Trouvaille sous la Lune (PV Ryujin)

Pour ces quelques petites semaines, j'avais enfin du répit. Utilisant comme excuse le besoin urgent de converser diplomatiquement avec les Elfes, j'avais poussé mon voyage plus loin que la simple bordure de nos frontières avec eux. Il n'y avait pas eu de problèmes avec les elfes, ce n'était qu'une formalité. J'y étais allée sous petite escorte, et avais laissée celle ci avec les elfes, pour me balader par moi même vers la côte. Je voulais me défouler un peu et être seule. Mais malgré que les humains et les animae m'accompagnant étaient resté vers le capitale, je sentais autour de moi la présence d'elfes. Cachés, leur présence visible n'était pas notable, mais leur aura ne pouvait m'échapper.
Sur mon cheval gris, je me frayais un chemin en cette fin d'après midi vers les plages de sable blanc. J'y arrivais sans problème, respirant un grand coup de cette eau iodée vivifiante. Mes yeux bleus virés sur l'horizon, je regardais au loin les silhouettes des îles de l'Archipel de Corail. On le disait repère du peuple des Sirènes, et presque aucun bateau ne s'en approchait. On disait que ces îles sauvages étaient magnifiques, et je comptais bien en profiter. Mais pour cela, je devais semer mes sentinelles. J'arrêtais mon cheval près d'un arbre, et y accrochais les rênes. Les elfes étaient toujours là, cachés dans la pénombre de la forêt. Je les ignorais, faisant comme si je ne les voyais pas. J'enlevais mes chausses, et marchais d'un pas nonchalant vers le bord de l'eau. Mes pieds nus s'enfonçaient délicieusement dans le sable chaud, et le bruit des vagues était apaisant. Je ne portais sur moi qu'une robe légère et un corset de voyage. Je faisais semblant de vérifier autour de moi qu'il n'y avait personne, puis enlevais mes habits, pour n'être plus qu'en petite tenue. Ne me restaient qu'un sous vêtement pour maintenir ma petite poitrine et un autre pour cacher mon intimité. Une fois cela fait, je courais vers la mer, et m'enfonçais avec délectation dans l'eau.
Je souriais, sentant mon être se gorger d'énergie en étant en contact avec l'eau salée. Je brisais les petites vagues, m'éloignant toujours de plus en plus. Puis, quand la profondeur fut suffisante, je plongeais sous l'eau, et nageais vers le large. Je nageais, nageais, le courant m'aidant au lieu de me repousser vers la plage. Je ne revenais pas vers la surface, n'ayant pas besoin de respirer sous l'eau. Quand je me fus assez éloignée, je pris ma forme dragon, et m'enfonça encore plus dans les profondeurs froides de la mer. Sous cette forme, je ne craignais pas les monstres marins, et j'étais moins sujette au problèmes de courant. De plus, l'attaque de sirènes était moins élevé. Je nageais en ondulant mon corps, mes ailes bien repliées contre moi pour ne pas me gêner. Je sentais les esprits de la mer m'accompagner, par curiosité mais aussi par plaisir. Il y avait très longtemps que je n'avais pas nagé en ces eaux, et je me surpris même à converser quelque peu avec eux. Pas beaucoup de nouvelles, à part ce malaise général qu'éprouvait tous les êtres de l'eau en ce moment. C'était étrange, mais surtout mauvais signe. L'Eau était l'un des premiers éléments avec celui de la Terre à ressentir un changement profond. Si les esprits de l'eau s'agitaient, c'est que quelque chose se tramait. Mais quoi ? Là était toute la question.

La nage vers l'île prit moins d'une heure, l'archipel étant tout de même plus éloignée que ce que j'avais prévu. Les elfes devaient être en panique de ne pas me voir revenir. Bien fait pour eux, hé hé hé ~....
Mais il ne fallait pas qu'il sache que j'avais cette forme là. Même s'ils se doutaient avec mon aura que je n'étais pas purement humaine,le fait que je sois à moitié dragon serait suspect. De plus, je ne voulais pas qu'ils sachent que j'aille par là, de peur qu'ils ne préviennent les gens de ma troupe. Mieux valait passer pour disparue. J'arrivais près de la berge, ayant repris mon apparence humaine à plusieurs mètres de la rive. Je sortais de l'eau et marchais sur la plage, repoussant mes longs cheveux mouillés dans mon dos. Je m'arrêtais, écoutant et faisant une recherche d'aura aux alentours. Personne.Je fis alors un grand sourire, m'étirais de tout mon long et me mis à courir sur la plage comme une gamine tout en criant.

" YOUPIIIIIIIIIIIIIIIIII !!!!! "

Je me défoulais sur la plage, riant, jouant avec l'eau et courant pour tomber et me relever. Cette sensation de solitude était vraiment plaisante, surtout que ces dernières semaines avaient été chargées. Je passais la fin de cette journée à batifoler sur les rochers, à m'allonger sous les rayons du soleil, et à grimper sur les arbres pour en récupérer des fruits. Je me sentais un peu renaitre dans cette solitude et cette ambiance de paradis, où qui j'étais importait nullement. L'après midi céda rapidement à la soirée, et c'est avec délectation que je regardais depuis un rocher le coucher de soleil sur la mer. Infinie et pleine de promesse.
Partir. Prendre un bateau et partir vers le large, là où les courants me mèneraient, pour tout abandonner et tout recommencer depuis zéro. Ce serait tellement bien. Mais impossible. Où que j'aille, on finirait par me retrouver. Et je n'étais pas lâche au point d'abandonner tout le monde. Enfin, pas encore assez lâche pour le faire, ni assez démotivée. Je regardais nostalgiquement les couleurs flamboyantes du ciel depuis la falaise, soupirant d'aise.

" Que du bonheur ~ .... "

La nuit tombait peu à peu, et je descendais de nouveau vers la plage, laissant la falaise et son vent frais. J'avais repéré une petite crique en me baladant, encerclé par la roche claire et baignée dans l'eau pure. La Lune en croissant était levée, baignant d'une douce lumière l'eau et le sable blanc. Je m'asseyais sur un rocher qui surplombait quelque peu la rive, et fis apparaitre une flûte en bois de rose. La portant à mes lèvres et me laissant porter par les émotions du moment, je soufflais une mélodie qui fit frissonner ma peau salée. Seuls les échos de la mer répondirent à cette musique, mais bientôt d'autres instruments se firent entendre, au loin, suivit par le chant mélodieux et raffiné des sirènes. Je souriais légèrement, mais continuais de jouer. Je gardais les yeux ouverts, ne voyant pas les sirènes. Je devais rester méfiante, car ces créatures espiègles peuvent parfois devenir de véritables nuisances. J'interrompis mon chant soudainement, ayant entendu un bruit d'eau anormal. Je me retournais, regardant d'où cela pouvait provenir. Ce n'était pas de cette crique. Du moins pas visible ici. J'entendis de nouveau ce son, et me levais pour voir ce que c'était. J'escaladais le rocher où j'étais assise pour voir par delà la barre rocheuse.
Quelle ne fut pas ma surprise de voir un corps nu sur un rocher, les vagues l'éclaboussant et le faisant tanguer dangereusement contre la rive. Face contre la roche, les cheveux blancs mais assez courts, je n'arrivais pas à voir ce qu'il était. Un homme-sirène ? Peu probable. Aucune sirène ne mettrait l'un des leur dans cet état. Alors un naufragé qui a survécu à une attaque ? Peut être. Je posais ma flûte, sautant agilement de rocher en rocher pour le rejoindre. Je devais agir vite, avant que les sirènes ne le voient et ne le prennent pour cible. Plus je me rapprochais, plus je sentais son aura faible. Il était vivant, c'était déjà ça ! Mais plus pour longtemps, si je prenais compte des ombres de sirènes qui se rapprochaient de lui. C'est quand deux têtes de sirènes sortirent de l'eau, brandissant leurs mains luisantes vers lui que j'intervenais, prenant le corps pour le ramener vers moi. Les sirènes me jetèrent un regard courroucé, alors que je leur souriais tout en disant gentiment.

