Event (Le Chaos Humain): Le Retour...

Après mon aventure pour récupérer mon épée, j'étais enfin paré pour rejoindre de nouveau le monde des vivants. Depuis ma rencontre et mon sauvetage, quelques semaines s'était passées et les informations que j'avais pu recueillir confirmait mes craintes. Je me dirigé donc vers la capitale du monde humain, assurément le meilleur endroit pour s'emmêler, en plus je connaissant une personne là-bas. Une personne qui n'avait pas quitter mes pensées depuis notre rencontre.

Le vol se passa sans encombre, j’avais pris la peine de voler bien haut, au niveau des nuages pour éviter d’être vu. En effet, avec ce qu’on m’avait dit, les humains n’était pas vraiment enclin à de l’affection vis-à-vis des Haut-Dragons. Je bondissais de nuages en nuages, leur couleur blanche me permettait de me dissimuler sans problème. Ce n’est qu’à quelque lieux de Sar’Hetsu que j’avais discrètement et rapidement atterri, et c’est à l’abri des regards que je me suis habillé. Ça fait quand même du bien de ne plus se retrouver nus comme un verre, pas que ça me dérange vraiment mais pour côtoyer le monde mieux vaut être civilisé et habillé. Bref, j’enfile mon costume blanc et le recouvre d’une longue cape à capuche, la relève après mettre plus ou moins dissimulé le visage derrière une longue écharpe. Me voilà enfin prêt, il le fallait bien surtout si je voulais savoir ce qui se passait en cette période vraisemblablement plus que troublée. J’arpente donc la grande route, restant bien gentiment sur le bas-côté laissant ainsi le champ libre à tout le trafic. Il y en a d’ailleurs beaucoup, des vas et vient incessant se jouent jusqu’à mon arrivée à la cité.

À sa porte, on peut facilement discerner son palais typiquement humain, mais l’entrée, elle, est gardée et les papiers des entrants consciencieusement vérifiés. Comment passer sans souci, là est la question. Les gardes restent des gardes et sont donc loin d’être des totales tanches, il faut donc la jouer fine ce n’est pas le moment de se faire remarquer inutilement. Je m’approche discrètement de la porte en passer le long des carrioles qui font la queue pour rentrer en ville. Arrivé à la première de la file, son propriétaire est entrain de justifier son droit de passage tandis que le garde inspecte son laisser-passer. J’utilise mon épée récemment retrouvée pour sectionner les liens des montures attelées, seulement celui-ci reste domestique et donc ne bronche pas. Plan B, un petit fouet d’air claque sur leur postérieur et les voilà parti en branle, et tandis que les gardes en factions tentent de maîtriser les bêtes je me faufile comme un courant d’air sans que l’on me remarque, il faut dire que l’événement avait attiré la foule comme c’est toujours le cas, les humains sont des curieux insatiables.

J’étais habillé pour l’occasion et je passe donc sans de gros efforts pour me retrouver enfin en ville. Dans les rues, il y a foule qu’il en devient dur de circuler à son aise, on vous pousse on vous rentre dedans bref c’est la cohue. Il me faut de l’air, plus d’air et je m’engouffre dans une ruelle adjacente qui se trouve être une impasse dénuée d’intérêt, donc déserte. Une fois sûr que personne ne peut me voir, je me propulse jusqu’au toit car, là, la vue est bien plus dégagée, bien plus facile de se repérer. Donc nous disions, direction le palais royal de la cité, c’est sûrement le meilleur endroit pour savoir, avec détails, ce qui se trame dans l’ombre. Sur la route, je fais tout de même attention pour éviter de me faire remarquer ou de croiser des gardes en patrouille en bondissant de toit en toit avec légèreté et facilité.

L'affaire était toujours de plus en plus critique. Les dossiers ne cessaient de s'accumuler, la tension montait continuellement, et je n'avais même plus le loisir de sortir librement du palais. On devait me surveiller de près, deux tentatives d'assassinat ayant déjà eu lieu en une semaine et demi, à peine revenue de chez les elfes. J'avais à présent deux gardes du corps, et continuellement 5 gardes à mes cotés. J'avais l'impression d'être encore plus surveillée que le Roi à l'époque. Mais les enjeux n'étaient pas les même, il faut dire. De ma sûreté dépendait le semblant d'ordre dans cette ville, et les Guildes des Marchands comptaient beaucoup sur moi pour régler ce conflit. Je savais que le combat était inévitable, et plus ça allait plus je sentais que le combat final aurait lieu ici même, au palais. Clairvoyance ou simplement un pressentiment ? Je ne savais trop, mais je devais prendre mes dispositions pour cela.
Ce jour là j'avais réussi à fausser compagnie à mes gardes, et seul un de mes gardes du corps (l'anima-chien) avait réussi à rester en ma compagnie. Il faut dire qu'il avait l'habitude depuis le temps, celui là. Il était l'un des rare à connaitre mon identité non humaine, bien qu'il ne sache pas que j'étais l'ancienne gardienne. J'avais réussi à le convaincre de me laisser seule un moment, sur les toits. De là je pourrais me sentir mieux, et sincèrement il faudrait être stupide pour oser s'en prendre à moi dans un lieu où peu de personnes sont présentes. Je suis une redoutable guerrière, plus redoutable encore que mon garde du corps, et il le savait bien. Seul la présence d'humains autour de moi m'empêchait de montrer mes talents réels, devant garde cette image d'humaine pure, à tout prix. Humaine.... Même cette couverture, je le sentais, allait bientôt disparaitre.
Mon garde du corps me laissa devant une porte fenêtre isolée, donnant sur un vide entre deux bâtiments, entre les cuisines. Personne ne venait dans cette allée très étroite, ce qui était parfait pour ma petite escalade. Habillée comme si je partais en voyage, je grimpais avec agilité le mur en direction des toits. L'Anima ne pouvait me suivre sans attirer l'attention, et il avait pour mission de détourner celle des autres pour me laisser au moins une bonne heure tranquille. Une fois sur les toits, je pouvais admirer la ville, et contempler une foule qui ne me voyait pas. Je marchais tranquillement sur le toit, m'installant un peu plus en hauteur, là où les tuiles sont moins glissantes. La pente ne me gênait pas, étant chaussée de manière adéquate. Je m'asseyais, regardant pensivement la ville et ses activités. Je pensais, pensais toujours et encore. Mon plan B allait bientôt être mis en action, et je prévoyais déjà le mouvement de mes différentes pièces sur mon échiquier. Le Roi Zaleth allait rencontrer ma Tour Nethlarion, et une multitude des Fous se mettaient en place, chacun à leur tour. Je recherchais et réservais mes prochains Cavaliers, tandis que je me demandais toujours qui allait être le roi de ma partie. J'étais la Reine Cachée, et j'avais mon propre rôle dans cette bataille. Mais il y avait tant de scénarios différent, qu'il était difficile de savoir quoi choisir. Il y aura des dommages collatéraux, comme toujours, mais j'étais lasse de faire mon possible pour les restreindre au possible. Je ne suis pas faite pour cela, à la base.

