Une retrouvaille (PV Tullia)

Un bar, quelque part a Sar Hetsu, de toute façon à ce moment-là j’en avais un peu rien a foutre.

-Patron, un grand whisky.

-Un quoi ?

-Heu… Bon bah de l’eau de vie alors…

-Ca marche.

J’en avais bien besoin pourtant, de ce grand whisky. J’étais allé de mal en pis depuis mon arrivée à Shibai. Entre mon périple en ces terres démoniaques et le temps que j’ai passé dans les villes pour savoir ce qui étais arrivé à Shrikan, je n’avais qu’enchainé les échecs, ce fut dans ce fort humain que j’ai finalement appris la nouvelle.

Morte.

Elle, ses amies les gardiennes, toutes mortes. Elles s’étaient sacrifiées pour ce qu’elle m’avait appris, défend le bien, les opprimés, les pauvres, ce qui est juste. Dans un geste héroïque, elle s’était sacrifiée et avait mis tellement a mal l’armée adverse qu’elle a dut battre en retraite, et ne reviendrais pas pendant plusieurs années. Mais elle était morte ! Comment avait-elle pu mourir ? Elle !? Ca n’avait aucun sens, comment un être aussi formidable qu’elle avait-elle pu mourir ? Tout le monde, mais pas elle !

J’étais au fin fond de la déprime, je fis qu’un trait de mon verre d’eau de vie, il fallait bien ça pour oublier, mais mes nombreuses soirée boissons m’avaient fait résistant à l’alcool, ça m’avais a peine perturbé, je m’apprêtais a en commander un autre verre quand…

Un dragon, un dragon et de la glace approchaient…

Cette aura glacée, belle et terrifiante à la fois, cette puissance. Elle m’attirait, envoutaient mes sens, d’un geste presque inconscient je mis deux pièces sur le comptoir sans rien dire avant de me lever, sans prêter attention à la probable formule de politesse bateau que le patron m’avait lancé, je fis quelques pas et je sorti au grand jour, elle se rapprochait, c’était elle j’en étais sûr.

10 soldats accompagnaient 3 femmes, 2 servantes et ce qui semblaient être une diplomate, un convoi administratif… Mais pourquoi se faire passer pour morte ? Je la fixais dans la rue, Elle avait changée, peut-être pour se faire oublier ? Ca expliquerait son simulacre de mort. Mais son sacrifice vu de tous ? Les démons et les elfes noirs massacrés ?

Je n’allais pas bêtement faire « Hé Shrikan ! » Non, elle avait voulu se faire oublier, il fallait que je trouve un moyen de lui parler.

-Excusez-moi madame mais… Nous nous sommes rencontrés il y a déjà longtemps, je ne sais pas si vous vous souvenez de moi, mais moi je me souviens très bien mais…

Deux gardes m’ont pris repoussés violemment, bon dieu que je peux haïr les gardes, ils sont nombreux, crétins, la plupart du temps inutiles et sont toujours là pour vous emmerder au mauvais moment.

- Désolé messieurs les gardes mais, premièrement, je ne suis pas armé, et deuxièmement, je peux certifier que je suis un ami proche de cette dame, un peu de respect serait le bienvenu.

Mon plan étais totalement con et avait 90% de chances d’échouer mais bon, qui ne tente rien n’a rien comme dit le provèrbe.

Le voyage a été long, épuisant. Très stressant comme toujours quand je dois parlementer avec des elfes, mais j'étais tout de même soulagée que ce soit finit. Et que cela se finisse bien. Le traité d'alliance avec les elfes a été prolongé, sous certaines conditions que je devais discuter avec le conseil. Je doutais qu'il y ait le moindre problème, mais bon cela doit être fait. Mais ce qui m'inquiétait le plus, c'était ce problème avec le nouveau gardien, qu'à présent je devais m'occuper. Encore des ennuis, toujours des ennuis. Comme si j'en n'avais déjà pas assez !
Les servantes qui étaient à cheval à coté de moi ne cessaient de babiller, heureuses d'être de retour et ayant hâte de raconter tout ce qu'elles ont vu à leurs amies et famille. Les soldats qu'en à eux étaient un peu plus nerveux, maintenant que nous étions dans la capitale. Deux d'entre eux étaient devant pour nous faire un passage, pendant que les autre nous entouraient et fermaient la marche. Ils ne cessaient de jeter des regard partout, tentant de voir dans la petite foule qui grouillait dans la rue s'il n'y avait pas des suspects.
Il faut dire, j'avais été attaquée par un groupe d'assassin peu après ma sortie de la ville pour cette mission, et aucun autre n'était apparu sur le chemin du retour. Il y avait donc de fortes chances que cela se répète ici, là où la marge de manoeuvre est plus serrée pour les gardes et pour moi même. Le fait d'être à cheval et non en carrosse augmentait ma vulnérabilité, mais je préférais cela à un mal de mer.

Nous avancions d'un pas rapide, les soldats hélant la foule pour qu'elle se pousse. Il n'y avait pas trop de monde à cette heure ci, mais les gens tardaient à se pousser. Je soupirais, lasse du voyage. Soudain, je vis le capitaine de la troupe ainsi qu'un autre soldat bloquer une personne avec leur chevaux. Ils semblaient en colère, et interpellée je me rapprochais d'eux pour demander ce qu'il se passait.

"Capitaine, qu'y a t'il ? "

Le Capitaine ne quittait pas des yeux le jeune homme, dont la tête dépassait largement le garrot du cheval, et me répondit sur un ton qui ne présageait rien de bon quand à son humeur, même s'il restait sur les mots poli.

" Cette personne dit vous connaitre, et souhaite vous parler. "

Je jetais un coup d'oeil à la personne, la jaugeant d'un regard. Je ne la reconnaissais absolument pas. C'était une personne très grande, un homme aux cheveux gris et pourtant qui avait l'air jeune. Ses habits étaient atypiques, du moins pour la région, et son aura était ....

*Démon...*

Si c'est un démon, alors il se peut qu'il soit là pour m'assassiner.Ne voulant pas montrer mon inquiétude et l'alerte qui résonnait dans ma tête, je répondis au jeune homme sur un ton sec, tout en éloignant ma monture de lui.

" Je ne vous connais pas, monsieur. Alors veuillez dégager la place, nous sommes pressés..."

Le Capitaine semblait satisfait, et tout en ricanant donna un coup de pied à la personne dans le torse pour le dégager. N'appréciant absolument pas ce geste, et oubliant que j'avais peut être affaire avec l'un de mes assassins, je réprimandais immédiatement le capitaine, rapprochant mon cheval de lui pour le fusiller du regard.

" Capitaine ! Cessez de brutaliser les gens ! "
" Mais, Duchesse ... "

Le soldat semblait ébranlé par mon ton, et intimidé par mon regard perçant. Il faut dire que mon aura s'était transformé en aura meurtrière en quelques secondes, et même si les humains ne peuvent pas vraiment la voir ni la détecter, ils en ressentent tout de même les effets.
Je continuais de le rabrouer, sans vergogne même face à ses subordonnés et à la foule.

"Pas de mais Capitaine. Vôtre attitude me met au déshonneur, bientôt les gens me verront comme une femme cruelle et brutale si vous agissez ainsi. Et si cela arrive par votre comportement, soyez sûr que vous le regretterez amèrement.... Allons y ! "

Je talonnais mon cheval, laissant le capitaine marmonner dans sa barbe avant de me suivre. Les servantes pouffaient de rire, se mettant de suite au silence quand le capitaine leur jeta un regard noir. Il m'aimait bien et me respectait, mais il avait encore du mal à supporter le fait d'être sous les commandes d'une femme. Ce soir, il allait être dur avec ses recrues ....
Nous avions pas fait quelques mètres, que j'entendis un sifflement caractéristique à ma droite, et plongeais sur l'encolure de mon cheval. Une flèche passa à quelques centimètres de ma tête, se planta dans la cuisse de l'une des servantes. Elle poussa un hurlement, et ce fut de suite le chaos. Une petite troupe d'hommes armés qui était embusqué dans les ruelles annexes se jeta sur nous. Les soldats les repoussèrent, mais moi mon cheval filait au galop droit devant.