" Désolée les filles, mais il est à moi. Oust ! "

Je leur faisais signe de s'en aller, et comme réponse elle feulèrent. Elles ne semblaient pas vouloir partir et laisser ce morceau de choix. Fronçant des sourcils, je laissais la magie de dragon agir et perturber les flots, pour faire apparaitre l'un de mes Habaeks entre elles et leur proie. Feulant à ma place et claquant de ses dents de glace, il fit fuir rapidement les importunes. Je lui fit signe de les poursuivre un peu, histoire d'être tranquille.
Pendant ce temps là, j'extirpais cette personne de l'eau, faisant fi de sa nudité. Il était plutôt lourd comme bougre, mais ce n'était pas à cause de la graisse, c'était sûre. Je l'allongeais sur le dos sur un endroit sec, et commençais à l'observer. Il respirait, mais semblait faible. Son aura ainsi que sa beauté irréelle et la paire de corne noire qui ornait sa tête ne faisaient aucun doute sur ce qu'il était. Et cela porta un coup à mon moral. Pourquoi, sur tous les naufragés que je pouvais sauver, cela devait être un Haut Dragon !
Je pestais pour moi même, moi qui aurais voulu être encore tranquille. Mais je ne pouvais le laisser là, mourir. Ce n'était pas correcte. De plus, il était vraiment mignon, et me ressemblait un peu avec sa peau et ses cheveux blancs. Je soupirais, prenant les choses en main. Je fis apparaitre une cape, le recouvrant pour le moment de cela. Ce n'était pas un Fils de l'Eau comme moi, son aura était différente. Donc il était sensible au froid, et une exposition longue à l'eau pouvait lui être néfaste. Il fallait en premier le réchauffer.
Je l'enroulais comme je pouvais dans al couverture, et le porta un peu plus vers l'intérieur de la crique, là où les sirènes ne pourraient jouer de mauvais tour. Je le posais sur le sable, et me mettais en quête de bois. Tout en ramenant de quoi faire un feu, je ne cessais de me poser des questions. Que faisait là ? Tout nu qui plus est. C'était il trompé quand il avait ouvert le portail dimensionnel ? Mais cela ne réglait pas le problème de la nudité. J'étais vraiment perplexe....
Je revenais vers lui, voyant qu'il n'avait pas bougé. Je fis le feu, ayant utilisé un briquet de pierre pour allumer celui ci. Etant Fille de l'Eau et ne pouvant cracher du feu à cause de mon hybridisme, je devais bien avoir recours à cette méthode là. Je l'installais comme je pouvais près du feu, posant sa tête sur mes genoux. Je regardais les flammes, pensive, laissant mes doigts jouer dans ses cheveux. C'était un dragon blanc, comme moi. J'en avais rencontré très peu dans ma vie, et cela me faisait toujours bizarre. Ses cheveux étaient soyeux et ça devenait une vraie addiction que de les toucher. Je restais pendant de longue minutes comme ça, restant aux aguets de ce qui m'entourait. Mais mon attention fut soudainement attirée par la sensation de mouvement sur mes genoux, et c'est en le regardant que je vis qu'il était en train de se réveiller. Je l'interpellais d'une voix douce et légèrement amusée, ne sachant quoi faire d'autre.

" Oy... Tout va bien ? C'est pas conseillé de se baigner tout nu avec les sirènes qui rôdent ... "

Je lui souriais chaleureusement, mais restais sur mes gardes. Pour le rassurer, j'avais utilisé la langue des Haut Dragons. Mais je ne savais rien de son histoire. S'il pétait un câble, je devais être prête à réagir au plus vite.

Je me promène sur un sentier entouré d'arbres en fleur, leur parfum embaume l'air. Le vent est doux et bon, le soleil me gave d'une chaleur agréable mais ne me brûle pas. En continuant ma route, j'arrive à un point d'eau celui-ci est couvert par les arbres qui l'encerclent formant un dôme de feuilles et de branches. J'avance dans ce lieu qui respire le calme et la sérénité, plus de tension, plus de vengeance, une simple et profonde paix. Je m'approche encore émerveillé par un pareil spectacle et grande est ma surprise lorsque quelqu'un m'appelle dans mon dos. À peine ai-je le temps de me retourner qu'on vient m'enlacer, et très vite cette voix, cette sensation, ces cheveux et ce corps, il n'y a aucun doute. Je la serre encore plus pour la faire tourner, ce moment, cela faisait si longtemps, toute mes questions s'envolent pour ne laisser de place que pour cet instant. L'étreinte se desserre petit à petit jusqu'à notre face à face, ma joie est encore plus grande quand je la vois, Hoshiko, ma Hoshiko. Je ne peux y croire et aussi étonnant que cela puisse paraître je ne peux prononcer le moindre mot. Elle me regarde et deux larmes coulent sur ses joues, je m'empresse de les lui essuyer et de lui faire comprendre par le geste que je suis là à présent. Elle me serre une nouvelle fois avant de me lâcher complètement, elle met son petit poing devant sa bouche comme pour s'empêcher de fondre en larmes. J'essaye de me rapprocher mais chacun pas vers elle m'éloigne un peu plus, je tente de crier, de hurler mais hélas aucun son ne veut sortir de ma gorge. Et finalement, je renonce à courir après ce qui n'est plus qu'une ombre, tandis que les ténèbres m'enlacent je me calme, j'ai compris il semblerait que mon heure ne soit pas encore venu, et bien soit. Je ne peux que me murmurer au plus profond de moi.

Je t'en pris, attends-moi Hoshiko.

Petit à petit, la réalité reprend le pas sur le rêve, je suis sauf mais plus que ça je ne suis pas seul. Je laisse doucement mon corps reprendre ses marques, et en un claquement de doigts mes yeux se sont ouvert pour se plonger dans ceux qui me font face. Le regard de mes deux yeux bleu se loge dans un regard tout aussi bleu, je reste ainsi sans bouger et sans m'arrêter de la fixer. Sous la lumière du feu, je peux sans mal discerner les formes de son visage et c'est une magnifique demoiselle qui se penche au-dessus de moi. Après quelques minutes, je réponds finalement à la question qu'elle m'avait posé, il semble qu'elle m'est sauvée de l'océan mais aussi des sirènes. Il faut vraiment que je la remercie mais cela fait si longtemps que je n'ai pas parlé. Sur le coup je ne suis même plus sûr de me rappeler comment on aligne des mots. Avant tout cela, ma voix était claire et énergique en accord avec mon caractère de surexcité, mais maintenant quand est-il, mystère. Je laisse donc les mots sortir à leur rythme sans les forcer, espérant ainsi éviter des pics et une irrégularité dans ma voix.

_ Vous avez toute ma gratitude pour leur avoir ôté le pain de la bouche.

Quel évolution, ma voix est désormais profonde, grave et suave, je parle bas mais avec suffisamment de clarté pour qu'on comprenne sans difficulté. Je tente de me relever pour lui faire face, mais je sais pas pourquoi je n'y arrive pas. Se ne sont pas les muscles, peut-être est-ce la douce sensation de ses cuisses sous ma tête ou le jeu de ses doigts avec mes cheveux. Je trouve cela bien étrange, comme une sensation familière je ne connais cette femme ni d'Ève ni d'Adam mais je sens comme quelque chose de particulier. Mais de tout manière, j'ai une dette envers elle désormais, elle m'a sauvé la vie, cette vie lui appartient maintenant. Je referme doucement le yeux avant de doucement me remettre à parler.

_ Vous êtes consciente que j'ai une dette de vie envers vous.

Peut-être est-ce de mon époque, mais il en est ainsi et quoi qu'il advienne, ma vengeance allait devoir attendre encore un peu. De toute manière, il m'aurais fallu du temps pour la mettre en oeuvre dans ce nouveau monde qui m'ouvre ses bras. Mais pour l'instant je ré-ouvre les yeux pour apercevoir sa réaction, après tout ce ne doit pas être tout les jours que quelqu'un vous offre sa vie.