Je fis apparaitre à coté de moi une bouteille d'eau de vie, et la débouchais d'un mouvement sec. J'en bus plusieurs gorgées, frissonnant de plaisir à la sensation de brûlure qui ravageait ma gorge. Je regardais les toits, pensive. Quand soudain, une chose en mouvement attira mon attention. Serait ce la fameuse bête qui rôdait dans les rues en quête de proies ? L'idée mourut bien vite, la bête ne se montrant que la nuit. J'observais un peu plus, mais n'arrivait pas à discerner correctement à cause de la légère brume d'humidité. Cette personne blanche, car c'était bien une personne, semblait se diriger vers le palais. Je souriais, amusée. Il avait l'air habile et rapide.

* Alors le casse-cou, on veut jouer au plus malin, hein ~....*

Une idée me vint. Une très bonne idée, pour me remonter le moral. Je me levais, posant ma bouteille et la calant contre mon sac. Je fis apparaitre dans mes mains un grand arc en bois noir, très épais et droit. La corde était en tendon de dragon, impossible à tendre pour un humain. Mais vu la distance, il fallait bien ça. Je fouillais dans mon sac, sortant un gant en cuir. Je le mis à l'une de mes mains, et fit apparaitre une flèche de glace. Cela faisait longtemps que je ne m'étais pas entrainée au tir à l'arc. Ce n'est pas mon arme de prédilection, et je ne suis pas vraiment bonne dedans, mais c'était un bon exercice de concentration et de force.
Je bandais l'arc, devant puiser dans mes forces de dragon pour le tendre. Mes bras tremblaient légèrement, et je visais en direction de ma cible mouvante. Prendre en compte la vitesse de déplacement, le vent, la direction probable de ma proie, la distance.... Tout cela me prit un bout de temps. Ce ne fut qu'au bout d'une longue minute que lâchais ma flèche, qui siffla dans l'air en direction de la personne. Celle ci s'était rapprochée entre temps, mais trop concentrée je n'avais pas fait attention à qui cela pouvait bien être.
Regardant où la flèche allait se planter, je tiquais légèrement en voyant qu'elle avait raté sa cible. Se plantant dans un mur à un mètre plus en avant de lui, je me disais que mon précepteur de l'époque se rirait bien de moi en voyant cela.

" Tssss, manqué.... Je suis vraiment nulle avec les arcs..."

Je fis apparaitre autre flèche, la mettant en joue. Ma proie semblait m'avoir remarqué, et se dirigeais à présent vers moi. Parfait. Je visais, faisant un peu plus attention à quoi il ressemblait maintenant qu'il était plus proche. Deux cent mètres, tout au plus. C'est alors que sa figure me rappela quelque chose, me faisant hésiter.

* Mais c'est .... Le dragon de la dernière fois....*

Ryujin. Le haut dragon de la plage. Que faisait il ici ? Intriguée, je lâchais quand même ma flèche de glace, qui alla se planter sur une tuile, là où se trouvait le dragon une seconde plus tôt. Je souriais, amusée. Je ne fis plus apparaitre de flèches, n'ayant tiré que pour attirer son attention. Il serait intéressant de savoir ce qu'il avait appris et fait, depuis ces quelques semaines. J'étais assez surprise de le voir ici. Je fis disparaitre mon arc, m'asseyant de nouveau en attendant qu'il arrive. Il ne devrait pas avoir trop de mal à grimper sur les toits du palais sans se faire repérer. C'est un haut dragon après tout. J'avais repris ma bouteille, sirotant le contenu pensivement. Peut être... Qu'il pourrait s'avérer utile, après tout....
Quand il me rejoignit, je l’accueillis avec un sourire, riant légèrement de malice.

" My my, si je m'attendais à vous voir déambuler sur les toits. Ce n'est pas très prudent, surtout en ce moment.... Un verre ? "

Je lui montrais la bouteille, et fit apparaitre deux verres de céramique. Rien de tel qu'une petite conversation autour d'un verre. C'est tellement plus convivial qu'une flèche de glace plantée entre les deux yeux ~...

*Alors que je sautillais de toit en toit, le son d’une flèche sifflant dans l’air vient tinter à mes oreilles. Je ralentis ma course tandis que celle-ci se plante à un mètre devant moi et je tourne la tête pour en voir son origine. Je suis son chemin inverse, sautant de toit en toit de nouveau jusqu’à en apercevoir son auteur. Quelle est ma surprise de voir la personne que j’étais venu voir. J’arrête de sautiller une fois à bonne distance et me rapproche en marchant. J’en profite pour baisser ma capuche et retirer mon foulard pour laisser apparaître mon visage où se dessine un large sourire. J’ouvre ma cape et la rejette sur mon épaule pour que mon costume blanc soit visible ainsi que l’épée que je tiens dans une de mes mains. Les clochettes attachées aux ficelles de son pommeau tintent alors qu’un papier de scellement entoure sa garde qui l’empêche de l’ouvrir à première vue. J’arrive finalement juste à côté d’elle et me m’incline ma libre main tendu sur le cœur.*

_ Content de vous revoir Dame Tullia.

*Comme quoi le monde est bien fait, j’étais là pour elle et je la trouve sur sa route, tout cela est parfait. Je m’incline avec plaisir pour accepter quand celle-ci me propose un verre, je me contente de m’asseoir à ses côtés posant mon arme debout entre mes jambes accolé à mon épaule tout en caressant le fourreau. Je prends le verre de ma main libre tandis que je me fais servir en la remerciant bien sûr.*

_ Et moi donc, si je m’attendais à vous voir vadrouiller sur les toits.