Je l'avais talonné exprès, voulant m'éloigner de la foule. C'était moi qu'ils voulaient alors qu'ils viennent me chercher ! Je ne voulais pas qu'ils s'en prennent aux servantes ou aux soldats, et je savais que si j'étais à l'abri des regards, je pourrais me débarrasser d'eux sans problème. Mon cheval avait parcouru une cinquantaine de mètres, quand soudain j'entendis de nouveaux sifflements arriver dans mon dos. Je me baissais pour éviter les tirs, mais mon cheval reçu une flèche dans le jarret et moi dans mon épaule. Je poussais un cri de douleur et mon cheval trébucha pour finir par tomber. J'avais été éjectée de la selle, m'évitant ainsi par chance d'être bloquée sous le cheval, et me relevais en vitesse pour fuir dans une petite ruelle.
Je courais à en perdre haleine, sentant le sang chaud couler dans mon dos. Je connaissais ces rues, pour les avoirs moi même parcouru la nuit quand j'avais du tuer les diplomates corrompus. Je tournais à droite, puis à gauche. J'entendais au loin les voix de mes poursuivants, qui devaient me suivre grâce aux traces de sang.
Vite, il fallait que je trouve ce hangar.... Ha, le voilà !

Dans un croisement de ruelle, une petite porte en bois donnait l'entrée sur un entrepôt à textile d'un commerçant du coin. Je défonçais la porte d'un coup de pied et pénétrais à l'intérieur, me fondant dans la noirceur des lieux. Je me cachais derrière une large pile de caisses, me faufilant à l'intérieur.
Je restais là, calmant ma respiration et tentant de faire le moins de bruit possible. Cette flèche me faisait horriblement mal, et me gênait dans mes mouvements. Serrant les dents, je la tins fermement dans ma main droite et tirais d'un coup sec. Je retenais un cri de douleur, la souffrance se transformant en colère.
Ils allaient voir eux ..... Ils vont regretter de s'attaquer à moi !
J'attendis quelques secondes, puis me figeais. Des voix résonnaient dans l'entrepôt, ils étaient là .....

Heureusement qu'il accompagnait Shrikan, je n'aurais sûrement pas laissé faire quelqu'un d'autre, de toute façon j'eut la confirmation juste après, cette aura meurtrière, la même qu’au lac. C’était bien elle, pas de doute.

Je compris vite fait pourquoi cette méfiance, quelques flèches, une rixe, des cris des pleurs et une damoiselle en fuite avec a sa poursuite plusieurs assassins a ses trousses, voila pourquoi je trouve les gardes inutiles.

Je me mit a sa poursuite en courant a travers la foule, j'étais tombé au bon endroit en bon moment avec la bonne personne, on peut pas en dire autant des assassins. Je les ai assez facilement suivis, ils étaient trop préoccupés a suivre leur cible pour faire attention a moi. Mais ce n’étais pas le moment de pécher d’orgueil, il faut être doué pour mettre en déroute une escouade d'une dizaine d'hommes.

La porte avais été défoncé, visiblement Shrikan jouait très bien son petit rôle de diplomate faible, mais gardait son pouvoir visiblement. Un des assassin était resté a l’extérieur, pour surveiller j'imagine, sous sa capuche je pouvais voir un visage fin, a la peau étrangement noire, aux oreilles pointues et aux cheveux argentés, qu'elle étrange race, me suis je dit en lui plantant mon poing métallique droit dans le nez, il tomba raide KO, j’espérais qu'il serait encore en état de parler ensuite.

Une fois a l’intérieur, je vis 4 des assassins en train de louvoyer entre les caisses, des êtres noirs comme avant et aussi cagoulés qu'avant. Le premier tenta de me planter en couteau dans l'abdomen, mais je réussit a stopper son coup en lui attrapant le poignet et en lui faisant une clé pour lui déboîter le bras au niveau du coude, un coup a l'arrière de la tête le mis KO pour un bout de temps. Le second tenta un coup de sabre du haut vers le bas, mais grâce a ma maîtrise du métal, je fis pousser sur mon bras une couche de métal pour stopper le coup, puis le mit au sol avec un coup de poing au ventre et un coup de genoux dans la tête.

-Mais, vous etiez serieux au moment ou vous vous êtes fait engager comme assassins ? J'ai connu des voleurs de poules plus forts que vous!

Ils n’apprécièrent bien sur pas la provocation, mais c’était l'idée, le premier tenta de m'empaler sur son épée, mais un pas sur le coté, et un coup de coude métallique a l'arrière du crane le mit a terre. Et le dernier fut vite mis a terre par un coup de pied bien placé.

Je me suis assis sur une caisse et je me suis mit a parler assez fort pour que quelque soit l'endroit ou elle soit dans le hangar, elle puisse m'entendre.

-Bien, j’imagine que tu est encore la, et que personne ne nous écoute. J'imagine que je te devait ce coup de main, après tout tu m'as deja sauvé la vie. Ça me fais un peu mal que tu sois arrivé a m'oublier, j'imagine que tu avais sûrement plus important a faire. Tu te souvient vraiment pas ? Pourtant je dois être la seule personne de tout ce territoire qui dois vraiment savoir qui tu est, la vieille, j'ignore pourquoi tu as voulu te faire oublier, c'est ton choix, mais avant que je te laisse tranquille, tu me dois toujours quelque chose...

Et prenant ma voix la plus théâtrale après avoir vérifié que personne n’étais en mesure d'entendre ce qui allait suivre.

-Tu me dois un combat, Shrikan...

J'attendais, calmement. Je ne pouvais invoquer mes katanas qu'au dernier moment, pour que la magie ne me fasse pas repérer. Je les entendais fouiller parmi les caisses, et parler en langue drow. Hé, cela ne m'étonne guère à vrai dire. Je les attendais, fermant les yeux. Quand soudain, un bruit de combat. Le soldats m'avaient retrouvés ? Mais comment ?
Non, ce n'était pas eux. Il y avait une seule personne, et elle semblait venir à bout de ces assassins. J'en profitais pour faire apparaitre l'un de mes katanas devant moi, en silence. Je grimaçais quand ma main droite serra la garde de l'arme, mon épaule me faisant souffrir. Il y avait dans la flèche du poison, et même si sans mon sang de dragon je devrais être morte à l'heure qu'il est, il empêchait ma plaie de se refermer. Je sortais peu à peu de ma cachette, comme une ombre.Cette aura ... C'était le démon de tout à l'heure !
Maintenant les choses s'assemblaient dans ma tête, c'était lui qui avait stoppé notre convoi et permis à ces assassins de nous attaquer. Mais pourquoi les tuait il maintenant ? Pour avoir seul la récompense ? Sûrement...Il fallait que je l'élimine, tant pis si j'utilise mes pouvoirs de dragon, il va mourir de toute manière. Je l'entendis alors parler très fort, et je compris que cela m'était adressé. Je ne comprenais rien à ce qu'il était en train de dire. Il délirait ?
J'étais sortie de ma cachette, m'approchant discrètement de lui dans son angle mort. Je taisais mon aura, pour ne pas me faire repérer, mais failli être déstabilisé quand il prononça mon nom. Mon ancien nom. Comment pouvait il savoir ? Alertée et sentant que je ne pourrais pas me contrôler plus longtemps, je comblais la petite distance qui nous séparait en un instant et appliquais la lame de mon katana sur sa gorge, restant dans son dos. Ma voix résonna, implacable et froide.

" Qui es tu ? Pourquoi ... Pourquoi m'appeler avec le nom de la défunte Gardienne ? Ais je l'air de lui ressembler, hein ? "

Je tournais autour de lui pour lui faire face, gardant ma lame au niveau de sa gorge. Il était grand, mais la distance importait peu. Je maitrise mon propre espace, et entrer dans le sien ne sera pas si difficile, avec ou sans arme. Je l'interpellais de nouveau, plantant mon regard de glace sur lui, et laissant mon aura colérique et pleine d'envie de meurtre se déployer. C'est un démon, il saura bien voir que je suis sérieuse.

" Je ne sais pas ce que tu me veux, démon, mais je ne te connais pas. Est ce un plan des assassins, que tu me sauves la vie pour que j'ai confiance en toi ? Dans tes rêves oui ! Et je ne suis pas Shrikan. Mon nom est Tullia Estrama Von Raijer, Duchesse du Hartforshire et diplomate royale... Celle que tes amis sont venus tuer. Et toi aussi sûrement, tu dois préférer avoir la récompense pour toi tout seul.... Mais dit moi, si je dois mourir après tout, qui t'envoie ? "

Se retrouver avec une lame sur la nuque n'est jamais très agréable, même quand on as l'habitude des combats, mais bon, l'objectif était la, elle était sortie de sa cachette, et m'avais collé son sabre au cou certes mais on en fais pas d'omelette sans casser des œufs, elle se mit a m’interroger, c'etait bien naturel, je m'y attendais un peu.