Des yeux bleus très clair me regardèrent, semblant quelque peu troublé au début mais finissant rapidement par montré la lucidité d'esprit de leur propriétaire. Il semblait m'avoir compris, et ne faisait pas mine de se relever. Il ne répondit pas non plus de suite, mais ce n'était pas grave. Je gardais patience, continuant de jouer avec ses mèches de cheveux. Il finit par me répondre, d'une voix éraillée et sur un rythme lent. Il parlait comme s'il sortait d'un long sommeil, c'était relativement amusant. Je souriais un peu plus, me mettant à rire, et lui répondis du tac au tac.

" Tout le plaisir était pour moi, fu fu fu ~.... "

Je sentis ses muscles se contracter sur mes genoux, pour rapidement se relaxer. Tentait il de se relever ? Son aura était faible, il ne devait pas avoir beaucoup de force. De plus, je ne sais pas depuis combien de temps il était dans l'eau, mais la température avait du rendre son corps engourdi. Seuls les dragons d'Eau comme moi même pouvaient rester longtemps dans le froid de l'eau sans en ressentir le moindre effet néfaste sur notre physique. Je me mis à réfléchir sur la manière de l'aider, aller chasser n'étant pas forcément la meilleure idée avec ces sirènes qui rôdent. Je fus interrompue dans mes pensés par le dragon, qui pour me remercier m'offrait sa vie. Je le regardais avec des yeux ronds, puis retint un rire sincère. Ces dragons, vraiment...
Je fis mine de réfléchir à sa proposition, puis lui répondis en ces termes, toujours avec un grand sourire chaleureux sur le visage.

" Mh... C'est tentant, mais je me dois de refuser. J'ai déjà assez de dragon sur les bras, et en avoir un de plus ne me serait ni profitable ni convenable en ces temps troublés. Gardez votre vie pour vous même, vous me rendrez à la rigueur un service si nous nous recroisons. "

Une idée me vint alors. Je traçais dans le sable à coté de moi des symboles, puis murmurais quelques incantations. Le cercle s'illumina, pour laisser apparaitre une fiole contenant un liquide vert feuille. Je le pris, effaçant les marques dans le sol, puis en ouvris le bouchon pour le présenter au dragon.

" Tenez, buvez ça. Vous êtes resté je ne sais combien de temps dans l'eau, et comme vous n'êtes pas un Fils de cet élément, votre corps n'est pas au mieux. Cela vous aidera à vous sentir mieux, c'est un fortifiant. "

Cela faisait partie de ma pharmacopée un peu spéciale, que je n'utilisais qu'en cas d'urgence. Il faut dire que j'avais naturellement des prédispositions à la guérison, et que je n'utilisais que rarement ce genre de produit pour dragon. J'en fabriquais et j'en gardais toujours en réserve, mais jamais pour une utilisation fréquente. De toute manière, les ingrédients étaient difficiles à trouver et le produit compliqué à fabriquer pour que je m'amuse tous les jours à le faire.
Quoi qu'il en soit, ce produit était efficace pour redonner un coup de fouet, chargé magiquement pour redonner de la vigueur. Cela devrait être assez pour qu'il puisse chasser et se restaurer en conséquence. Je ne voulais pas le faire pour lui, aussi bien par flemme que par risque. Ce dragon, je ne savais s'il connaissait ma forme dragon ou semi dragon quand j'étais gardienne, et le dévoiler pourrait être dangereux pour mon identité secrète. Pour le moment, je devais faire le minimum syndical. Je l'aidais à boire, puis finis par engager la conversation, pour assouvir ma curiosité.

" Je me nomme Tullia. Quel est votre nom ? "

Sa réponse est négatif, mais je ne peux pas m'empêcher d'esquisser un rapide sourire. Il semble que les pratiques ont changé depuis le temps que je ne suis plus de ce monde, mais une ligne de conduite reste une ligne de conduite, ainsi elle pourra protester et refuser autant qu'elle le veut cela n'y changera rien. Si elle veut vraiment se débarrasser de moi, il faudra qu'elle me donne aux mêmes sirènes dont elle m'a sauvé. Enfin rien ne sert de la contrarié, il ne faut pas que ce si jolie visage se ferme et se ride sous les trait de la colère, il suffit de laisser faire le temps. D'ailleurs, que veux bien dire ce sous-entendu des temps qui cours, les choses auraient-elles changé depuis mon départ, il semble bien. Enfin les nouvelles arriveront bien assez vite pas la peine que je m'en fasse pour le moment, c'est vrai profitons de ce calme et du bruit de l'océan.

Mais en attendant, elle invoque une petite fiole emplie d'un liquide vert qui apparaît sur le sable à côté de nous. Elle me la tend, visiblement celle-ci me redonnerait des forces. En temps normal, j'évite de boire les fioles au contenu vert sorti d'une invocation, ça ne me donne pas soif du tout mais bon là c'est différent. En effet, d'une part si elle m'avait vraiment voulu du mal elle ne m'aurait sûrement pas sauver et d'une autre part je suis lié à elle désormais, je ne peux donc pas lui nuire mais suis aussi à son service. Elle me débouche la fiole que je renonce à humer le parfum pour éviter une possible répulsion et elle m'aide à en absorber le contenu. D'ailleurs au vue de ses pouvoirs, de sa connaissance des dragons et sur l'eau, je commence à me dire si elle aussi n'en est pas un. Je suis encore trop faible pour sentir l'aura de qui que ce soit mais cette sensation familière que j'avais et que je ressens encore auprès d'elle, je pencherais même pour un dragon blanc que ça m'étonnerai pas. Mais pour l'instant sa fiole commence à faire son effet, elle était chargée en magie ça ne fait aucun doute, mes muscles se réveille doucement, cela faisait si longtemps.

Mes membres ont repris leur élasticité et leur tonus, je pense qu'ils le sont assez pour que je me lève, entre-temps la belle inconnue souhaite entamer la discussion et se présente, Tullia un bien joie prénom. Mais les amers souvenirs remontent petit à petit tandis que mes forces reviennent, ça pour le coup il n'y a pas de changement. Toujours sans dire un mot je me relève doucement pour m'éloigner un peu du feu et ainsi mieux discerner le ciel étoilé. Sur le coup je ne fais pas vraiment attention à la cape qui me recouvre pour me tenir chaud et quand je commence à sentir l'air frais autour de moi, j'utilise discrètement mon pouvoir pour que l'air se réchauffe autour de nous. Tout ceci ne dure qu'un instant, je finis par répondre et à lui donné mon nom, mais cela ressemble plus à un soupire empli de tristesse qu'autre chose.

_ Ryujin, le nom d'un mort.

Je reste là à contempler l'immensité du ciel, je me nourris de ce vent qui vient fouetter ma peau, et le bruit de l'océan me berce. Je suis enfin libre, libre de mes mouvements, libre aussi de me venger de ceux responsable de ma déchéance.

Le dragon semblait quelque peu méfiant quand il vit la fiole, mais il se laissa faire. Il but gentiment, et je pus sentir les effets de la potion sur son aura. Il était encore faible, mais cela devrait redonner un coup de fouet à son corps. Même si sincèrement, le meilleur moyen serait de manger de la viande. Or ici je doutais qu'il y ait du gibier d'assez grosse taille, et pêcher serait dangereux. Pour moi ce ne serait pas un problème, mais je préfère éviter de montrer ma véritable nature à ce haut dragon. Pourrait il deviner qui j'étais avant ? Si je montrais mes pouvoirs de l'eau ou ma forme dragon, il y a avait une forte probabilité. Cela m'embêtait un peu, car pour rentrer je comptais sur ma forme dragon pour ne pas être embêtée par les courants et les sirènes. Mais là, les choses se compliquaient.
Le dragon finit par se relever, ses forces étant revenues. Je le suivais du regard, restant assise près du feu. Je restais toujours attentive à son aura, qui semblait s'assombrir quelque peu. Douleur ? Tristesse ? Une sorte de mélange des deux, avec un soupçon de colère. Je souriais légèrement, pensant pour moi même.