Comme lors de notre première rencontre, Ryujin se montra des plus courtois. Il n'avait pas changé, ni dans ses paroles ni dans ses manières. Seul sa nudité avait disparue pour laisser place à des habits très chics d'un blanc immaculé. Je faisais bien paysanne en comparaison. Cela me fit sourire. Il ressemblait tellement aux Haut Dragons des Clans nobles, mais avec les manières désagréables en moins.
Je remarquais son épée, mais n'en mentionnais pas la présence de suite. Le scellé semblait effectif, et il ne lâchait pas l'arme d'une semelle. Je lui servis un verre, et soupirais quand il trouva aussi étonnant de me voir sur ces toits.

" Tsss, si seulement cela pouvait être vrai... Malheureusement, ce n'est qu'une petite pause dans mon quotidien infernal, avant que l'apocalypse ne se déchaine sur cette ville."

Je bus une gorgée, mon regard se posant à nouveau sur la cité. Oui, une fin du monde, en soi. Rien de bien glorieux pour l'espèce humaine ni pour celles habitant ces Terres Franches. Je me tournais rapidement vers Ryujin, voulant avoir quelques nouvelles de sa vision du monde. Je souriais légèrement, le regardant avec autant de malice que de curiosité.

" Et vous, Ryujin ? Avez vous trouvé ce que vous cherchiez ? Et que pensez vous de ce monde si chaotique et sur le point de sombrer ? "

J'étais curieuse, mais surtout intéressée par ce qu'il pensait de la situation. En fonction de la réponse, je verrais si je pourrais l'inclure dans mes plans, ou non. Cela avait de l'importance. Si je l'incluais, je pourrais lui dévoiler certaines choses. Dans le cas inverse, je l'enverrais bien vite balader pour faire du tourisme ailleurs.

*Je souris au propos de Tullia, celle-ci était visiblement bien occupé et vu ce que j’avais pu entendre sur ce qui se passer dans l’ombre je comprenais très bien qu’elle soit tant sollicité. Je me contentais donc de sourire en buvant de petites gorgées du délicieux breuvage tout en continuant de caresser de mon pouce mon arme en regardant la ville qui s’entendait devant nous. Elle semblait curieuse de savoir ce que j’avais pu voir et faire depuis notre précédente rencontre.*

_ Plus ou moins, disons que j’aurais voulu me tenir à l’écart de tout cela. À la base, je ne suis pas vraiment pour l’ingérence comme adore le faire la «Triade » sur les autres mondes. Mais cela serait injuste de ma part de me cacher derrière une pseudo neutralité. Je me suis donc dit que je pourrais peut-être aider en mon nom propre et non en celui des Haut-Dragons.

*Les paroles se voulaient sérieuses et solennelles, depuis le temps j’en avais terminé avec l’insouciance qu’on prête souvent au fils de l’air. J’ai la chance d’être libre de mes choix, alors autant qu’ils servent ce que je juge juste en ce monde. En voyant cette magnifique cité, il était tout de même difficile de l’imaginer baigner dans le sang du champ de bataille. De par nature j’avais un avantage sur ceux qui la peuplent, autant que cet avantage serve à quelque chose d’utile. Je reprend très vite mes esprits et me retourne vers Tullia, me relève et m'incline de nouveau d'une manière encore plus solennel.*

_ Dame Tullia, me ferez vous l'honneur d'accepter mes service en payement de ma dette. Croyez bien que je ne souhaite pas faire parti de votre escorte, je souhaite simplement devenir une ombre au service de ce que je crois juste.

*Je tends alors mon épée devant moi, dirigé vers la conseillère.*

_ Puisse mon arme et moi, vous aidez à accomplir vos plans quel qu’il soit.

Il me répondit, et je ne fus pas déçue de la réponse. Ainsi il n'aimait pas la triade, ni la manière dont ils géraient les choses sur les Terre Franches. Bha, s'il y avait bien une chose que je ne leur reprochais pas aux Haut Dragons, c'est de ne pas se mêler des affaires des Terres Franches. Les Anges sont grosso modo pareil, seuls les Haut Démons sont une véritable plaie à ce niveau là.
Il disait vouloir se battre en son nom, et ne pas rester neutre comme les gens de sa race. Voilà qui était intéressant. Je buvais un peu d'eau de vie, l'observant avec curiosité. Je le vis se lever et s'approcher de moi, pour s'incliner et prêter serment. Je le regardais avec des yeux grands comme des soucoupes. Ca c'était la meilleure de l'année. Je restais interdite, choquée par ses paroles. Une seule chose spontanée me vint à l'esprit, et étrangement spontanément aux lèvres.

" Es tu stupide, ou quoi ? "

Je fronçais des sourcils, reprenant une longue gorgée d'eau de vie. Je lui faisais face, réfléchissant un moment à ce que j'allais dire. Il disait vouloir être à mon service, alors qu'il ne connaissait rien de moi. Etait il fou ?
Je pouvais lui en vouloir pour son inconscience, et je me faisais un devoir que de le lui rappeler. Cela m'énervait tellement, que je ne me rendais même pas compte que je le tutoyais, tout en le sermonnant d'une voix dure et implacable.

" Te battre en ton propre nom.... être l'ombre au service de ce qui est juste... Comment peux tu placer ta confiance aussi rapidement, et donner un adjectif à des choses que tu as à peine rencontré il y a peu ?"

Je m'asseyais en tailleur, pour être plus confortable. Il voulait servir la Justice, hein ? Il allait vite déchanter. Même si dans l'ensemble je tentais de faire le bien, je ne voulais pas qu'il s'illusionne. Mes mains sont autant tâchées de sang impur que ces autres assassins et meurtriers. On devait dorer mon blason, pour des questions de moral des troupes, mais la réalité était tout autre.