-Mon nom est Ragn, Ragn Narok, je vient d'un monde lointain, et je n'ai pas été engagé pour te tuer, j'ai décidé de te retrouver de ma propre initiative. Si tu ne t'en souvient pas je vais te rafraîchir la mémoire, on s'est rencontré une après midi ensoleillée il y a environ 98 années de cela, dans des circonstances plutôt... Difficiles diront nous, tu m'as pris pour élève, même si je n'ai jamais voulu l'avouer, tu as sauvé ma mère de mon alcoolique de père, tu m'as appris les bases du combat a condition de me battre pour ce qui est juste, et pour le bien, tu m'as sauvé la vie d'une attaque de monstres, puis tu t'es enfuie, j'avais pourtant juré qu'un jour l'élève dépasserai le maître, et ça je n'ai pas fais une croix dessus, je te l'ai dit, tu me dois un combat, quelque soit le nouveau nom que tu emprunte et quelqu’un soit la raison, inutile de mentir, le lit dans ton aura comme dans un livre ouvert. Mais toi ? Tu m'as vraiment oublié ? Le petit démon colérique? J'ai bien sur grandit, j'ai changé, j'ai une petite centaine d'année au bas mot, j'ai traversé plusieurs mondes pour te retrouver. Je me doute que depuis le temps tu ai oublié, c'est pas grave après tout.

Ça faisait beaucoup d'information a se remémorer d'un coup mais bon, elle n’étais pas idiote elle devrais s'en souvenir.

-J'ai beaucoup progressé depuis toutes ces années, grâce a toi en grande partie, mais on en parlera plus tard, un des assassins se réveille et les gardes vont bientôt arriver.

Je fixais le démon, ne le perdant pas de vue. J'étais très méfiante, aussi bien en ce qui concernait ses gestes que ses paroles. Il pourrait peut être me faire remonter aux sources que je voulais si je jouais son jeu, mais c'était vraiment très risqué. Surtout qu'il semblait connaitre je ne sais comment mon ancienne identité.
Le démon me répondit, très assuré. Il disait s'appeler Ragn Narok, un nom qui ne me disait rien. Il venait d'un autre monde, ce que je voulais bien croire vu la facture de ses habits, et disait avoir voulu me revoir de son propre chef.
Plus je l'écoutais, plus j'avais des doutes. Sur quoi ? Sur qui il était, sur ce qu'il venait faire ici. Je doutais même de ma mémoire, car ce que je lisais dans ses yeux n'était rien d'autre que de la franchise et la vérité. Je ne suis pas douée pour lire dans les esprits des gens, mais je sais reconnaitre la malhonnêteté dans le regard de quiconque. Question d'habitude et d'instinct. Une petite centaine d'année il disait... C'était impossible, je n'avais pris aucun élève en ce temps là, vu que nous étions en pleine guerre ouverte avec Arou, les Haut Démons et les Renégats. Un élève ... Mais lequel ? Certes, je n'en ais pas pris beaucoup dans ma vie, mais il y en a quand même quelques un. Je fronçais des sourcils, cherchant dans ma longue mémoire et en proie au doute. J'essayais de retrouver des indices dans ce qu'il me disait, et le fait qu'un gamin m'ait demandé des combats sans arrêt me disait quelque chose.... Mais quoi ?

Je continuais de l'écouter, et il semblait comprendre le fait que je l'ais oublié. Mais que devais je faire moi ? Le croire sur parole, mettre ma vie en danger ?
Il parla d'un assassin qui commençait à se réveiller, et en effet je l'entendis gémir au loin. Je fixais toujours le démon, ma lame touchant la peau blanche et tendre de sa gorge. Je devais prendre une décision....Quelques petites secondes de silence passèrent, puis je me mis à soupirer, baissant mon arme.

" Bien, je t'accorde le bénéfice du doute. En l'honneur du fait que tu viens de me sauver la vie. Mais ne te méprends pas, je me méfie de toi, et au moindre geste suspect tu mourras. Je ferais enquête plus tard. "

Je m'éloignais de lui, allant vers l'un des assassins. D'un geste rapide mais précis, je lui coupais la tête, et allais faire de même pour ses compères.

" Mais quoi qu'il en soit, ne m'appelle pas Shrikan, car ce n'est pas moi. Devant mes hommes appelle moi Duchesse ou bien Dame Raijer. Nous continuerons notre conversation plus tard, loin des oreilles indiscrètes. Tu vas venir avec moi, et soyons d'accord : c'est toi qui a tué ces assassins et qui m'a sauvé la vie. Je ne me suis pas battue.... est ce clair ? "

Je n'attendis pas sa réponse, car déjà j'entendais les voix de mes gardes alors que je tranchais la gorge du dernier assassin allongé à l'entrée du hangar. Vite, je faisais disparaitre mon arme et retournais vers ce dénommé Ragn. Je m'approchais de lui et faisais mine de m'appuyer sur son épaule et faisait un effort pour avoir l'air épuisée.

" Maintenant, fais moi confiance et montre moi que tu sais jouer ton rôle de sauveur de damoiselle en détresse. Et ne parles pas ...."

Dès que le premier garde apparu à l'angle lointain de la rue, je m'affaissais presque contre Ragn. Je n'étais pas bien lourde, mon corps étant moins musclé qu'avant, mais je devais faire exprès de peser tout mon poids pour être crédible. Les gardes nous virent, et se mirent à courir vers nous en brandissant leurs épées, persuadés que Ragn était celui qui m'avait fait du mal. Je les stoppais d'une voix faible, leur expliquant que c'était lui qui m'avait sauvé la vie.
Les gardes le regardèrent avec méfiance, mais dès qu'ils virent les traces de sang sur mes habits et constatèrent que j'étais blessée, ils ne se préoccupèrent plus des autres détails. Je fus portée vers le convoi, un garde allant chercher un attelage pour m'amener chez moi. J'aurais pu monter à cheval sans problème, mais je devais garder cette image de femme blessée et faible. J'insistais bien pour que le démon nous accompagne et qu'il soit traité dignement. Les gardes rechignèrent, mais ne purent refuser. L'attelage arriva sous peu, et je fus emmenée dans mon hôtel particulier dans le quartier riche. Là des servantes vinrent me prendre pour m'amener à ma chambre afin d'être soignée. Je stipulais bien que le démon devait rester comme invité chez moi, et que je le recevrais dans peu de temps dès que je serais soignée.

Dans ma chambre, je me laissais bichonner et soignée par les servantes, me trouvant un peu mal à l'aise. Je n'avais pas l'habitude d'être soignée par d'autre personnes, accoutumée à la solitude . Mais je ne disais rien, laissant faire. Allongée dans mon grand lit, j'insistais pour voir le démon.On me dit que je devais me reposer, mais mon regard noir et mon ton aussi tranchant qu'insistant eurent facilement raison d'eux. Je me redressais contre la tête de mon lit, attendant que l'on me présente ce Ragn. Quand il entra dans la pièce, je demandais à ce que l'on me laisse seule avec lui. Un nouveau regard désapprobateur, suivit d'un autre regard noir et insistant. Ils nous laissèrent.
Je fis signe à Ragn de rester silencieux, alors que je murmurais quelques paroles dans une autre langue. J'activais la protection de cette pièce, empêchant d'être entendu de l'extérieur. Une fois que ce fus fait, je fixais le démon et lui fis signe d'approcher.

" Viens, à présent nous pouvons causer en paix. Le hangar n'était pas sûr pour ce genre de conversation. Même si tu es un démon, j'ai étrangement confiance en tes paroles. Pourquoi, je ne sais pas. Mais je pense que si tu avais voulu me tuer, tu aurais tenté ta chance plus tôt. Tu dis me connaitre, mais je n'ai pas de souvenirs de toi. Ton visage ne me dis rien, ni même ton aura. En revanche, si tu le permets, j'ai le moyen de vérifier tes dires... "

Je tendis l'une de mes frêles mains vers lui, le fixant de mes yeux perçants.