* My my, j'ai encore récupéré un cas. Que va t'il donc faire ? *

Je m'étais présentée, mais il ne me répondit pas de suite. Je le regardais s'éloigner du feu, levant la tête vers les étoiles. Il me semblait avoir entendu parlé de certains clans de dragons qui lisaient la volonté des dieux dans les étoiles. Etait il de ceux là ? Je n'en avais aucune idée, mais le regarder observer le ciel avec autant de mélancolie que d'obstination me faisait de la peine. Il semblait.... Perdu.
Pensive, je me surpris à penser à mon propre état il y a longtemps, quand j'errais de monde en monde pour trouver les Orbes. Seule, dans des endroits toujours inconnus et pour la plupart hostiles, je me rappelais regarder souvent le ciel, laissant l'immensité calmer mon coeur et apaiser mon esprit. Qu'avait il vécu pour avoir un tel regard ? Cela me faisait froid dans le dos. En parlant de froid d'ailleurs, je me mis à frissonner soudainement, mes sens de dragon en alerte. De la magie venait d'être utilisée, et pas n'importe laquelle. La nature de celle ci m'était familière, car elle faisait partie de celle que j'utilisais de temps en temps, même si je n'étais pas une fille de cet élément. Mais lui, pour sûr, c'est un Fils de l'Air. Cela me rassurait un peu sur ce dragon. En général, les haut dragons du clan du Vent sont des dragons sages et posés, par vraiment réputés pour un caractère violent ni explosif. Non pas qu'il n'est pas dangereux, leur colère étant terrible, mais la probabilité qu'il pète un câble ici et maintenant était faible. J'étais donc quelque peu rassurée.
Je fus surprise par le son de sa voix, murmurant dans le vent son nom. Je ne m'attendais pas à ce qu'il me réponde. J'ouvris de plus grands yeux, comme si je revenais à la réalité, puis répondis en souriant légèrement.

" Ryujin.... Un Fils du Vent, par conséquent..."

Ce type de nom était fréquent dans ce peuple là. J'avais dons la confirmation de ce que son pouvoir et son aura me disaient depuis le début. Je continuais de le regarder, observant son air mélancolique et pourtant déterminé. Quelque chose me titillait, car on dirait qu'il n'avait pas vu le monde extérieur depuis longtemps. Savait il au moins où il était ? J'avais un gros doute là dessus.

" Je ne sais pas si vous le savez, mais je préfère vous le dire quand même, car vous avez l'air perdu. Nous somme sur le monde des Terres Franches, plus précisément sur une des îles de l'Archipel de Corail, à l'ouest du continent et du territoire des Elfes."

Une fois cela dit, je pris du sable et me mis à ensabler le feu pour l'éteindre. Maintenant qu'il était réveillé et qu'il allait mieux, plus la peine de garder le feu actif. C'était pratique, mais avec ça on était repérable au loin, et cela nous empêchait de bien voir autour de nous. Le feu éteint, je me levais pour m'éloigner de celui ci, la fumée me dérangeant. Mes yeux s'habituèrent petit à petit à la pénombre, et je pus à mon tour lever les yeux pour observer la voûte céleste, qui était magnifique. Ces étoiles, cette quiétude. C'était tout simplement époustouflant. Mais ce n'était pas la première fois que je voyais ce ciel, ni la dernière d'ailleurs. Je reportais mon regard sur Ryujin, à nouveau, bien pensive. J'étais d'une nature curieuse, et ne pas poser la question est du domaine de l'impossible. M'étant rapprochée de lui, restant tout de même à un mètre de lui pour ne pas l'oppresser, je lui demandais avec une légère inquiétude dans la voix.

" Ryujin... Je ne voudrais pas être malpolie en demandant cela mais... Que vous est il arrivé ? Vous semblez perdu. Et je ne parle pas que de la perdition géographique."

J'attendais une réponse, ou du moins quelques mots. S'il ne voulait pas en parler, tan pis pour moi. Mais je ne pouvais pas rester comme ça sans savoir qui il était un minimum.

La lumière du feu s'éteint peu à peu, l'obscurité commence à reprendre ses droit, dans celle-ci je me sens bien comme à la maison. Après tout elle l'est devenu avec tout ce temps passé en son sein, la lumière me perce comme des aiguilles alors que les ténèbres m'enlace de leur douceur. Enfin je retrouve la nuit devenu si cher à mon coeur, sans artifice juste elle et moi, avec pour une fois une invitée. Je n'arrive pas à me lasser de ce ciel cela faisait si longtemps, j'ai envie de tendre les bras pour l'attraper.
Il semble que Tullia est découvert ma vrai nature à l'énoncé de mon nom, ce qui termine de la trahir il me paraît évident à présent qu'elle aussi est un Haut-Dragon. De plus avec mes forces revenu l'aura qui émane d'elle ne laisse plus planer le doute, la mienne reste faible puisque j'ai appris à la contrôler pour l'atténuer. La faim est le dernier de mes soucis je mange peu désormais, les aliments sont fades à ma bouche. Je reste donc toujours silencieux, mais ce silence n'est pas à même de satisfaire la curiosité de Tullia, et après tout je le du dois bien ça. Je me plis donc à ses souhait et réponds à ses questions.

_ Je l'ignorais en effet, mais cette informations pourra sûrement m'aider merci.

Je lui adresse un sourire essayant d'effacer la tristesse de mon visage mais mes yeux eux n'ont cette faculté de cacher ce que je ressens. J'évite donc de trop croiser son regard pour éviter d'inciter encore plus sa curiosité, mais il semblerait que je sois un peu rouillé. En effet elle finit par me demander la raison de ma présence et surtout de connaître mon histoire. Tout ceci est toujours aussi frais dans ma mémoire, mais peut-être qu'en parler me fera du bien.

_ Perdu ? En effet, mais le terme est encore faible.

Je me retourne pour finalement soutenir son regard, ainsi elle pourra encore mieux voir et mieux sentir le sens de mes mots. Je ne veux pas lui raconter mon histoire sans qu'elle ne puisse la comprendre, je veux le lui faire partager sans savoir pourquoi.

_ Je ne suis plus de ce monde. Je dors depuis bien trop longtemps.

Mais avant d'aller plus loin je l'interroge du regard, est-ce par politesse ou souhaite-t-elle vraiment savoir tout de moi. Je doute, j'attends quelque chose, un signe n'importe quoi qui me pousserai à continuer.

Ma question n'a pas de réponse immédiate, mais je ressens son aura qui est troublée. Ses yeux quittèrent le ciel pour se fixer dans mon regard. Son regard était perçant, plein de douleur et de chagrin. Une fois de plus, j'avais l'impression de regarder dans un miroir, avec mon propre regard d'il y a plusieurs centaine d'années. Ses paroles me troublèrent, ne comprenant pas sur le coup. Puis rapidement je réalisais, devenant plus pâle tout en le regardant avec frayeur.

"Un...Scellé ?! "

Scellé. C'était un châtiment que l'on imposait à certain Haut Dragon. Ne pouvant ni les bannir ni les tuer, on forçait ces dragon à entrer dans un profond sommeil, pendant une période de temps indéterminée. C'était une punition aussi cruelle, que l'on ne réservait qu'à des crimes d'importance. Qu'avait il donc fait pour avoir subit un tel sort ? Et surtout, depuis combien de temps avait il dormi ?
Dans ma vie, je n'ai été que très peu en contact avec la société des Haut Dragons, à cause de mes voyages incessants entre les mondes. Je ne savais pas si pendant cette période de temps quelqu'un avait été condamné à cette peine. Il devait sûrement être endormi depuis bien avant mon existence. Cela me rassurait en un sens, car il ne devait pas connaitre toute l'histoire des Gardiens ni celle de mon ancienne vie. Qu'il voit ma forme de dragon n'avait donc plus grande importance.
Quoi qu'il en soit, je voulais savoir. Pourquoi a t'il été scellé ? Son aura n'était pas mauvaise comme celle des renégats, devais je me méfier ? Son regard m'en empêchait, car j'y voyais trop de douleur. Je suis de nature compatissante, et ce regard n'était pas inventé de toute pièce ni un masque. Quelle histoire était donc cachée derrière ce regard ? Trop de question, et peu de réponses. Je continuais de le regarder, toujours aussi étonnée et alarmée. Mais ce n'était pas de lui dont j'avais peur. C'était plutôt les raisons d'un châtiment aussi cruel. Je ne pus me retenir, lui demandant directement et d'une voix peinée ce qu'il lui était arrivé.