" Je ne sais pas ce que l'on raconte sur moi, mais tu n'as aucune preuve que ce que je fais est pour "ce qui est juste". Les apparences sont trompeuses, et ce n'est pas parce je semble faire le bien que je le fais. Qu'est ce qui ne te dis pas que je suis une personne qui ne fait que s'amuser en secret de la perdition de ces gens, tirant les ficelles tout en portant le masque du vertueux ? Je suis à moitié haut dragon, un sang fier et manipulateur coule dans mes veines. En même temps que ce sang d'humain, plein d'avarice et en quête perpétuelle d'assouvissement de ses passions. Te berner et te forcer par un Pacte du Sang à faire mon bon plaisir serait facile, et tu te jettes la tête la première dedans. "

Mes paroles disaient une vérité certes déformée, mais cela restait une vérité. Rien, dans ce qu'il pouvait avoir entendu sur moi, ne pouvait lui donner une telle confiance et une telle image de justice qu'il semblait rechercher. Je lui reprochais de ne pas tenter d'en savoir plus, et de montrer sa gorge à sa lame aussi facilement. Rien ne prouve que je ne sois pas non plus un monstre sous un masque d'ange. Et ce n'était pas notre petite rencontre sur la plage qui pouvait éclaircir ce point !

" Tu dis aussi vouloir être à mon service pour mes plans, quels qu'ils soient. Si je te demande de tuer un village entier, de brûler tout un château et ses occupants, sans broncher, le ferais tu ? Travailler dans l'ombre pour assassiner, empoisonner ou corrompre, serait ce vraiment cela que tu souhaites ? "

Il pourrait être intéressant de l'avoir comme pion, tout de même. Mais je reste méfiante. Je ne connais rien de lui. Même s'il n'est pas un Renégat, je ne connais pas ses véritables intentions. Trop de risques, trop de variables en jeu. Je n'attendis pas vraiment d'avoir une réponse de sa part pour donner ma sentence. Soupirant, je lui balançais froidement mon avis.

" Ta demande est sans fondement et trop suspecte. Je refuse. "

Je le regardais avec dureté, attendant ce qu'il allait répondre. C'était à lui à présent de me convaincre de sa bonne foi, et de sa motivation.

Tout en me faisant incendier par Tullia, puisqu’il convient de nommer les choses pour ce qu’elles sont, Shinakaze semble de plus en plus agitée. Alors que je la tiens par le fourreau avec ma main gauche, celle-ci veut sortir et bien que les sceaux soit en place elle tire sur le papier ensorcelé. S’en suit le bruit du choc entre sa garde et la sortie de son fourreau qui s’entrechoque tel des mâchoires prêt à mordre. Comme à son habitude et de par notre relation celle-ci n’aime pas vraiment les propos de celle qui me fait fasse. Je peux sans mal sentir son envie, celui de se glisser sur la peau de la chère Tullia, pour se baigner dans le liquide chaud, rouge et au goût métallique que contient ses veines. Celle-ci libère de plus en plus son envie de meurtre, on la croirait en manque, en manque de chair à trancher. Toujours sans quitter des yeux Tullia tandis qu’elle me parle, je remonte le doigt sur la garde pour la tenir fermée et ainsi faire cesser ce son de cliquetis et par la même qu’elle ne propage pas encore plus de son aura. Je dois d’ailleurs déployer la mienne pour la calmer, j’en déverse une grande partie tandis j’absorbe de la sienne pour ainsi la faire diminuer. Ceci a pour effet de faire briller mes yeux comme des saphirs. Petit à petit les ficelles à l’extrémité de sa poignée cessent de voleter dans le vent qui sortait de son fourreau entre-ouvert tandis que les petites clochettes qui y sont attaché cessent elle aussi leur musique.

Durant la scène je garde mes yeux fixés sur Tullia tout en écoutant ses propos sans broncher devant la soudaine familiarité qu’elle utilise pour s’adresser à moi. Mais plus elle continue de m’enfoncer plus le sourire qui barre mon visage s’agrandit. Finalement je n’étais pas venu pour rien, je la laissais donc finir sa tirade et une fois la tension plus ou moins redescendu, je reprends la parole.

_ Je n’ai qu’un mot à dire… Merci. Visiblement vous dépasser mes attentes. Ce qu’on m’a rapporté sur vous se confirme.

Je me rassoie au bord du toit en observant la ville avec un charmant petit sourire.

_ Pardonnez ce petit manège mais je voulais être sûr. Vous dite que je place ma confiance trop rapidement, mais qu’en savez-vous, je ne suis pas né de la dernière pluie Tullia Estrama Von Raijer fille, ou devrais-je dire, fille adoptive de Julan Estrama Von Raijer.

Face à pareil discours il était évident qu’il fallait la rassurer sur mes intentions, aussi bien pour éviter d’éveiller chez elle une paranoïa mal placé je devais lui prouver que je ne représentais aucun danger pour elle et ses secrets.

_ Ce n’est pas dans mes habitudes de me montrer aussi directe, surtout avec une femme aussi belle et distinguée. Toutefois, si cela peut vous rassurer j’en sais suffisant pour ma part, et puis mon instinct ne m’a jamais trompé. Je sais très bien dans quoi je m’embarque, il est vrai que vous m’avais sauvé la vie mais ce n’est pas ce qui motive ce serment à votre égard, ce pacte est juste votre garantie. Avec lui vous pouvez être sûr que je ne pourrais jamais vous trahir si toutefois vous doutiez encore de moi. Vous me trouvez naïf, c’est vrai, mon caractère s’est mué ainsi pour m’éviter la folie ou de basculer dans les ténèbres. Mais derrière ce masque je suis d’un réaliste implacable, croyez-moi actuellement je pense que c’est plus vous qui n’avait pas la moindre idée de qui je suis. Et si vous voulez vraiment tout savoir sur mes intentions et sur ce qui me motive, je vais être directe encore une fois. Je ne suis pas là pour eux…

Mes yeux se baissent sur la foule et sur la ville tandis que ma main passe au-dessus de celle-ci. Puis je me retourne vers Tullia en plantant mon regard dans le sien.

_ Je suis uniquement là pour vous, Tullia. Je ne fais que choisir la voix que je souhaite et j’ai choisi, si vous me le demandez alors oui, j’irais jusqu’à raser un pays entier. J’ai utilisé la notion de justice et d’honneur pour vous faire réagir et je m’en excuse. Toutes ces notions me sont complètement étrangère, vous l’avez dit les fils de l’air sont connu pour leur tempérament et je ne fais pas exception à la règle. Pour faire simple dites-vous que je ne fais que choisir un camp, et si vous souhaitez m’utiliser comme simple pion, grand bien vous fasses, mais si je puis me permettre je suis encore meilleur en Joker.