" Je ne peux lire dans les pensés. En revanche, si quelqu'un pense très fort à quelque chose et que je la touche en me concentrant, je peux percevoir ce qu'elle pense. Montre moi l'un de tes souvenirs que tu as de moi. Peut être que si je vois des images du passé, je pourrais m'en rappeler..."

Bien évidemment que je savais faire mon sauveur de jeune fille ! Question idiote, j’avais passé ma vie à sauver des jeunes filles, et puis, les gardes sont vraiment idiots dans tous ces mondes médiévaux, il suffit d’avoir l’air fier de soi, de se maintenir droit et de tenir une très convaincante actrice dans les bras. Ils ne se posèrent pas de question. Ils m’embarquèrent dans une calèche au confort moyen sans trop d’explication, surement des ordres de la duchesse. Ils m’amenèrent a un luxueux hôtel… Un luxueux hôtel ? Mais c’était bien la première fois dans ma vie que je passais un moment dans un hôtel de ce genre ! J’étais plus habitué aux tavernes de seconde zone et aux auberges douteuses.

Les gardes payèrent pour moi, la nouvelle shrikan avait demandé à ce qu’on me traite ainsi ? En tout cas autant en profiter, voilà il y a bien longtemps que je n’avais pas pris un vrai bain d’eau chaude, j’avais demandé à ce qu’on lave ma veste, en faisant bien attention à ne pas la faire déteindre. Un coup de rasoir s’imposait aussi pour enlever cette maudite barbe de trois jours. Je pris donc mon temps pour continuer ce brin de toilette. Quand on est un baroudeur on se doit de profiter de ces petits moments de détente.

On me rendit ma veste, belle, à nouveau rougeoyante. Mieux vaut ne pas sortir sans elle, si un assassin se décidais à attaquer alors que je suis séparé d’elle, je pourrais me faire attaquer et ne pas pouvoir utiliser le pouvoir du métal, ça serait plus risqué. Mais alors que je voulais sortir un garde me retint.

-La duchesse tient à vous voir en privé plus tard, donc pour éviter que nous ayons à vous chercher dans toute la ville vous devez rester à résidence, justement notre capitaine tient à vous poser quelques questions.

-Je vois…

Le fameux capitaine au coup de pied était revenu, quel non plaisir, j’aurais préféré le voir mort avec une flèche dans le ventre ça aurait été plus sympathique

-Pas trop secoué monsieur ?

-Si malheureusement, j’ai pris une flèche dans le genou. Mais ce n’est pas le sujet.

-Oui bien sûr, je me préoccupais juste de votre capacité à frapper d’innocents passants excusez-moi…

-Pardon ?

-Donc vous vouliez me poser des questions je crois ?

-Nom, prénom, âge, et profession, nous devons vérifier vous comprenez…

-Narock, Ragn, Mon âge vous ne le croirez pas, quand à ma profession je pense que tueur de dragon au chômage semble la formule la plus appropriée.

-C’est une blague ?

-Je ne sais pas, vous avez un dragon sous la main pour tester ? Bien sûr que non, je suis sérieux.

Heureusement on vint me délivrer de toutes les questions de ce garde borné, convoqué par la duchesse j’imagine, On me fit monter de quelques étages et on me laissa seule avec elle, elle m’expliqua en gros qu’elle m’avais oublié, et elle voulut refaire le coup du pouvoir de psychique avec moi.

-La dernière fois que tu as voulu rentrer dans mon esprit tu m’as assommé, mais bon.

Je pris le temps de retirer le gant noir qui recouvrait ma main droite, avant d’avance ma main vers Shrikan, et le temps d’un instant je me suis remémoré toutes ces heures passé à me prendre des gnons de la part de celle que j’avais surnommé la vieille à l’époque. Ça m’a fait un coup de vieux de penser à tout ce temps qui s’était passé depuis cette époque, mais bon, un démon avait a priori plusieurs centaines d’années d’espérance de vie.

-Rassurée ?

Spoiler:

Il accepta mon offre, et enleva le gant d'une de ses mains pour effectuer le contact. Il était pourtant un peu méfiant, sois disant que je l'avais assommé la dernière fois que j'ai fait ça. Me connaissant, ça doit être vrai. Je plongeais mon regard dans le sien, et effectua un contact avec sa main. Même si le toucher physique doit être fait, c'est surtout par le regard que tout se joue. Dès le contact, ce fut comme si je m'immergeais dans le noir de sa pupille, et entrais dans un monde parallèle.
Je voyais par ses yeux, des images un peu floues et des sons éparts. Je ressentais surtout ce qu'il avait ressenti à ce moment là. De la colère, de la frustration.... Etrangement, je me voyais aussi me battre contre lui, quand j'étais dans mon ancien corps. C'était étrange de se voir ainsi, par les yeux de quelqu'un d'autre. Il ne mentait donc pas, il m'avait bien connu. Mais quand était ce ? Vu la taille que j'avais à ses yeux, il devait être encore un gamin à cette époque. Pas étonnant que maintenant qu'il fait presque 2 mètres je ne le reconnaisse pas.

Je rompais le contact, clignant des yeux et fronçant des sourcils. Il me demandait si j'étais rassurée, mais ne répondis rien. Je farfouillais dans mes souvenirs pour tenter d'élucider ce mystère. Ragn Narok .... Un gamin, un cerisier, un entrainement.... Je me concentrais pendant de longues secondes, puis ce fut le déclic.
Je jetais un regard étonné au Ragn que j'avais devant moi, cherchant les traits qui confirmaient ce qu'il disait. Je le regardais à présent comme s'il revenait des morts, n'en croyant pas mes yeux.

" Mais ...Comment ? "

Oui, comment était il arrivé jusqu'ici , comment il m'avait trouvé ?
Je secouais vivement ma tête de droite à gauche, voulant éclaircir mes pensés. Maintenant tout devenait plus compliqué.... Je soupirais, apparemment très embarrassée.

" Ecoute Ragn, je suis désolée de t'avoir oublié mais.... Tu as beaucoup changé par rapport à la dernière fois que je t'ai vu. De plus, tu dis que seulement une petite centaine d'année s'est passée depuis notre rencontre. Hors pour moi, c'est une période de plus de 500 ans qui nous a séparé. Beaucoup, beaucoup de choses se sont passées depuis ..... "

Je me rapprochais de lui, le fixant dans les yeux avec la ferme conviction que j'allais pouvoir le convaincre. J'étais presque suppliante, tant j'espérais qu'il m'écoute.

" Je ne sais pas comment tu as fais pour me retrouver ni me reconnaitre, mais quoi qu'il en soit tu ne peux pas rester ici, dans ce monde. C'est un monde totalement différent du tien, et il est beaucoup plus dangereux que ce qu'il n'y parait. Je ne pourrais pas te protéger, déjà que j'ai du mal à me protéger moi sous cette couverture . Tu dois partir le plus vite possible, et ne pas chercher à me combattre ni à me revoir. Je ne peux plus me battre à présent, c'est finis. Celle que tu as connu est morte, autant au sens propre qu'au sens figuré du terme... "

Je me souvenais à présent de sa volonté combative, et qu'il m'avait dit être revenu ici pour me combattre. C'était tout bonnement impossible à présent. Je n'en avais ni l'envie, ni la possibilité. Je ne voulais plus me battre, du moins pas de cette manière. J'espérais le convaincre, mais avec une tête de mule pareille, c'est presque mission impossible.

-Ok, ca marche, je suis d'accord...

Il y a des fois il faut avoir la réplique qui tue, avec tout ce qu'elle peut provoquer comme réaction, là le but était de créer de l'espoir, lui faire croire que toute ma rancœur, que tout ce qu'elle m'avais fait subir, je l'avais oublié...

-Bien sûr faut que je sois sûr qu’à un moment ou a un autre on puisse régler cette petite histoire.

Je ne pus m’empêcher de pousser un petit rire, mais je détournais le sujet, pour le moins sensible, car il était impossible pour moi d'oublier cette histoire.