"Mais... pourquoi ? Quel crime auriez put faire pour être forcé au sommeil ? Vous n'êtes pas un Renégat, et il n'y a pas de malice en vous... Qui ? Et depuis quand ? "

Je ne comprenais vraiment pas. Quelle raison pourrait pousser les Haut Dragons à forcer un dragon non mauvais au Scellé ?

Visiblement Tullia connaissait mon châtiment, je m'en doutais un peu après tout elle avait démontré une grande connaissance des us et coutumes des Haut-Dragons. Je lui répondis donc à l'énoncé du nom de ma peine, un nom que je n'avais pas entendu depuis si longtemps mais qui me faisait encore frissonné.

_ En effet.

Bien sûr, elle voulut en savoir plus puisque que déjà à mon époque, le scellé était un mot que l'on prononçait tout bas. Et mis à part moi, je ne connais aucuns autres Haut-Dragons qui ont subi le même sort. La vie des Dragons est longue, ceux-ci peuvent être enfermé des millénaires sans réels problèmes biologique, c'est plutôt l'esprit qui trinque. Le peu de chose qu'on sait de ce châtiment c'est qu'il n'est pas fait pour atteindre le corps mais bien le mental. Vivre aussi longtemps, sans la lumière du jour et seul avec soi-même peut rendre un puissant Dragon complètement fou, et finalement il ne présente plus aucune menace.

_ Et bien pour deux raisons toute simple, la peur et l'amour. Les responsables sont ceux qui ont le pouvoir de requérir à une pareil décisions, la haute noblesse de l'Air et de la Foudre. Quand au temps, je ne suis plus sûr des dates, on m'a enfermé en l'année 4309 du troisième cycle.

Je savais que j'y avais passé un moment mais combien de temps exactement resté un mystère pour moi. Peut-être que Tullia allait pouvoir m'éclairer de la date actuel pour savoir combien d'années m'avaient été volées. Malgré moi, il valait mieux pour Tullia qu'elle ne fasse pas attention à mon aura à cet instant, parce que celle-ci l'aurait plongé dans une tristesse abyssale où seule l'obscurité à sa place. Les années de solitude m'avait rendu fort certes, mais à quel prix, celui de n'être que tristesse et obscurité alors que je n'aspirais qu'à vivre heureux et en paix avec celle que j'avais choisi. Je m'attardais un instant sur Tullia, elle semblait avoir connu quelques dures épreuves, cela se sentait et d'ailleurs j'en suis devenu un spécialiste. Je tentais de faire remonter dans mon aura, pas la joie car je n'en avait plus, mais au moins la neutralité pour ne pas la bousculer d'avantage. Le destin est parfois étrange, je m'échoue sur une plage déserte où je rencontre un autre Haut-Dragon qui lui aussi semble connaître la tristesse du désespoir. Mais je pouvais sans mal me douter que son passé n'était en rien de la même nature que le mien. D'ailleurs en réfléchissant de plus près et en sentant désormais son aura, celui-ci ne ressemblait pas totalement à un Haut-Dragon, il y avait autre chose sous la surface, enfouis tout au fond. Je devenais doué pour lire et me plonger dans les âmes d'autrui, visiblement.

Il me donna ses raisons. Des raisons nobles, pour lesquelles je dois dire je m'attendais un peu à rencontrer, vu la personne. Je fus néanmoins étonnée de savoir que cela concernait les Clans de la Foudre et du Vent. Je pensais qu'ils étaient plutôt en bonne relation, mais peut être étais ce autre chose à cette époque ?
En effet, vu la date que disait Ryujin, il y avait un bail qu'il était Scellé. Il avait été Scellé avant même que je sois née ! Il ne connaissait donc rien quand à mon rôle d'ancienne Gardienne, ni même au fait que les temps avaient bien changé. Je fis mine de réfléchir, pesant le pour et le contre.

"Mhhh....4309, troisième cycle... Si je me souviens bien, ça doit faire dans les 1600 ans, grosso modo. Nous sommes à présent en l'an 115 du quatrième cycle. Beaucoup de choses se sont passées pendant ton sommeil...."

L'informer serait le mieux. Il devait être perdu, et l'aider un peu ne serait ce pour qu'il ait ses repères semble le plus approprié. Je me devais de lui faire cette faveur. Pourquoi, je ne savais pas trop. Le sentiment d'aider mon prochain, sans doute ~. L'histoire allant être longue, je m'asseyais de nouveau sur le sol, regardant l'horizon et les vagues.

" Je ne sais pas ce que tu comptes faire à présent, recommencer à zéro ou te venger, mais je pense qu'il est préférable pour toi de savoir ce qu'il en est de la situation de Shibai. Peu après ta mise sous Scellé, des Gardiens ont été éliminés, et un nouveau Gardien un peu différent à été choisis par le Dieu Habaek pour en finir avec Arou. Ce Gardien, enfin Gardienne, a causé pas mal de commotion. C'était une humaine, qui a été hybridé avec la race des Haut Dragon. Elle a démasqué un Gardien traitre, et aidé à repousser les Renégats et les Démons qui étaient avec le Dieu Déchu."

Je soupirais, m'allongeant cette fois ci sur le sable. Les yeux rivés vers le ciel, je sentais mon coeur se serrer en pensant à tout ce que j'avais traversé à cette époque. De terribles souvenirs, que j'aimerais oublier.

"Et c'est là que tout est allé de mal en pis. Plus de la moitié des Gardiens ont été tués lors d'une attaque sur Qwenya, et les Orbes ont été dispersée. La Gardienne de l'eau a passé sa vie à les retrouver, et ce n'est qu'il y a une centaine d'année qu'elle a atteint son but. Elle a non seulement retrouvé toutes les orbes, mais aussi vaincu le Dieu Arou pour de bon, avec l'aide d'Habaek. C'est là que le quatrième cycle commence. Les Renégats étaient en fuite, il a fallu réparer bien des dégâts et remettre en place les Gardiens, car il n'en restait plus qu'une seule. Et pas une des plus aimée des Haut Dragon, crois moi. "

Cela me fit sourire légèrement, mais ce sourire était amer. C'est sûr, je n'avais jamais été vraiment aimée des autres Haut Dragons. Mon hybridisme ainsi que la liberté de mes moeurs et le mépris des convenances de la société des Haut Dragons en étaient les principales causes. Ne plus avoir à retourner là bas ne me causais aucun soucis, et rester avec les humains était tout ce que je voulais. Même si je dois encore souffrir pour cela.

" Maintenant les Gardiens sont de chaque race de la Triade, et non plus que des Haut Dragon. Le Jeu est de nouveau de mise sur les Terres Franches, et c'est le tumulte pour renverser discrètement tel et tel royaume. En ce moment c'est celui des humains qui trinque. Les Démons ont failli l'emporter il y a cinq ans, s'étant allié avec les Drows, renégats restant, vampires et autres bestioles sympathiques. Les Gardiens avaient été choisis par la dernière Gardienne, mais pas assez formé pour pouvoir intervenir correctement. Lors d'une bataille décisive, plusieurs d'entre eux sont morts, et cela a mis la dernière Gardienne en rage. Celle ci s'est révolté contre les dieux et leur a désobéit, prenant part à la bataille en renversant la situation. Autant dire que la punition a été immédiate pour elle. Les dieux l'ont tué devant tout le monde."

Je me relevais de moitié, soupirant. Oui, ma mort avait été bien faite et spectaculaire. Douloureuse, mais ça en avait valu la chandelle. Je ne parlais pas bien entendu de ma réincarnation dans les Terres Franches, devant passer pour morte de manière définitive. Je pouvais jouir d'une relative liberté, même si le destin avait décidé que je ne pourrais pas en profiter comme je le souhaite. Enfin, c'est aussi mon choix, après tout.
Je m'asseyais en tailleur, étirant mon dos qui craqua comme celui d'une vieille femme.