Son attitude et son aura me perturbèrent quelque peu, tout en attisant ma curiosité. Premièrement mon sang ne fit qu'un tour quand je sentis l'aura meurtrière qui se dégageais de lui. Je dus me faire violence pour réprimer mon sang de dragon, qui bouillait face à cette menace. Au début, je crus que cela venait de Ryujin. Mais en analysant un peu plus son aura, je me rendis compte que l'origine de ce danger était tout autre. Malgré le fait que les yeux du haut dragon brillaient, signe en général d'une utilisation non négligeable de magie ou d'énergie, l'aura perturbante venait de son épée.Celle ci en effet, avait une énergie différente de celle de Ryujin, et elle ne cessait de claquer dans son fourreau. Cela m'étonna grandement. Mes paroles auraient à ce point troublé son épée ? Cela expliquait le scellé sur la garde, maintenant que j'y faisais attention. Cette épée devait être tout à fait particulière, et "vivante". Cela me rappela Cerillion, mon épée de Gardienne. L'esprit qui l'habitait m'avait donné du fil à retordre par le passé, mais en duo nous étions terribles. La nature de cette épée me troublait véritablement, au point que je ne remarquais pas le sourire toujours de plus en plus grand du dragon pendant mon discours. Ce ne fut que lorsqu'il me répondit par un "merci" que je me disais que quelque chose clochait.

Reportant enfin mon attention sur lui, et non plus sur son épée, je l'écoutais m'expliquer bien des choses. Il disait vouloir s'assurer de certaines choses à mon égard, et semblait satisfait du résultat. Ainsi il en avait appris plus à mon sujet en faisant une petite recherche. Il n'avait donc pas perdu son temps. Il disait ne pas être tombé de la dernière pluie, mais je trouvais que là il se mettait un peu trop de crème. Dormir pendant 2000 ans et dire qu'on n'est pas un peu à la ramasse, c'est tout de même exagéré. Je me passais de commentaire pour le moment, le laissant continuer. Il voulut me prouver qu'il savait des choses, en disant que j'étais une fille adoptive. Mais cela me laissa de marbre. Ce n'était un secret pour personne que je n'étais pas liée de sang par mon père adoptif, et rien dans ce qu'il disait ne semblait signifier qu'il en savait plus que cela. S'il avait su que j'étais l'ancienne Gardienne, cela aurait put compliquer quelque peu les choses. Mais ce n'était pas le cas, ce qui me rassurait. Il parla pour se justifier, tentant la flatterie pour m'amadouer (perdu ~ ) et se voulant direct dans ses propos. Il avouait être naïf mais que de manière artificielle, et se vantait de venir me voir non pas dans le but de payer sa dette, mais pour autre chose. Je me demandais bien ce dont il pouvait s'agir.
La suite de son discours me confondit. Je n'arrivais pas à discerner clairement le comment du pourquoi de ses motivations. Il disait ne pas agir pour le peuple, mais pour moi. Avait il perdu l'esprit ? Il disait ne pas avoir de justice, ce qui m'inquiétait quelque peu. Quelqu'un prêt à raser tout un pays pour une personne sans se poser de question, c'est assez inquiétant. Un terrible pouvoir pour celui qui le contrôle, mais inquiétant quand même. De plus, il n'avait pas vraiment l'air d'être... investit personnellement. J'avais l'impression qu'il proposait cela pour tromper son ennui. Cela me perturbait un peu, mais si je décidais de l'impliquer à un certains niveau dans mes plans, il ne faudrait pas qu'il me fasse faux bond. Buvant une gorgée d'alcool, je l'observais autant qu'il m'observait. A la fin de son discours, je restais silencieuse quelques instants, réfléchissant. Je me remémorais ses paroles précédentes, et décidais de les commenter au fur et à mesure qu'elles me revenaient à l'esprit.

" Vous dites ne pas être tombé de la dernière pluie, mais vous ne vous êtes réveillé qu'il y a quelques semaine d'un sommeil de plusieurs centaines de générations. Alors c'est tout comme. En 2000 ans, beaucoup de choses ont changées, même si je vous l'accorde certaines sont restées les mêmes. "

La société des Terres Franches avait beaucoup évolué durant ces deux derniers millénaires, même s'il est vrai que je n'y avais pas assisté en personne. Mais je remarquais à ma propre échelle que les choses bougeaient très vite, et que pour un être tel qu'un haut dragon vivant très longtemps cela pouvait être perturbant. Même moi, humaine à la base, je me perdais un peu avec la vitesse à laquelle les choses changeaient.
Je continuais sur ce qu'il avait dit sur la confiance, car j'avais l'impression qu'il pensait que j'allais facilement la donner. C'était une erreur assez grande, car je ne donnais ma confiance totale qu'en peu de gens. A savoir personne.

" Vous et moi ne nous connaissons pas, il est vrai. Après tout, ce n'est pas une simple conversation sur la plage qui peut faire l'oeuvre d'une vie. Et il en va de même pour la confiance. Même si votre motto de la vieille école Haut Dragon me garantit certains points, je reste sceptique sur d'autres, il faudra me prouver que vous valez cette confiance."

Je buvais une autre rasade d'eau de vie, me souvenant de mon expérience passée avec les haut dragons. Il est vrai qu'ils ont 500 balais dans le cul, mais quand ils donnent leur parole, on peut être sur qu'ils vont la tenir. Cela valait de l'or. Mais ce qui me laissait perplexe, c'était ses intentions. Pourquoi voulait il participer à quelque chose qui ne le concernait pas ? Après tout, il avait sa propre vengeance à faire, et c'était un Haut Dragon. Pur avoir discuté en tant que diplomate avec les diplomates haut dragon, il était clair qu'ils n'avaient rien à faire de ce qu'il se passait ici bas, tant que les dragons étaient sauf. Alors pourquoi lui ?
Même s'il était différent des autres haut dragons, je ne pensais pas qu'il y avait aucune véritable intention à ce qu'il voulait. Il avait mentionné n'être venu que pour moi, mais cela n'avait aucun sens, vu qu'il disait ne pas être venu pour sa promesse. Je réfléchissais presque à voix haute, le fixant de mes yeux perçants et songeurs.