-J'ai une théorie pour la chronologie différente. Je ne t'ai pas trouvé tout de suite, avant j'ai voyagé de monde, hors chaque monde obéit parfois à des règles physiques bien précises parfois, dont celle de l'écoulement du temps, à force de voyager de monde en monde, il est possible que celui-ci se soit déroulé différemment pour toi que pour moi, mais ce n’est qu’une théorie. Pour ce qui est du danger, qui pourrait planer sur moi, sache que pendant ce temps je n’ai pas stagné, j’ai beaucoup progressé. Je peux citer la création d’un nouvel élément, ma carrière de chasseur de dragon, le renversement de plusieurs empires… Je ne vais m’affoler surtout au vu des compétences des assassins de ce pays, et puis surtout j’ai besoin d’argent, je ne suis pas encore connu dans ce monde, mais visiblement il y’a beaucoup de chose que je pourrais faire pour aider ce pays. Enfin… C’est tout de même toi qui m’as appris à me battre pour ce qui était juste…

Je pris une longue inspiration, je m’étais décidé à dire ce que je pensais de son camouflage, de son subterfuge. Je le cachais bien pour le moment mais j’étais en rage de sa décision, comment avait-elle put abandonner ?

-Je suis désolé de te dire ça, mais tu me déçois. J’imagine que tu as tes raisons et que mes paroles vont sans doute te sembler odieuses. Mais je pense que tu n’avais pas le droit d’abandonner, bien sûr j’imagine que tu fais beaucoup pour ces terres avec ce poste mais…Enfin, je ne vais pas te faire la morale, ce serait déplacé excuse-moi

Je fis quelques pas pour m’éloigner d’elle avant de détourner du regard, je n’osais lui en dire plus. Bien sûr que j’étais déçu, comment je n’aurais pu être déçu ? C’était mon modèle de jeunesse ! C’est comme si votre super héros favori au milieu du film sortait une réplique du genre « Non, continuez sans moi, j’en ai marre de sauver le monde et puis j’ai mérité ma retraite, de toute façon vous vous débrouillez très bien sans moi allez salut maintenant » C’est ignoble comme fin ! Quand on a du talent on se doit de le mettre au profit de ceux qui n’en n’ont pas ! Ça n’a absolument aucun sens, ou sont les valeurs telles que courage et persévérance ?

-Bon, j’imagine que je n’ai aucune raison de rester à ce moment-là… Et de toute façon, j’imagine que je n’aurais jamais une nouvelle occasion de prendre ma revanche… Je compte rester dans ce monde un petit moment de toute façon, tu pourras m’appeler si tu as envie ou besoin de me voir…

Je me dirigeais vers la porte, j’allais mettre la main sur la poignée quand je me suis souvenu, le sort de protection, je fis demi-tour avant de lancer un regard à Shrikan, ou la duchesse, peut importer celle qui soit devenue. Assez expressif pour lui faire comprendre ce que je voulais.

Le réponse de Ragn me déconcerta totalement. Il était d'accord, lui qui était avant le premier à contester la moindre de mes paroles, conseils ou ordres ? J'en étais presque à me demander si je ne m'étais pas trompée et qu'il n'était pas un imposteurs, tant c'était inattendu. Mais il tua de suite tout doute dans l'oeuf en répondant que de toute manière, il me reverra pour exercer sa vengeance. Je soupirais de dépit pendant qu'il riait doucement, levant un regard légèrement rempli de reproches sur lui. Il enchaina rapidement en expliquant selon lui pourquoi notre période de séparation était différente l'un pour l'autre.Je l'écoutais avec politesse, bien que je sache déjà pertinemment les raisons de ce paroxysme. J'avais voyagé entre les mondes bien avant lui et pendant plus longtemps, aussi je connaissais les risques et les conséquences d'un tel style de voyage. Mais il ne pouvait pas le savoir, car jamais une seule fois je ne lui avais parlé de mon passé. D'ailleurs, maintenant que j'y réfléchis un peu, il ne connaissait pas grand chose de moi, tout comme je ne savais rien de ce qu'il s'était passé pour lui pendant cette petite centaine d'année.
Il m'expliqua d'ailleurs lui même ce qu'il avait fait tout ce temps, et je ne savais quoi dire. Tant de choses qui me paraissaient étrange vu le souvenir que j'avais de lui. Bon, il devait sûrement exagérer un peu en parlant de renverser des Empires, mais pour le reste c'était sûr qu'il avait progressé. Ainsi le petit démon était devenu grand, et je pouvais me sentir fière de ce qu'il avait fait. Je me sentis même émue en l'entendant dire qu'il se battait pour les justes, comme je lui avais enseigné. Je souriais, heureuse que j'ai pu produire quelque chose de positif sur ce jeune démon.

Mais lui semblait fortement affecté par ce qu'il voyait de moi aujourd'hui. La déception qu'il clamait et affichait clairement sur son visage était comme un pic de glace s'enfonçant dans mon coeur. J'avais mal, honte, mais j'étais aussi en colère. Je ne supportais pas qu'il me juge alors qu'il ne connaissait rien de moi et de mon passé, ni ce qu'il s'était passé après notre séparation. L'image qu'il avait de moi n'était qu'une toute petite parcelle de ce que j'étais vraiment, et cela me faisait autant mal qu'à lui. Il s'excusa, se retournant en direction de la porte. Je fronçais des sourcils et détournais mon regard de lui. J'étais vexée, blessée dans mon amour propre par ce qu'il venait de dire. Pourtant, j'étais aussi fautive que lui. Je l'avais jugé sur son incompétence du passé, lui parlant comme s'il était inoffensif et faible. Mais il avait changé, alors pourquoi ne pas lui accorder sa chance ?
Je levais mon regard pour le voir à deux doigts de franchir la porte. Il était grand maintenant, peut être pouvait il survivre alors que tous les autres ont trépassés .... Je le regardais se retourner vers moi et se rapprocher, son regard suppliant ce qu'il voulait vraiment. Je le fixais avec tristesse, un véritable combat intérieur se menant en moi. Devais je le laisser entrer à nouveau dans ma vie, quitte à le mettre en danger ? En avais je le droit, moi qui n'avait fait que condamner ceux qui m'entouraient, comme pour les Gardiens ?
Je n'avais pourtant plus envie d'être seule, réduite à me morfondre sur les conséquences de ma simple existence en ce monde, que je désirais pourtant ardemment.
Quelques longues secondes à fixer le regard gris de Ragn me suffit pour abdiquer. Je soupirais, fermant le yeux en signe de coopération

" C'est bon, reste..."

Je l'invitais à nouveau à s'asseoir d'un geste, évitant pourtant soudainement son regard. Je me sentais rougir, comme si avouer cette défaite me coutait énormément. Peut être était ce vrai, quoi qu'il en soit je n'avais pas l'habitude de me dévoiler ainsi aux yeux des autres et je me sentais gênée.
Je m'expliquais un peu plus, parlant de manière un peu hésitante et sur un ton plein de vigueur.

" Pardonne moi, je suis un peu .... déstabilisée par la soudaine apparition d'un gamin que j'ai connu il y a plus de 500 ans, venant d'une vie antérieure que j'ai décidée d'oublier, pour mon propre bien..."

Je le fixais à nouveau, cette fois ci laissant l'émotion de la reconnaissance apparaitre dans mon coeur. Je lui souriais légèrement, un sourire à la fois doux et intense.

" Mais je suis tout de même heureuse de savoir que tu vas bien, et que tu as bien grandis. Je suis même fière de voir que tu as suivis mes préceptes jusqu'au bout. Tu as parcouru ton chemin sans moi, alors pardonne mon incompréhension."

Je me rapprochais de lui, lui parlant avec sincérité et sérieux à la fois. Je devais lui faire comprendre que je ne voulais que remettre les choses en ordre pour prendre la bonne décision par la suite. Je ne savais pas s'il allait m'écouter, mais j'espérais que oui, vu qu'il avait l'envie de se mesurer à moi. Hors on ne combat bien l'ennemi que si on le connait.

" Je crois que nous devons reprendre les choses là où nous les avons laissés, à l'époque. Je n'avais pas le temps de t'expliquer alors qui j'étais, ce qui explique aujourd'hui le fait que tu sois déçu de me voir ainsi, et que tu ne comprennes par cet abandon. Je crois qu'il est temps que tu saches qui j'étais et ce que j'ai fait, pour bien me comprendre... "

Je m'arrêtais là pour bouger vers la tête de lit, tirant sur un cordon relié au plafond. Quelqu'un se mit à toquer à la porte, et je me levais pour aller ouvrir moi même. Je fis face à une servante qui était à mon service et qui avait l'habitude d'attendre devant ma porte en cas de besoin. Celle ci s'inclina légèrement en me voyant ouvrir la porte, tout en jetant un coup d'oeil à l'étranger qui était avec moi.