" Mais bon, grâce à ça les démons se tiennent un peu plus tranquille, et c'est de l'intérieur que les humains se détruisent. La triade reste en suspens, et de nouveaux gardiens sont revenus remplacer ceux morts. Les Haut Dragons sont calme et n'interviennent pas, tout comme les Anges. Mais pour les Haut Démons, c'est moins sûr. Voilà où cela en est à présent."

Je jetais un coup d'oeil à Ryujin, et lui souriais. Je ne sais pas si j'avais réussi à le rassurer ou à lui remonter le moral, mais je voulais tout de même qu'il cesse de broyer du noir. Plus tôt il arrêtera de faire ça, mieux ce sera pour lui.

" Les choses ne peuvent qu'aller mieux à présent. L'époque est un peu différente, certes, mais elle ne t'empêchera pas d'aller de l'avant. Après, c'est ton propre choix ~ ...."

Je riais légèrement, espiègle et malicieuse. Il avait raté beaucoup de choses lors de son sommeil, mais c'était peut être pour le mieux. Au moins, il n'aura pas vécu cette période de temps troublés et désastreux. A lui de voir à présent, s'il voulait prendre sa revanche ou choisir un nouveau départ. A partir de là, je ne pouvais plus faire grand chose pour lui.

Tullia commença son récit tandis que je l'écoutais avec attention, la date était enfin tombée. Cela m'a surpris bien évidemment mais pour moi j'avais l'impression d'avoir passé une éternité enfermée, alors 1600 ans c'était moins que je m'étais imaginé. Je préférais rester debout pour écouter cette histoire, mes membres avaient besoin d'avoir un peu d'activité. Elle m'apprit qu'on était même passé dans un nouveau cycle, effectivement ça avait vraiment dû bouger pendant que je dormais. Arrive la question que j'attendais bien évidemment, après ce qu'elle savait désormais de moi, mes objectifs. C'est vrai que j'étais libre de choisir ma voie désormais, vivre ma vie ailleurs en laissant le passé derrière moi, ou faire payer ceux qui le mérite. Le dilemme est de taille, mais d'un côté j'avais fais une promesse, je m'étais condamné à vivre deux vie en une, et cela devait être pris en compte lors de mon choix. Mais j'avais le temps, je pourrais toujours me décider une fois le récit de Tullia terminé.

Elle me parlait de la mort de tout les gardiens, peut-être un mal pour un bien, je n'avais jamais vraiment été penché sur la question. Tout ce que je connaissais, c'était le caractère si prévisible des Haut-Dragons et cela ne m'étonnait pas qu'ils en ont finalement payé le prix. Je prenais aussi connaissance d'une gardienne hybride, je ne pouvais m'empêcher de me demander à quoi elle devait ressembler et si par bonheur elle n'avait pas trop pris du côté de ma race. D'ailleurs plus elle continuait avec cette histoire et de plus en plus une idée commençait à émerger de mon esprit. Je me retournai et m'attardai d'avantage sur ma conteuse, elle semblait fort bien au courant de cette histoire, et si on combinait ça avec le fait qu'elle aussi soit du peuple de l'eau avec cette aura si particulière qui émanait d'elle, je songe de plus en plus que tout ceci n'était finalement qu'une autobiographie. Pour éviter de mettre les deux pieds dans le plats, je me tus et la laissait continuer son histoire, je n'aurais pas voulu l'effrayer ou que sais-je en lui montrant que je me doutais de son identité.

Visiblement comme je m'en doutais un peu plus tôt, elle aussi n'avait pas été gâtée par la vie, il semblerait qu'on soit deux âmes en peine qui se soient involontairement trouvés. Et en plus, elle ne semblait pas très apprécier par les Haut-Dragons, elle aussi, le destin était décidément bien étrange parfois. Apparemment le jeu du pouvoir était devenu un peu plus équitable entre les différents camps, alors qu'avant certains étaient en véritable monopole, à trop jouer avec le feu on fini toujours par se brûler, et cela ne me surprenais pas du tout. Mais finalement un doute m'assaillit, les Dieux auraient mise à mort la gardienne même sans vraiment en expliquer la raison je restais persuadé qu'elle n'était d'autre que cette même gardienne déchue de son rang. Je gardais mes remarques sur les Dieux pour moi, peut-être étais-je l'un des seuls Athée de ce monde alors dans le doute. Et oui, je ne croyais plus en ces Dieux qui s'amusaient à faire souffrir pour leur bon plaisir, certes ils demeuraient puissants mais je n'avais pas peur d'eux, comme je ne craignais plus la mort. Bon sinon la Triade n'avait pas changé peu importe les époques, je ne savais pas vraiment si je devais en être rassuré ou pas.
Elle me souris pour me rassurer semble-t-il et je lui adressai mon premier sourire, il était fin et pas bien large mais c'est déjà ça, et je m'inclinai la main sur le coeur pour lui répondre.

Votre considération me touche, mais vous vous en faites bien trop pour moi, les lois des hommes comme celle des "Dieux" ne m'atteignent pas. Je suis aussi libre que mon élément, et parfois plus encore.

Je levai la tête vers les étoiles pour réfléchir un instant sur la marche à suivre, j'étais loin d'être pressé et de plus une revanche se prépare convenablement, après tout rien n'est pire qu'une vengeance qui échoue. Seulement que faire en attendant, la liberté, je l'ai eu à partir du moment ou je me suis évadé, non ce qu'il me faut c'est connaître ce nouveau monde qui me tendait les bras et puis un peu d'action ne me fera pas de mal, pour changer. J'avais une petite idée que je pouvais toujours tenter, on verra bien si elle passe. Finalement après c'est petits instants de silence, je lançai une phrase sur un ton tout à fait naturel et neutre tout en restant fixant vers le ciel étoilé.

J'aurais bien voulu connaître cette gardienne, qui sais, si ses motivations en valaient la peine j'aurais pris plaisir à l'aider dans son oeuvre. Je me demande quels auraient été ses objectifs pour les temps qui s'annoncent.

J'accompagnai cette phrase d'un petit sourire joueur, fixant discrètement Tullia du coin de l'oeil.

Ryujin m'écouta, avec plus ou moins d'attention. Peu m'importait, tant qu'il retenait l'essentiel. Je croisais de temps en temps son regard, y voyant une profonde réflexion, ou alors une sorte d'interrogation. Je n'y faisais pas non plus grand cas, ce dragon qui a été enfermé pour si longtemps devant sûrement avoir l'esprit bien préoccupé. Ma proposition le fit légèrement sourire. Son sourire illuminait quelque peu la tristesse de son visage, mais il était clair que ce sourire n'était pas sincère, son regard ne cessait de dire le contraire. Il me salua, avec toute la noblesse et la diligence d'un haut dragon de son rang. Cela me faisait bizarre, mais je dois avouer qu'être traitée ainsi n'était pas désagréable. Du moins, quand on sait que ce ne sont pas des manières cachant de fausses flatteries. Sa réponse me fit rire, et je fus assez étonnée de son côté tête brûlée. Venant d'un être de l'Air, je ne m'y serais pas attendue!

" Fu fu fu ~ ! L'inconscience est si amusante à observer ...."