"Mais ce qui m'intrigue le plus, ce sont vos motivations. Si vous ne le faites pas pour le peuple des Terres Franches, alors pour qui le faites vous ? Pour moi ? J'en doute fort. Nous ne nous connaissons pas assez pour que vous puissiez choisir une telle voie. Pour tromper votre ennui alors ? Vous avez une vengeance à accomplir, si je me souviens bien, alors juste vous défouler sur quelques humains ne vous sera même pas utile comme échauffement. Sincèrement, je me demande.... "

Je soupirais, continuant à le regarder. My my, qu'allais je faire de lui.....

*A noter il est beau gosse, alors c'est déjà ça de gagné de toute manière. Même si Ragn va râler s'il l'apprend.*

C'est vrai, si Ragn l'apprend il va piquer une crise.... Enfin, là n'est pas le propos !
Il était clair qu'en ne comptant pas ses motivations, il serait un allié de choix. De par sa puissance et ce que ses pouvoirs pouvaient nous apporter, l'avoir caché dans mes manches ne serait pas de refus. Mais pouvais je vraiment le prendre avec moi ? Il disait, en somme, ne pas avoir de sens de la Justice, ce qui était presque parler d'amoralité. Cela m'embêtais un peu, car j'avais moi même de la morale et un certains sens de la Justice. Mais peut être que si le Pacte est assez fort, je pourrais empêcher les dérapages. Après réflexion, je lui fis une sorte de proposition, lui expliquant à demi mots mon but.

" La Justice vous importe peut, cela je le conçois bien. Mais pour ma part, je crois en une certaine forme de Justice et d’Équilibre, seulement pas à la même échelle que tout le monde. Mon but est d'instaurer un équilibre sur les Terres Franches, même si c'est par un moyen détourné. Travailler pour cela vous conviendrait il ? Car il est indiscutable que vous avez du potentiel en tant que pion, et une utilité non négligeable en tant carte maitresse et cachée. Seulement ne pensez pas pouvoir raser un pays en mon nom. Si cela doit être fait, je préfère me salir les mains moi même."

J'attendais sa réponse, voyant s'il allait me donner un peu plus de raison de l'accepter à mon service. J'étais grandement tentée, mais il semblait y avoir trop d'avantages par rapports aux inconvénients. Devais je prendre le risque ?

Je me contentais de lui répondre en phrase sobre et courte pour les questions qui semble la tracasser. Toujours au bord du toit je me remettais à observer cette ville où grouille tel une fourmilière les hommes et femmes, je demande alors s'ils savent ou soupçonnent ne serait-ce qu'un iota de ce qui se prépare dans leur dos. Les pauvres, ils vivent leur sans se soucier ou se demander une seul seconde de la menace qui pèse sur eux, mais peut-être vaut-il mieux que cela reste ainsi. Tullia n'avait pas tort vis-à-vis de mon sommeil, même si mes propos touchaient surtout aux relations entre les personnes, elles en revanche n'ont que peu bougé.

_ Il est vrai. Mais comme vous le dites dans le fond beaucoup de choses sont restés les mêmes.

Visiblement le second point sur lequel elle souhaite s'entretenir est la confiance. Il va de soi, qu'elle ne s'acquière pas en un jour mais au prix d'une longue et difficile route. Celle-ci était déjà rare pendant ma jeunesse, alors aujourd'hui je peux tout à fait concevoir qu'elle est le plus précieux et le plus rare des joyaux. Je me doutais et m'attendais évidemment que je ne l'aurais comme cela, sans preuve concrète.

_ Croyez bien que je m'en doute, pouvoir compter sur quelqu'un est chose rare de nos jours.

Mes motivations semblaient la perturber, alors pour éviter qu'elle s'interroge éternellement là-dessus je me contentais de lui avouer une raison plus substantiel qui n'était pas un mensonge mais simplement une petit partie des rouages. Si je lui déballais l'ensemble de mes motivations, il était loin d'être sûr qu'elle les comprenne pour ce qu'elles sont, ni les accepte. Avec le temps peut-être pourrait-elle les comprendre mais pour l'instant il fallait quelque chose de concret.

_ Et bien dans un sens, ma vengeance est lié à l'équilibre entre les mondes. D'ailleurs cela fait 1500 ans que je l'attends, alors je ne suis à ça près.

Visiblement je n'avais pas su exprimer avec précision mes propos puisque de nouveau ceux-ci avait été déformé. La justice en elle-même ne m'est pas étrangère, seule la notion qu'elle véhicule m'exacerbe mais j'ai moi aussi une propre vision de celle-ci.

_ Ne vous méprenez pas, j'ai moi aussi une vision de la justice qui m'est propre. Par ce fait, je ne prends aucun plaisir à tuer ou massacrer mais il arrive que certaines choses deviennent nécessaire. Je ne considère pas cela comme quelque chose de pure ou d'honorable, la vrai justice est plus souvent sale et honteuse. Et celui qui la rend doit à tout jamais porter son poids sur ses épaules.

J'écoutais attentivement ses propos, faisant mes propres réflexions en silence. Sa motivation tenait la route, mais quelque chose me disait qu'il y avait autre chose. Pour moi, tromper l'ennui et surtout remettre quelque chose d'aussi important à plus tard était louche. Seulement, je ne pouvais rien confirmer pour le moment. Il me faudrait lui tirer les vers du nez plus tard. En attendant, il pouvait s'avérer utile avec ses pouvoirs et sa maitrise du combat. Je me doutais qu'il ne devait pas défaillir dans ce domaine là. De même, il pourrait former les futur dragon des dragonniers pour voler. N'étant pas bonne dans ce domaine là, je ne pouvais être leur mentor.
Je laissais passer cela, me disant que cela n'avait pas trop d'importance pour le moment aux vues des faits, et écoutait ce qu'il avait à dire sur sa notion de Justice. Pas grand chose en fait, mais l'essentiel. D'ailleurs je souriais légèrement, amusée.

" Sur ce principe de Justice là, nous sommes d'accord. Cependant, si tu es à mon service, il faudra t'abstenir de tout zèle destructeur. Je le répète, mais je préfère me tâcher les mains de sang moi même."

Je prenais une autre gorgée, restant pensive quelques secondes. Je devais encore voir quelques détails, dont un qui avait son importance.