" Déhlia, faites monter de quoi souper et des rafraichissements pour ce sir et moi même. Nous avons beaucoup à parler..."

Elle acquiesça, s'en allant par la suite. Je fermais la porte, et croisais le regard étonné de Ragn. J'étais aussi étonnée que lui de le voir faire cette tête, et finis par comprendre. Je me mis à sourire, m'avançant de nouveau vers le lit pour m'asseoir dessus.

" Le sort de discrétion empêche simplement les sons de traverser les murs de cette pièce vers l'extérieur, et me permet d'être au courant du moindre va et viens des gens dans celle ci. Mais cela n'empêche personne de quitter celle ci ou d'y entrer. "

Je lui souriais avec malice, puis reprenais un peu plus mon sérieux.

" Bon, voilà ce qu'on va faire. Je te raconte ce qu'il s'est passé avant que l'on se rencontre et après, et toi tu me racontes dans les détails ce que tu as fait à partir de notre séparation. Je ne veux aucun détails épargné..."

Je commençais ensuite mon long récit. Je partais depuis le tout début, il y a plus de 1500 ans, quand j'étais encore qu'une simple humaine dans un monde ou ni magie ni monstre n'existait. La mort de ma famille, mon changement d'environnement et de corps, mes nouveaux pouvoirs, ma mission de vengeance, tous les gens qui mourraient autour de moi. Ce que j'ai fais et subis, en bien ou en mal, je lui racontais. Parfois en souriant, parfois sur le point de pleurer. Cela faisait très très longtemps que je n'avais pas raconté ma vie à quelqu'un, et cela me faisait toujours bizarre. J'avais l'impression de me mettre à nue, de montrer mes faiblesses et mes hontes. Beaucoup de gens me connaissaient comme une héroïne quasi invincible, ou un ennemi mortels et aussi teigneux qu'une tique. Mais j'étais tout autre.
Le temps passait, il faisait nuit noire à présent. J'avais allumé quelques chandelles, tout en continuant de parler. La servante avait ramené de quoi manger, à savoir deux bouteilles d'alcool, de la viande froide, quelques fruits, du pain et du fromage. Je ne mangeais pas, préférant continuer mon récit. Je lui expliquais ainsi ce qu'il s'était passé suite à notre séparation, comment j'avais réussi à retrouver toutes les orbes et à tuer le dieu maudit. Mais il connut aussi le prix de cet acte, et ma déchéance en tant que gardienne. Je lui racontais comment j'avais perdu tous ceux que j'avais tenté de sauver, et que je fus punie par les dieux pour cela. Je lui expliquais enfin comment j'étais devenue une "humaine", diplomate royale des humains et garante de relations entre peuples des plus délicates.
Je finissais en ayant un air morose, finissant le reste de ma bouteille. Quelques secondes de silence, puis je l'interpelais, comme pour changer de sujet.

" Voilà, tout ce qu'il y a à savoir.... Et toi alors, raconte ? "

De tout ce que la servante avais apporté, je crois que ce soir nous n’y avons pas touché, j’ai bien du manger un fruit sec. Son récit m’avait complètement absorbé par cette incroyable histoire. Je restais surpris par les dieux, existait il bien une présence divine ? Je viens d’un monde ou la religion est presque inexistante, comme dans beaucoup de mondes modernes. L’idée que ma vie soit régie par une force supérieure m’a toujours semblé improbable. Les évènements qu’elles m’avaient décrits dépassaient de loin ce que j’avais pu imaginer à propos d’elle. Je n’avais jamais imaginé qu’une telle histoire puisse exister dans un monde, aussi farfelu soit-il. Mon histoire était bien dérisoire a côté de la sienne…

-C’est… Ça fait beaucoup d’information en une seule nuit… Je comprends mieux maintenant. Même si je suis déçu de ne pas te retrouver comme tu étais avant, je dois m’excuser pour mes paroles, je n’aurais pas dû te juger, excuse-moi.

Je pris quelque secondes pour réfléchir a comment organiser mon récit, je pris une grande inspiration avant de me lancer :

-Il y a probablement beaucoup moins à dire sur ma vie, j’ai continué à m’entrainer, tu sais, après ton départ, j’avais besoin d’argent pour partir de mon monde d’origine, je ne sais pas si tu te souviens, mais il y avait un tournoi d’art martiaux en ville, avec une belle récompense à la clé, c’est à vingt ans que j’ai décroché la victoire, et ma veste par la même occasion…

Je lui racontais mes voyages de ville en ville, de monde en monde, mon entrainement avec cet homme dont j’ai bêtement oublié le nom d’ailleurs, qui m’avais appris à synthétiser du poison, et ainsi m’avais permis de « créer » un nouvel élément.

-Je ne sais pas si l’on peut appeler ça « créer » un élément, mais le résultat est le non ? J’aimerais profiter de ma présence en ce monde pour voir s’il est possible de faire pareil avec d’autres choses, comme du cristal par exemple...

Bien sur je lui racontais ce dont j’étais le plus fier, les combats contre les dragons, après tout, ma profession première est bien tueur de dragon. J’avais toujours vu ces bêtes comme des créatures puissantes et respectables, mais capables du pire. Je lui racontais aussi comment j’avais renversé certains empires, mais elle semblait beaucoup plus sceptique à ce sujet.

Je n’avais clairement pas fait un aussi long récit que Shrikan, et puis, même avec une bonne résistance à l’alcool en général, ça devais être plus dur de comprendre une histoire après une bonne bouteille d’alcool, moi je n’avais pas beaucoup bu, mais j’avais observé Shrikan, enfin, Tullia plutôt, et je m’étais rendu compte qu’elle n’avait pas perdu les vieilles habitudes[/color]

-Je ne pense pas pouvoir faire de meilleur récit… J’ai peut-être oublié un ou deux détails mais surement pas importants… Que comptes-tu faire maintenant ? Je veux dire, tu vas rester la diplomate humaine un certain temps ou as-tu des projets ?

J’espérais secrètement qu’elle me dise qu’elle reprendra le combat un jour, mais maintenant que j’y pense c’était ingrat, je n’avais pas à la pousser après tout ce qu’elle avait subi, mais l’admiration que j’avais pour elle me poussait à espérer, qu’un jour elle reprenne le combat. Moi je ne savais plus trop quoi faire, maintenant qu’elle ne pouvait plus se battre, je ne pouvais plus… Je ne pouvais plus me prouver quelque chose, c’est surement pour ça que j’ai cherché à la retrouver, pour me prouver que j’avais évolué, pensée bien futile, comme si j’avais besoin de ça… En fait, si, j’avais besoin de ça pour tourner la page, mais après son récit, j’avais bien compris qu'elle ne reprendrai pas le combat de si tout, malgré ce que je pouvais lui dire.

Mon histoire semblait avoir calmée les ardeurs de Ragn, et je remarquais que c'était avec beaucoup d'attention qu'il m'écoutait. Etait ce par véritable intérêt, ou juste parce qu'il sentait que j'avais besoin d'être écoutée? Dans tous les cas, il semblait fasciné par mon histoire. Lui même n'avait pas vraiment touché à la nourriture, ni même à l'alcool. Quand j'avais finis mon histoire, il avait l'air troublé et perplexe. Il ne devait sûrement pas s'attendre à de telles révélations de la part de son maitre ! Il s'excusa même pour ses paroles de plus tôt, et je ne pus que lui en être reconnaissante.

Ensuite, je l'écoutais. Je voulais à tout prix savoir ce qu'il lui était arrivé après notre séparation, aussi bien par curiosité que pour oublier ma propre histoire. Son histoire était des plus passionnantes, et me faisait un peu penser à la mienne. Sauf que les circonstances étaient beaucoup moins tragiques, et qu'il se battait et voyageait de son plein gré. Je dois dire que j'étais terriblement fière de lui. Même si le fait d'avoir renversé des empires me laisse un peu sceptique, dans l'ensemble il avait bien respecté le dogme que je lui avais enseigné à l'époque. J'avais finis ma bouteille, et me sentais un peu moins morose quand il eut finis son récit. Mais la question de Ragn me remit un coup de blues, et c'est en soupirant que je me levais du lit pour me diriger vers la fenêtre, en silence. Je regardais mélancoliquement la rue déserte, puis le ciel noir couvert par les nuages. Que voulait il que je réponde à ça ? N'était ce pas évident après tout ce que je viens de raconter ?
Dans un nouveau soupire, je lui répondais.

