riche et coloré. Peut-être trouverai-je ma maison?

Elle flatta sa douce fourrure et rigola. Que quelqu'un soit aussi sincère et prévenant avec elle la surprit mais lui fit plaisir. Nyuuwa était tellement habituée à la solitude qu'elle en oubliait presque la bonté des gens. Le monde n'était pas juste de la laideur et de la méchanceté.

- Vous êtes gentil, Sylver. Une grosse boule de douceur. Mais je ne veux pas vous ennuyer avec mes interrogations. Je désire juste apprendre et comprendre la vie autour de moi. Vous n'êtes pas obligé de me témoigner autant de générosité à mon égard. Je ne suis qu'une simple hybride. Au contraire, c'est moi qui devrais vous servir. Je vous dois la vie, Sylver.

Puis, elle jeta un coup d'oeil vers l'extérieur. Le vent soufflait avec rage et la fit frissonner. Nyuuwa ne souhaitait plus vraiment sortir de la grotte maintenant qu'elle savourait la chaleur tant convoitée. Par contre, elle se doutait bien qu'elle ne survivrait pas très longtemps ici et qu'à un moment ou à un autre, elle devrait partir. Quitter les montagnes, carrément. Elle soupira et gratta sa tête, pensive. Comment ferait-elle? Puis, un bruit sourd retentit à ses oreilles. Elle baissa les yeux vers son estomac et rougit.

- J'ai faim... marmonna-t-elle.

Où trouver de la nourriture? Et comment? La température ne permettait pas aux plantes de pousser et encore moins à des animaux de vivre. Sans compter que Nyuuwa commençait à avoir très soif. Elle se traîta mentalement d'imbécile et se maudit de ne pas avoir davantage de matière grise dans le crâne. Elle leva son regard mi-interrogateur mi-suppliant vers son sauveur, mélangé avec un peu de honte.

Le loup ailé se sentait un peu mal. Il était content que la jeune hybride ne pousse pas trop son questionnement, quoi qu’il ne parlait que rarement et aimait bien le faire. Mais il n’osait pas poser de questions, de son côté. Et puis, pourquoi allait-elle s’imaginer qu’elle lui devait quelque chose? Elle ne lui devait rien, il l’avait sauvé parce que c’était la mission qu’on lui avait confiée. Oui, mais elle ne le savait pas. Et puis, c’était naturel de venir en aide à ceux qui en avaient besoin. Ceux qui ne le faisaient as étaient des monstres! Sauf sous bonne raison, bien sûr, mais ça c’était rare. Et s’il n’y avait que ça… le loup se sentait très triste pour elle. Elle devait être rejeté, elle n’avait personne vraiment dans son entourage… elle cherchait sa place. Et lui il ne pouvait pas la lui donner. Il ne savait pas que faire d’elle. Il ne pouvait pas lui demander de l’accompagner, ayant fait promesse de solitude. Avoir un « compagnon de route » ne pouvait que lui attirer des problèmes. Il ne voulait pas qu’elle souffre plus. Que faire alors? Il devait au moins la reconduire hors de ces montagnes. Si au moins le vent pouvait tomber, et la neige arrêter! Cela faciliterait les choses.

Mais bon… en même temps, ils n’étaient pas si pressés. Et puis, c’était si bon de sentir les doigts de l’hybride dans sa fourrure… ça allait lui manquer, lorsqu’il se séparerait d’elle. S’il avait le choix, il l’adopterait. Ou peut-être aurait-ce été l’inverse? Après tout, c’était lui l’animal. Elle était si gentille, il aurait aimé tout lui apprendre. Il… la regardait comme il aurait regardé… son fils… Oui, il se sentait un peu comme un père. Et ça le déchirait de savoir qu’il serait un père absent. Un autre enfant qu’il allait abandonner. Il essaya de ne pas laisser paraître ces émotions, toutefois. Mieux valait ne pas inquiéter Nyuuwa.

Ses oreilles frémirent et il sursauta légèrement? Quel était ce bruit? Que se passait-il? La voix de l’hybride le rassura.

« J’ai faim… »

Ça ne le rassura pas très longtemps. Faim. Il croisa son regard. Elle le suppliait. Bien sûr, lui pouvait se promener dehors, trouver de quoi manger. Mais s’il sortait, elle serait exposée au vent, et elle en mourrait peut-être. Le loup ne pouvait pas lui trouver de nourriture. De la mousse? Était-elle comestible? Il n’en savait rien. Il ne connaissait pas la région. Il commença à s’inquiéter. Il ne voulait pas qu’il n’arrive quoi que ce soit de mal à Nyuuwa! Il pouvait peut-être lui donner de son sang? Était-ce nutritif du sang? Pour les vampires, peut-être, mais pour elle… La seule chose qui puisse avoir l’air nutritive, ça restait la mousse. Était-elle empoisonnée?

Il prit une grande inspiration pour se calmer et regarda mieux autour de lui. Une idée lui vint. La mousse ne se mangeait peut-être pas, mais elle pouvait protéger du vent.

« Je ne puis sortir d’ici et vous laisser sans protection contre le vent. Si vous arrachez la mousse en faisant attention, vous pouvez vous faire une couverture, qui vous protégera le temps que je chasserai quelque chose à manger. Malheureusement, faire un feu sera impossible, il vous faudra le manger cru. »

Pouvait-elle le faire? Les humains ne mangeaient pas la viande crue. Mais elle n’était pas humaine.

« Si cela ne vous dérange pas, c’est cela que nous ferons. Et lorsque vous mangerez, nous parlerons. Vous êtes une hybride, oui, mais je vous rappelle que je suis un loup. Je ne crois pas que cela vaille beaucoup plus. »

Il s’assit pour attendre sa réponse. Il voulait aussi attendre qu’elle soit installé avec la mousse comme il faut, avant de partir.

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