" Mhh.... si les choses sont ainsi, je veux bien te prendre à mon service. Mais avant de continuer plus loin dans le Pacte ou dans ce qui sera dit sur ton rôle, il faut que tu me dises quelques chose. Que veux tu en échange ? "

Je le regardais avec beaucoup de sérieux. Il devait se demander pourquoi je lui posais cette question, surtout après ce qu'il m'avait dit plus tôt. Mais j'avais ma propre manière de penser et de voir les choses, et ce qui m'incommodait était le fait que je ne savais pas ce qu'il voulait en retour. De l'argent ? Une position ? Des terres ? Un artefact ? Rien de tous cela ne semblerait, selon moi, l'intéresser. C'est un haut Dragon noble exilé, ce genre de futilité, il ne devait même pas y penser. Aussi je voulais savoir ce qu'il désirait vraiment. Autant pour voir si je pouvais le satisfaire, que pour le comprendre et avoir une certaine emprise sur lui.
Au cas ou.

" Cela peut paraitre étrange de le dire, surtout après ce que tu m'as dit plus tôt, mais j'insiste. Je suis quelqu'un qui raisonne sur le principe de l’Équivalence, pour recevoir il faut donner autant, même si c'est sous une forme différente. Si tu es à mon service, tu auras un genre de compensation. Si tu as des choses en tête, nomme les maintenant. Car une fois le pacte fait, il sera difficile de revenir en arrière. "

J'attendais sa réponse, voulant en avoir une à tout prix. Il ne pouvait se dérober là dessus, car sans cela, il n'y aura pas de pacte. Et pas de pacte, pas de service à rendre.

Visiblement la rectification de certains points est toujours une bonne chose, elle évite les mauvaises interprétations. Je suis content de savoir que sur point nous semblons en parfaite accord. Mais elle souhaite apparemment plus que ça, mais je ne me doutais absolument pas de quoi cela pouvait bien être.
Un échange ? Décidément cette Tullia ne cessera jamais de m’étonner. C’est moi qui lui propose mes services et c’est elle qui veut me donner quelque chose en retour, absurde. Mais vu la tête qu’elle tire ça à l’air important pour elle de savoir ce que je souhaite en fait de compte. Bon visiblement je ne vais pas pouvoir m’en extraire, du moins si je vais que ce pacte soit conclu. Je suppose qu’elle pense à une compensation pécuniaire ou dans le même style, mais tout cela ne m’intéresse guère, à quoi cela me servirait. Je me maintiens le menton entre les doigts, me plongeant dans une profonde réflexion. Que pourrais-je bien lui demander, je n’en pas la moindre idée. Mais soudain une idée me vient, la seule demande que je souhaite vraiment pour l’instant…

_ Une demande, dites-vous ? Hélas, peu de choses peuvent se vanter d’attiser mon désir. Mais s’il vous en faut absolument une, alors je crois avoir trouvé la seule chose que je souhaite actuellement…

Je marque une pause, juste le temps pour moi de me relever, de tapoter mon pantalon et enfin de me placer en face d’elle. Tout en la fixant, je lui adresse un sourire franc et vrai.

_ En échange de mes services, je souhaite… une entière confiance entre vous et moi.

Mon œil brille lorsque le coup tombe, j’attends avec impatience sa réaction. Certes c’est osé, mais c’est hélas la seule chose que je souhaite, pour moi le reste n’est fioriture. Alors qu’un lien entre elle et moi vaut le plus précieux des trésors, à mes yeux du moins. De plus, ceci est un pas vers mes réelles intentions à son égard, intentions qu’elle comprendra en temps voulu. Pour l’instant, elle ne les comprendrait pas de toute manière puisque visiblement ce genre de choses est passé de mode aujourd’hui. Pour moi les réflexes du monde que j’ai quitté sont encore tout frais dans ma mémoire, et je suis qui je suis même si les temps ont changé sur certains points.

Ma question semblait l'avoir collé. Il resta silencieux un moment, pensif. Je ne pus m'empêcher de me sentir satisfaite. Pourquoi ? Je ne sais pas trop. Peut être pour le fait qu'il n'a pas répondu du tac au tac dans le calme le plus total. Chose qui en général m'énerve, surtout quand je cherche à déstabiliser les gens. Et avec lui, c'était difficile.Bref, j'attendais.
Mon attente ne fut pas si longue que cela, car bientôt il reprit son flegme naturel et voulu me tenir en haleine sur ce qu'il voulait. Je l'écoutais, et je dois avouer que sa demande me laissa pendant quelques secondes... Sans voix. Il était sérieux ? Cette question rhétorique déclencha un véritable fou rire de ma part. C'était un rire sincèrement et joyeux, en rien ironique ni diminueur. J'en avais presque les larmes aux yeux.

"Ha ha ha ha ! Et bien, on peut dire que tu es du genre obstiné et têtu comme une mule toi ! Haaaa la la.... Soit, qu'il en soit ainsi. Mais je ne peux rien te garantir, car tout dépendra de tes résultats et de ta conduite."

Je calmais peu à peu mes rires, soupirant quelque peu. Un sourire amusé illuminait mon visage, et semblait avoir effacé un peu de ma fatigue. Soit, qu'il fasse ce qu'il veut. Après tout, il prend des risques lui aussi. Je me relevais, gardant ma bouteille en main et époussetant un peu mes habits.

" A présent, suis moi. Nous allons terminer les choses dans les règles de l'art. "

Je jetais un rapide coup d'oeil vers la ville, avant de gravir la pente douce du toit. Bien que la ville soit éloignée, je ne pouvais risquer que quelqu'un nous surprenne pendant le rituel. Jusqu'à présent nous avions parlé en langue commune des Terres Franches. Je suis d'ailleurs un peu étonnée qu'il la connaisse, mais bon. Pour le rituel, il faut parler en ancienne langue Haut Dragon, et avec la rumeur qui me court après, je ne pouvais laisser la moindre preuve ou excuse trainer. Je cherchais donc un endroit un peu moins exposé, à l'ombre d'une cheminée par exemple. Tout en marchant, je parlais à Ryujin en langue Haut Dragon, mais uniquement par le moyen de la pensé.

* Pour sceller le Pacte, j'utilise un sort Haut Dragon que j'ai appris. Comment, je ne peux te le dire. Mais c'est un sort assez ancien, que peu connaissent même parmi leur race. Il implique beaucoup de choses, et peut être très dangereux pour les deux contractants. Mais il est efficace.*

Je finis par trouver l'endroit idéal, contre une cheminée et donnant sur les toits du débarras. Il n'y avait personne à cette heure ci, et pas de fenêtre donnant sur nous depuis le palais. Je m'asseyais, buvant une autre gorgée d'eau de vie et reprenant la conversation normalement, toujours en langue Haut Dragon.