"La seule raison qui m'a poussé à vouloir retourner vivre parmi les mortels, c'est l'envie de vivre une vie simple. de trouver un semblant de bonheur et qui sait, peut être l'amour. Hé hé , je sais, c'est quelque chose de bien naïf et d'insultant sortant de ma bouche, mais c'est pourtant vrai. Je suis lasse de me battre... Je n'en ais plus la force.... "

Un frisson me parcouru la peau, une sorte de malaise me prenant les entrailles. Je me frottais doucement les bras, cherchant à réchauffer ce qui ne peut pas vraiment l'être.

" Je suis devenue diplomate parce que je voulais faire honneur à mon père adoptif de Shibai, et que j'ai finalement trouvé par ce moyen là une manière de me battre de manière pacifique pour le bien de tous. Bon, bien entendu on ne peut pas vraiment dire que c'est pacifique avec tous ces assassins qui me collent comme des tiques, mais néanmoins je fais quelque chose dont je suis fière, et à part cela je n'ai pas d'autres projets... "

Je me retournais alors, plongeant mes yeux cristallins dans ceux de Ragn. Je lui souriais à présent, un sourire aussi doux que chaleureux, appuyé par un regard montrant une certaine fierté.

" Mais je suis aussi heureuse et très fière de savoir que tu as bien grandi depuis, et que tu respectes notre règle de vie. Tu ne pouvais me faire de plus beau présent, je t'en remercie... "

Je me rapprochais de lui, l'observant. Oui, il avait bien grandi. Ses yeux gris restaient les mêmes, sa volonté aussi. Mais pour le reste .... Je le toisais, alors qu'il était encore assis sur le lit. Même comme ça je ne le dépassais que par une tête. Je tendis une main amicale vers son visage, mes doigts effleurant sa peau qui avait un peu perdu sa douceur d'enfant. Je continuais de le regarder, et réfléchissais. Après tout, pourquoi ne pas lui accorder ce qu'il voulait ? Que je gagne ou que je perde, cela n'avait plus vraiment d'importance pour moi. Et ce serait une bonne manière de me battre une toute dernière fois, en testant un peu mes limites avec ce corps. Car un jour peut être, et malheureusement j'en suis convaincue, je devrais me battre à nouveau. Et il est toujours bon de savoir ce dont on est capable.
Je soupirais à nouveau, et parlais avec une solannelité nouvelle.

" Tu sais que je suis quelqu'un de parole. Et parce que je suis ce genre de personne, et que tu as rempli un peu mon coeur glacé et en miette de fierté, je t'accorde ce que tu désires. Nous combattrons, je t'en fais la promesse. Pas tout de suite bien entendu, car il faut prendre quelques précautions, mais je le ferais. Même si je ne suis plus celle que j'étais, tu ne regretteras pas ce combat. Car jamais quand tu étais jeune je ne m'étais battue sérieusement, fu fu fu ~! "

Je me mis à rire, me moquant gentiment de lui. Il faut dire, je ne pouvais pas vraiment me battre sérieusement avec un gamin d'une dizaine d'année à cette époque. Il devait bien s'en rendre compte maintenant !

J’avais bien sentit que ma question maladroite l’avais mis mal à l’aise. Par moment j’avais envie de me coller des baffes, cet air mélancolique en disait suffisamment sur la situation. Mon envie de revoir la Shrikan que j’ai toujours connue restait la même. Mais que pouvais-je y faire ? C’était tout à fait naturel, elle avait le droit à une vie normale. Même si de sa part ça me décevais. Je me mis à regarder le sol honteux. Mais il faut avouer, je la respecte beaucoup pour avoir voulu poursuivre le combat de manière pacifique, tout simplement parce que je ne réussirais certainement jamais à me reconvertir comme ça, il paraitrait que j’ai un petit problème de patience, et un léger manque de tact, ce genre de choses que les gens disent sur moi, balivernes, mensonges sans fondements, oui enfin… Non ne nous avançons pas sur ce sujet, elle était surement plus douée que moi dans le domaine diplomatique. Je relevais la tête avant de passer une main dans mes cheveux et de la fixer, à la fenêtre à fixer le ciel, je n’arrivais pas à décoller mon regard d’elle, elle était envoutante comme ça. Elle se remit à me regarder avec un doux sourire et me fis un des plus beau compliments que l’on ne m’a jamais dit, comment se fait-il que j’ai réussi à rester calme et ne pas bêtement rougit dans de telles conditions ? Même moi je me le demande. Elle fit quelques pas vers moi, continuant à me contempler, elle m’effleura même le visage à ce moment-là. J’eu un air légèrement surpris, je lui fis un léger haussement de sourcil, à peine perceptible, tout en contemplant ses yeux magnifiques yeux, cette couleur bleue est presque surréaliste pour moi encore aujourd’hui ! Mais alors elle devint plus solennelle, plus sérieuse. Et elle fit de moi un apprenti heureux. Un sourire presque carnassier se dessina sur mon visage, j’avais hâte que ce jour arrive.

-Et bien et bien, voilà des moqueries qui m’ont bien manquées ! Au moins si tu as rouillée pour le combat, je peux te rassurer, tu as toujours la réplique acide, mais si corrosives soient les moqueries que tu puisses faire, je resterais calme, je suis devenu moins impulsif avec le temps. Mais profite bien de ce moment, il n’est pas dit que ce soit toujours toi qui soit en mesure de te moquer. Mais passons, je tenais à te dire merci… Ta fierté me touche, je pense que tu peux comprendre. Tu es mon mentor, même si plus jeune je ne voulais pas trop l’accepter. C’est un peu… Une sorte de récompense. Mais bon…

Un silence se mit en place, un blanc comme on l’appelle. L’instant nostalgie et retrouvaille commençait à perdre de son effet. On s’était dit beaucoup de choses, elle m’avait comptée sa formidable histoire, et moi je lui avais racontée mon beaucoup moins passionnant périple. Quoi de plus ? Je me mis à regarder mes pieds bêtement… Je le pensais tout bas, mais elle était magnifique, celle nouvelle Shrikan, mais bon, à ce moment-là je pensais que c’était la bouteille qui me montait a la tête…

Ma proposition semblait lui convenir, celui ci souriant comme un fauve découvrant son sanglant repas. Il semblait même apprécier mes petites remarques acérées, disant que ça lui avait manqué. Pourtant, il me fit sourire quand il évoque la fait qu'il était à présent calme et moins prompt à monter au créneau. Ragn, calme et serein ? Il y avait de quoi appeler un chat un chien XD ! J'allais lui lancer une nouvelle pique là dessus, quand il me dit merci. Là, j'étais limite choquée. Je le regardais avec surprise, entendant ses remerciements et l'acceptation en tant qu'élève.
D'un coup, je ne savais quoi dire. Pendant tout le temps que je l'avais entrainé, ce gamin avait toujours refusé son état d'élève, me voyant toujours comme une ennemie. Une ennemie qui lui enseignait des choses, mais une ennemie quand même. Je me doutais à l'époque qu'il ne voulait tout simplement pas accepter le fait qu'il puisse apprendre une chose d'une autre personne, mais l'entendre avouer cela maintenant était vraiment... déstabilisant.
Il se mit à regarder ses pieds, s'enfermant dans le silence. Ce silence dura quelques secondes, assez gênant tout de même. Puis je me mis à rire franchement, lui enserrant la tête dans mon coude et lui ébouriffant les cheveux de mon autre main. Je savais qu'il détestait ça, du moins à l'époque quand il était gamin.

"Tsss, bien entendu que tu es mon élève, encore heureux ! T'es encore à des années lumières de pouvoir surpasser ton maitre, et dans bien des domaines. Et pour ce qui est de ton calme, j'aimerais bien voir ça, juste pour rire un peu, ha ha ha ! "

Je le relâchais, m'asseyant à coté de lui sur le lit. J'étendis mon bras vers la bouteille encore à moitié pleine, et en servis un verre à Ragn. Bien entendu, je me gardais le reste de la bouteille, ayant débit beaucoup plus important.