Libre des hommes et des dieux. Des hommes, encore je veux bien, mais des dieux, c'est bien plus difficile. Et j'en connais un rayon là dessus. Son regard se tourna de nouveau vers les cieux, mais le mien resta un moment sur lui. Je le plaignais un peu, car son avenir est aussi incertain que le mien. Mais contrairement à moi personne de vraiment dangereux, à part quelques haut dragons, ne lui en voulait à mort. Enfin, j'espère pour lui.
Je tournai mon regard vers la mer, ayant envie d'aller nager et de pêcher. Je commençais à avoir faim, mais l'idée de laisser Ryujin tout seul sur la plage, nu qui plus est, me retenait. Je sentais encore les sirènes rôder dans les eaux aux alentours, et ce soir je n'étais pas d'humeur à les laisser jouer avec leur proie. Le silence continua, sans qu'il me dérange plus que ça. Mes pensés étaient déjà loin, près du royaume des Humains, là où tout le trouble se trouvait. Les choses allaient de mal en pis, et une confrontation semblait inévitable. Mais comment contrer un Renégat sans pour autant dévoiler ouvertement qui j'étais ? Je devais jusqu'au bout garder mon identité secrète, du moins celle de mon ancienne identité. Je ne pouvais ni prendre ma forme dragon, ni même utiliser mes pouvoirs de l'eau devant lui. Prendre une forme dragon ou semi dragon devant les humains leur ferait perdre toute la confiance qu'ils avaient en moi, et je ne voulais pas cela. Même si je faisais tout mon possible pour les aider, ils m'en voudront d'être haut dragon, même si ce n'est qu'à moitié. Tout ce que j'aurais fait ou protégé se trouvera en danger, et je ne peux le permettre. Non pas pour moi, mais pour les autres.
Je continuais sur ces déplaisantes réflexions, quand il me sortit de mon train de pensé en me posant une drôle de question. Je tournais ma tête vers lui, montrant clairement mon étonnement. Etait il autant curieux que ça ? C'était compréhensible selon moi, car une Gardienne Chimère n'avait jamais été vue auparavant. Cela devait sûrement l'étonner. Je ne fis absolument pas le lien avec le fait qu'il puisse connaitre mon ancienne identité, et je lui répondis en souriant légèrement, amusée par une telle question.

" Bha, qui sait ! Elle est morte après tout, et ce qui est au passé doit rester au passé. De plus, vu ce que la légende raconte à son sujet, il en est peut être mieux ainsi. Elle a été entrainée pour traquer et tuer des dragons ou des démons. A ce qu'il parait même certains Clan de Haut Dragons commençaient à vraiment la craindre. Je ne pense qu'elle aurait eu sa place en ces temps de "paix". Elle aurait été ... Perdue, et malheureuse. Enfin, si une Gardienne peut être perdue ou malheureuse !"

Je me mis à rire, me moquant ainsi de manière cynique des Gardiens. Est ce que les Gardiens ont droit au bonheur ? Je n'en savais rien, n'en ayant jamais eu le droit de me l'accorder. Perdue, je l'avais été fréquemment. Que ce soit spatialement ou dans mes convictions, cela s'entend. Les gens devaient penser que les Gardiens sont heureux, car ayant beaucoup de pouvoirs et se situant près des Dieux. Je ferais donc comme si je pensais ainsi. Mais je ne pouvais ternir ma propre image plus que cela, et je me devais d'avouer ce que j'avais eut l'intention de faire. Les gens devaient se le dire quand même, vu comment je m'étais sacrifiée devant leurs yeux. S'ils ne le pensent pas, là je serais vraiment vexée! Je lui répondis avec un peu plus de sérieux, soupirant légèrement. Mon regard s'était posé sur les vagues, neutre et las.

" Quoiqu'il en soit, ses derniers actes parlent d'eux même. Elle a voulu sauver les derniers Gardiens survivant à la bataille, et a même déclaré qu'elle laissait un dernier petit cadeau pour les humains. Elle avait les humains et les animae sous sa protection, même si les humains ne s'en rendaient pas vraiment compte. Si elle était encore vivante, je pense qu'elle continuerait ainsi..."

Les humains. Parfois, leur stupidité et leur crainte aveugle me faisait presque honte. J'étais avant l'une des leur, entièrement je veux dire, et pourtant je n'avais jamais été aussi fermée d'esprit. Certes, il n'y avait pas dans mon monde d'origine de dragon, démon ou autres bestioles fantastiques. Pourtant, en rencontrer ne m'aurais jamais vraiment inspiré de la peur. Ma curiosité me tuera un de ces quatre. S'ils apprenaient que je suis une hybride, je serais aussitôt lynchée, lapidée sur place, huée par la foule apeurée et en colère, avant d'être maudite par toute une population. Peu importe le travail que j'aurais fait pour eux, leur instinct primaire serait prioritaire. Bha, peu m'importe après tout. Si j'ai fait ce que j'ai fait, je l'ai fait parce que je le voulais. Et quoi qu'il arrive, je leur pardonnerais. Enfin.... un peu.
Une autre pensé me traversa l'esprit, et je ne pus m'empêcher de sourire de toutes mes dents. Je me tournais vers Ryujin, lui déclarant avec passion tout en le regardant avec des yeux brillant de malice.

" Mais bon, on dit aussi qu'elle voulait rejoindre l'Eden des Dieux pour y rester avec Ethan ! Elle n'est pas la Gardienne d'Habaek pour rien, fu fu fu ~ ! "

Je riais encore, mais cette fois ci en faisant des mimiques de jeune fille en fleur, émue par une telle romance à la fois interdite et excitante. Cette rumeur aussi avait couru, mais plus du coté des dieux immortels que des gens vivant sur les mondes de Shibai. J'avais toujours eu un faible pour ce dieu, et si je n'avais pas eu le désir de retourner auprès des mortels, le scénario n'aurait pas été si différent que celui là. Séductrice comme Habaek, je ne l'étais pas. Mais grande amatrice de bel homme mystérieux et sympathique, ça par contre oui ~ !

Je ne relevais pas la première remarque de Tullia sur ma possible insouciance, seul un étrange sourire s'esquissa sur mon visage. J'aurais pu disserter des heures sur mes opinions sur ces fameux Dieux, mais je préférais m'y abstenir pour le bien de tous, mes positions sont certes fermes mais pas injustifiées. Je considérais les Dieux responsables de la situation de ce monde, par leur incompétence et leur incapacité à agir avec sagesse et discernement. Je revenais donc à la conversation et il semblerait que Tullia n'est pas vraiment retenu l'insinuation de ma phrase, sûrement une inattention ou peut-être était-ce trop subtil.

Nous avons tous le choix de devenir celui ou celle que l'on souhaite, seul compte la volonté. J'aurais surtout aimé savoir si elle aussi à une aura et une âme si différentes.

J'appuyais ma phrase sur le "aussi" et me tournais vers Tullia, peut-être aura-t-elle compris cette fois. Mais ses mots me peinèrent, on aurait dit qu'elle ne voyait les gardiens que comme une arme, et non comme des êtres doués de sentiments. Je commençais à comprendre une infime partie de la tristesse qu'on pouvait lire dans ses yeux. J'avais l'impression de me revoir plus jeune, ce moment où je devenais finalement ce que mes parents voulaient. Après tout c'est en se répétant chaque jour qu'on est un monstre que l'on en devient un. J'ai eu personnellement la chance d'être sauvé, Elle, m'a sauvé.
Cette nuit, le destin semble jouer de ses tours, est-ce que je devais moi aussi la sauver, seulement voulait-elle être sauvé. Je ne suis qu'un grain de sable, puis-je vraiment lui faire comprendre ce qu'elle semble refuser d'attendre de la vie. Il était évident qu'elle devait se trouver une ancre, une attache pour plus qu'elle ne se perde. Seulement, qu'est-ce qui me permettait de croire que j'étais cette personne, est-ce lié à cette étrange sensation que j'ai immédiatement senti dès que mes yeux se sont posés sur elle, mystère. Après tout, elle était peut-être le remède de ce monde, seulement quelqu'un s'était-il demandé si le remède n'en a pas, lui aussi, besoin d'un. Car malgré les importants efforts qu'elle semble déployé pour ne pas le laisser paraître, cela l'use sans aucun doute. Seulement qu'adviendra-t-il le jour où elle se brisera, elle est forte mais loin d'être invincible. Cette carapace semble l'avoir protégé jusqu'à aujourd'hui, mais toute armure a une faille. Je n'ai pas le pouvoir de prendre sa place, même si je le ferais avec plaisir.