" Tu peux encore reculer, il est encore temps. Si tu acceptes, je vais t'expliquer plus en détail ce qui est mon plan, et ce que tu vas faire. Sans le pacte, je ne peux le faire, par sécurité. Ce n'est pas que ma vie qui est en jeu, après tout. "

Je souriais avec malice, attendant sa réponse finale. Je ne pensais pas qu'il allait refuser, surtout au point où il en était. Mais mieux vaut prévenir que guérir. Ce sort, que j'avais déjà effectué sur Neth, m'avait permis de m'assurer son obéissance. C'est une sorte d'esclavagisme, mais en moins pointu que cela. Il faut de plus une certaine entente entre les deux partis, et avec Ryujin il était nécessaire que lui autant que moi posions nos conditions. C'est au contractant d'énumérer les conditions, mais si l'autre parti voit quelque chose de rédhibitoire dans l'énoncé, il peut faire cesser la procédure et annuler le sort lors de sa conception. Cependant, une fois le sort effectué, on ne peut revenir en arrière. Sauf si accord des deux partis.
Bref, c'est compliqué.

Visiblement j’avais réussi à la faire rire, d’un bon rire, cela me faisait plaisir de la sourire ainsi. Elle semblait finalement d’accord et me proposa de sceller notre pacte grâce à une vieux rituel Haut-Dragon, celui était toujours selon ses dires très ancien. Je me contentais donc de la suivre sur les toits toujours avec mon épée à la main, je pense qu’elle ne souhaitait pas que l’on soit vu pour le rituel, ce qui dans un sens me paraît tout à fait logique. Elle-même m’avait demandé de ne pas révéler ce que je savais sur son côté de Haut-Dragon, alors il va de soi qu’un rituel de cette même race pourrait lui apporter que des soucis allant dans ce sens.

Je plaçais donc mes deux mains sur mon épée et dans mon dos pour sautillant sur le peu de trajet que l’ont fait. Sur le chemin, elle communique via la pensée et dans ma langue natale, cela faisait longtemps que je ne l’avais pas entendu. Sur le coup, je sentais la nostalgie que cette langue réveillait en moi, le temps de l’innocence et de l’insouciance. Après quelques secondes, je lui répondais de la même manière.

*En effet, les pactes Haut-Dragons sont très puissants, je ne les connais pas tous au vue de leur nombre. De plus je n'étais pas un érudit dans ma précédente vie.*

Nous arrivons finalement dans un petit endroit isolé des regards indiscret, je laisse Tullia s’asseoir et fais de même une fois celle-ci installé. Elle souhaite visiblement que je lui confirme ma volonté, pourquoi devrais-je reculer ? Et surtout maintenant.

_ Je pense sans me tromper que vous connaissez la réponse à cette question, je ne vais pas reculer et encore moins maintenant. Donc si cela vous convient je vous écoute.

Il semblait toujours aussi sûr de lui. Cela me fit encore plus sourire. Arrogance à force d'être trop assuré ? Je fis apparaitre à coté de moi plusieurs objets, chacun ayant son importance dans le rituel. Une dague, deux bols ainsi qu'une fiole. Je pris la dague et avançais mon poignet au dessus d'un des bols, continuant de parler comme si de rien n'était.

" La chose est donc entendue. Mais avant de tout vous révéler, il faut accomplir le pacte en lui même. Je ne peux courir de risque, malgré toute votre bonne volonté."

Avec la dague je me tranchais la peau, le sang perlant rapidement et coulant dans le bol. Mais cela s'arrêta assez vite, mon métabolisme étant rapide malgré mon apparence humaine. Je posais la dague, pris la fiole et versais quelques gouttes dans le récipient. Une odeur âcre s'échappa de la mixture, mon nez se pinçant légèrement. Je n'aime pas ce genre d'odeur. Je trempe l'un de mes doigts dans la mixture et m'avance vers lui.

"Enlève ton haut, j'ai besoin d'avoir accès à ton buste. "

Une fois cela fait, je trace sur son corps plusieurs symboles. Sa peau était chaude et étrangement douce, la couleur du sang contrastant sinistrement avec la pâleur de sa peau. Je me concentrais, me rappelant de ce qu'il fallait dire et quels étaient les symboles à placer. Le sort ne pouvait fonctionner si on ne comprenait pas toute la signification qu'il y avait derrière. Simplement tracer les symboles et dire l'incantation ne suffit pas. Quand j'eus finit, je posais le bol et prenait l'autre, prenant en même temps la dague. Je pris le poignet de Ryujin, l'entaillant légèrement pour que le sang coule dans le bol propre. Je lui expliquais tout de même pourquoi je faisais cela, ne sachant pas s'il connaissait parfaitement ce genre de rituel.

" Il y a plusieurs façon de faire un Pacte de Sang. On peut utiliser soit uniquement le sang d'un des contractant, ou les deux. En utilisant les deux, j'impose des limites aux deux contractants, ainsi il y a moins de risque. Si jamais tu trahis ta parole, tu paieras le prix, mais c'est aussi valable pour moi. C'est, un premier gage de ma confiance, si on peut dire... "

Je souriais légèrement, me rappelant l'autre personne à laquelle j'avais fait ce genre de Pacte. Nethlarion n'avait pas eu de chance, lui. Seul son sang avait été imposé dans le Pacte, faisant de lui le seul contractant pouvant être punis par le scellé. Mais c'était un Renégat, je ne pouvais avoir totalement confiance.
Le sang coula dans le bol, et je le retirais quand il y en eu assez. De mon autre main libre je guérissais pas magie la blessure du haut dragon, les Fils du Vent n'ayant pas la même rapidité de guérison que les Enfants de l'Eau. Une fois la guérison rapide terminée, je pris la fiole et en répandis le contenu dans le bol. La même odeur désagréable s'en échappa, mais concentrée j'en faisais fi comme je le pouvais. Avec un doigt non souillé par mon sang, je traçais d'autres runes sur le buste de Ryujin. Elles étaient plus nombreuses, mais moins compliquées à faire. une fois ma besogne d'artiste terminée, je regardais quelques secondes mon oeuvre puis posais mon regard sur le sien.

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