" En attendant, buvons pour fêter ça ! Elève et Maitre réunis, ce n'est pas tout les jours que ça arrive, hé hé hé ~! "

Je trinquais ma bouteille avec son verre, et bus à grande rasade. L'eau de vie me brûlait la gorge de manière tout à fait délicieuse, et je soupirais d'aise une fois mes gorgées prises. Je regardais d'un air amusé Ragn, quand une idée me vint à l'esprit.

" Maintenant que j'y réfléchis, si tu veux rester dans ce monde et t'intégrer, il faudrait que tu te trouves un travail. Sache que les démons ne sont pas vraiment appréciés dans ce royaume, surtout après la guerre qu'ils ont provoqué il y a peu. Et te connaissant, tu vas t'attirer plus d'ennuis qu'il n'en faut. Je peux te proposer de travailler pour moi, en tant que garde du corps. "

Je prenais une nouvelle rasade, puis continuais d'expliquer mon raisonnement.

" Je suis fatiguée de devoir contrer tous ces assassins, et aucun garde que j'ai engagé n'est capable de contrer de manière efficace ceux ci. Quand les assassins étaient des humains, ça allait, mais maintenant ils envoient des démons, drows ou encore vampires. Les gens ne doivent pas savoir ici que je suis à moitié dragon, et encore moins que je suis cette gardienne qui est morte. Les conséquences seraient catastrophiques, surtout pour moi. Si tu prend ce job, tu seras logé, nourris, blanchi, et tu auras droit à certains avantages matériels ainsi que pécuniaires. Cela m'aidera aussi à savoir si tu as vraiment évolué depuis le temps, prends ça comme un premier test avant le grand combat. Et en plus, tu pourras toujours m'avoir à l'oeil, comme ça je ne risque pas de... "disparaitre" à nouveau. Qu'en dis tu, ça te tente ? "

Maudite savonnette ! Finalement elle était toujours aussi énervante quand elle s’y mettait. Je fis un petit grognement quand elle relâcha son étreinte, et elle se fit même le plaisir de continuer ses petites piques. Il fallait bien lui rendre l’appareil !

-Hoo mais ne croit pas que c’est parce que je te respecte que je vais y aller doucement, et a ta place, je serais moins confiante, tu sais, l’âge ca a souvent des effets dramatiques sur les articulations, et vu le tient je ferais attention, tu pourrais bien rouiller… La vieille…

Elle détestait ce surnom, gamin je l’appelais comme ça pour l’énerver. Ça n’avait pas perdu de sa saveur, ça faisait toujours aussi plaisir de la descendre sur certains sujets. Mais elle me servit quand même un verre d’eau de vie… Avant de garder la bouteille pour elle… J’avais juste l’impression de m’être fait voler.

-Maudite ivrogne, tu pourrais au moins partager équitablement ! Mais bon, buvons ! A nos retrouvailles !

Je bus mon verre cul sec, ça fait du bien, mais j’en voulais plus qu’un verre ! Je savais qu’elle abusait un peu sur la bouteille mais quand même, au moins partager ! Mais bon, honneur aux dames, je suppose. Je fis abstraction de ca avant de me concentrer sur son offre.

- Protection rapprochée d’une belle et noble duchesse ? Eh bien, a défaut d’être aussi épique que tueur de dragon, c’est attrayant. Les conditions de travail ont l’air très sympathique, entretenu pour tabasser des assassins. Ça me ferra des vacances. Et puis, je pourrais travailler mon style, d’habitude je ne fais pas attention aux dommages collatéraux, ça peut être utile comme entrainement, de faire attention a quelque chose plutôt que de tout ravager. Tu peux voir ca comme un test si tu veux, moi je n'ai rien a me prouver personnellement. C'est très attrayant comme travail, tu sais quoi? Je marche, j'accepte ta proposition, je devient a ce jour ton garde du corps... ça sera instructif, et puis j'aime bien casser du crétin encapuchonné, souvent ils passent plus de temps a soigner leur aspect sombre qu'a s'entrainer, et par chance je maitrise le poison, leur petites sournoiseries ne fonctionnement pas sur moi. je sent que l'on va avoir une longue et fructueuse collaboration...

Il m'appela la vieille, ce qui me fis froncer des sourcils. Je n'aimais pas qu'on m'appelle ainsi, car je considérais que je restais jeune, aussi bien de corps que d'esprit. Et ce serait faire plaisir au gamin que d'accepter le fait que je suis vieille. Je lui lançais un regard noir, avant de lâcher un "humpf! " et de boire cul sec le quart de la bouteille. Rira bien qui rira le dernier ~ . Il me traita aussi d'ivrogne, mais ça j'avais l'habitude. Je finissais ma bouteille, me léchant les lèvres de ce délicieux nectar et répliquant un joyeux :

" Je suis historienne de l'alcool gamin, ça me donne un statut plus élevé qu'ivrogne hé hé ~ ! "

Je l'écoutais ensuite agréer à ma proposition, et finit par sourire. Je lui donnais une bonne tape dans le dos, avant de le prendre par l'épaule et de rire.

" Marché conclut alors! Tu ne seras pas déçu, et je t'en ferais toujours voir de toute les couleurs! Après tout, je serais toujours plus forte que toi, hé hé hé ~ ..."

Je ne sais pas si c'était l'alcool, ou le bonheur d'avoir de nouveau quelqu'un sur qui je peux compter près de moi, mais ça me montait à la tête. Je me sentais heureuse, pleine d'allégresse et en vie. En vie, comme je crois je ne l'avais pas été depuis très, très longtemps. J'en redevenais même une gamine, sautant sur Ragn et lui prenant la tête dans mon coude pour une nouvelle savonnette, tout en riant et en criant " Vengeaaaance ! " .

Bon, a un moment il faut savoir réagir, je la pris fermement par les hanches avant de l’extirper de sa prise en la poussant calmement, une fois hors de portée je lui fis mon plus beau sourire carnassier avant de lui sortir, bien dans les yeux :

-Ne me prend pas pour un enfant sans défense, et aussi, considère que j’ai une aussi bonne descente que toi, si tu es l’historienne de l’alcool j’en suis le biologiste. Et crois-moi, je vais te faire regretter tous les bleus et les toutes les mauvaises blagues. Mais passons…

Je me mis debout, pris une grande inspiration, l’air très sérieux, avant de me jeter sur elle pour lui ébouriffer les cheveux comme un gamin en criant

-Suuurpriiiiiise !

Ca faisait longtemps que je n’avais pas fait autant le con, d’habitude j’ai l’alcool triste, ou en tout cas sérieux. Et puis même, la j’avais à peine bu, ce n’était pas ça qui me faisait agir comme ça, surement que j’étais heureux de retrouver Shri, tout simplement. Je ne pensais pas que ça me ferrais cet effet-là, c’était peut-être l’alcool finalement… Après ma petite vengeance capillaire, je me suis mis à sourire bêtement, en regardant le désastre que j’avais provoqué dans ses cheveux, avec même une petite pointe de fierté au cœur.

-Excuse-moi, mais c’était vraiment trop tentant, on va dire que … C’est à charge de revanche !

Quel culot ce gamin ! Il ré-attaquait, utilisant sa force pour prendre l'avantage. Il me savonna la tête comme je lui avais fait auparavant, me donnant une coiffure des plus désordonnée. Il semblait content de son résultat, mais je n'allais pas le laisser ainsi sans rien faire. Me jetant de nouveau sur lui, je dégainais un oreiller pour lui exploser la tête, commençant une mémorable bataille de polochon.
Mais bon, nous n'avions pas fait que cela pour le reste de la nuit. Boire, raconter d'autres anecdotes croustillantes, puis s'effondrer sur le lit, dormant à poings fermés.Ce fut une scène des plus mémorables que la servante vit quand elle entra dans la chambre. Elle la quitta aussitôt, et commença à faire circuler une rumeur des plus croustillantes. Mais bon, peu m'importais. Ce que je fais avec mon nouveau garde du corps, ne regarde que moi ~...

[FIN DU RP ]

» Le calme avant la tempête... [PV Tullia]
» Event: le début du règne des Ombres [PV Tullia]
» Une joute inhabituelle (Pv. Tullia)
» beau temps, non? (pv Tullia)
» I'm Tullia E.V. Raijer : Love me & Hate me !