J'attendis un instant, pensif et c'est avec des yeux plein de tendresse et de compassion que je la fixais désormais. Visiblement elle essayait de se convaincre qu'elle avait bien agi, pour les peuples sous sa protection. Mais je ne pouvais m'empêcher de soupirer, là encore on essayait de se comporter comme un Dieu, à dicter aux peuples que l'on considère comme inférieur, leur vie, leur façon de penser et d'agir. Comment pouvaient-ils évoluer si on leur mâchait tout le travail, agir dans leur bien n'est pas toujours, voir jamais, la chose à faire. Si on en fais trop, ils ne peuvent se passer de vous mais si on ne fait rien, et bien ils perdent espoir. Il faut agir sans que personne ne se doute de ce que vous avez fait. C'est un travail ingrat, mais voilà à mes yeux quel est le rôle d'un Dieux ou de toutes entités voulant agir pour le bien d'un peuple.

Sa petite phrase me sortie de mes pensées et détendis l'atmosphère, je lui souriais gentiment. L'air commençait à devenir lourd et chargeait d'humidité, le mauvais temps arrivait. L'air se rafraîchissait, puis de gros nuages cachèrent l'éclat des étoiles et enfin les première gouttes tombèrent. Sentant les gouttes d'eau coulaient le long de ma peau, je ne pus m'empêcher de fermer les yeux et d'écarter lentement les bras vers le ciel avec un sourire de pur bonheur sur les lèvres. La sensation était si agréable et la pluie semblait me purifier, chaque perle d'eau lors de leur course sur mon corps emportaient avec elle mes soucis et mes réflexions. Quelques éclairs pointaient timidement leur nez, une petite tempête en somme. Soudain, je me retournais vers Tullia avec un visage nouveau, je savais que rien n'était mieux que de voler en pleine tempêtes, on se sent libre et apaisé devant le déchaînement des élément.

Volons !

Je parlais, je parlais, comme à mon habitude. En général, ne pas m'entendre parler signifiait que quelque chose clochait, ou bien que j'étais dans une colère noire. Mon babillage ne semblait pas déranger Ryujin, même si parfois il me regardait d'une manière que j'avais du mal à déchiffrer. Il ne répondit pas grand chose, à part une phrase qui m'interpella. Il avait accentué certains mots, et pas n'importe lesquels, tout en me regardant fixement et avec insistance. La lumière se fit dans mon esprit, et je commençais à avoir des doutes. Savait il ? Maintenant que j'y pensais, ses questions sur mon passé de Gardienne étaient suspectes, et il n'avait cessé de me regarder étrangement. Pouvait il avoir deviné aussi vite ?

* Naaaaaaaaaa, aucun risque ~ ..... *

Néanmoins, je préférais mettre les choses au clair, au cas où. Même s'il ne semblait pas être quelqu'un qui en voudrait à mon ancienne identité, remettre les points sur les i ne serait pas une mauvaise chose. Je lui répondis donc, le regardant dans les yeux tout en souriant. Mon ton était toujours léger, mais la manière dont j'accentuais un mot précis donnait une lumière particulière sur l'interprétation de mes paroles.

" Fu fu fu... Qui sait. Personne ne peut plus rien savoir, vu qu'elle est MORTE pour de bon. Vos questions resterons sans réponses, je le crains ~... "

Traduction: c'est du passé, ne pose plus de question et va mourir ailleurs. Un grand sourire sur le visage, je finis par quitter Ryujin du regard pour lever mon nez vers le ciel. L'humidité et les nuages arrivaient, l'air devenant soudainement plus frais. Il n'allait pas tarder à pleuvoir.
Les paroles de Ryujin continuaient à faire écho dans mon esprit. Une fois de plus, je le trouvais quelque peu naïf. La volonté ? Si seulement c'était si facile que ça. Il y avait beaucoup de raison dans ces mots, mais cela restait incomplet. Je lui fis part d'ailleurs de mon opinion là dessus, soupirant légèrement.

" Mais je suis d'accord avec vous sur une chose. Ce qui compte c'est la volonté. Mais il y a autre chose qui va avec, et que beaucoup de personnes oublient. Rien ne se fait sans un prix à payer, peu importe la volonté."

La Loi de l'Equivalence, ou de l'Equilibre comme certains l'appelaient ici, était immuable et impartiale. Pour obtenir quelque chose, il faut en payer le prix. Et naturellement, il n'est jamais celui que l'on attend. Pour recevoir il faut donner, pour arriver où l'on souhaite il payer. Pour aller jusqu'au bout de sa Volonté, il faut Sacrifier. Mes années en tant que Gardienne m'avaient appris cette dure leçon de la réalité. Et aujourd'hui encore j'en observais la véracité. C'est dans ces moments là que je regrette de ne plus être une simple humaine, comme jadis. Au moins la vie dans l'ignorance avait plus de saveur.
Je sentis des gouttes tomber sur moi, et souriais. Cette pluie était chargée de tristesse, et pourtant la sentir sur ma peau était agréable. Je me relevais, souriant toujours avec malice.

"My my, que c'est déprimant ! Même le ciel se met à pleurer pour si peu. "

Je tressaillis cependant en entendant le tonnerre. Saleté de foudre. Je ne pourrais pas partir de l'île avant un moment. Voler quand il y a de l'orage, très peu pour moi. Déjà rien que la sensation de l'électricité dans l'air me mettait mal à l'aise. Je fronçais légèrement les sourcils, chassant de sombres souvenirs. La foudre n'a jamais été reliée à de bon moment, pour moi. Mais vu la tête de Ryujin, cela semblait le contraire. Les bras écartés, sentant la pluie sur lui et le vent lui fouetter le corps (parce que là même ma cap ne couvrait plus grand chose), il souriait, heureux. Je sentis son aura s'exprimer avec plus d'ardeur, comme s'il se réveillait vraiment de sa torpeur. Il semblait renaitre, et c'est amusée que je l'observais. N'allez pas croire que sa nudité est tout ce qui m'intéresse ~...
Je fus cependant interloquée quand il me proposa d'aller voler avec lui. au début je le regardais avec des yeux ronds, quelque peu interloquée et fascinée par le regard plein d'espoir qu'il me lançait. Mais rapidement, la gêne me prit, et c'est en me grattant légèrement la tête que je lui répondis.

" Hein ? Par ce temps là ? Heu.. Non merci, mais c'est gentil de proposer. Je suis une Fille de l'Eau, la foudre est naturellement mon ennemi. Voler par un temps comme celui là, il faut vraiment que je sois désespérée ou folle. Mais allez donc vous amuser. Depuis le temps, vous devez en avoir envie, non ? "

Je lui fit un clin d'oeil, avant de me tourner vers l'intérieur de l'île. Il y avait un endroit dans lequel je devais aller, et le temps était parfait pour ce que je comptais faire. Je me fit craquer l'épaule, avant de lui répondre avec nonchalance.

" Pour ma part, j'ai mes propres amusements à faire. Je ne suis pas venue ici que pour me prélasser. Si tu désires dans ta balade rejoindre le continent, prend la direction de l' Est en suivant la constellation de Frius. C'est à moins d'une heure de vol. "

Je le regardais une dernière fois, avant de lui sourire et de lui faire une petite révérence à la Haut Dragon noble.

" Moi, Tullia Estrama Von Raijer, te salue et te souhait une bonne continuation ! Ce fut un plaisir de se rencontrer, et d'avoir put t'aider, vieux Ryujin. Si l'on se revoit un jour, n'hésite pas à venir me voir. Mais sans dire ni montrer que tu es un dragon, d'accord ? J'ai une réputation et je ne veux pas la salir en ce moment ~. Hé hé hé ..."

Tout en ricanant, je me détournais pour m'enfoncer dans la petite jungle qui composait la partie intérieur de l'île. Je courais un peu, sautant agilement et me faufilant entre les arbres avec aisance. Je montais sur des rochers, pour passer de l'autre coté de l'île, tournant à un moment mes yeux vers le ciel. Je pus y voir un dragon décoller vers les nuages, blanc et magnifique. Je souriais. C'était donc ça, sa forme dragon. Il était moins gros que ma propre forme dragon, mais plus long et définitivement plus rapide. Dans les airs, il était certain que je n'aurais aucune chance. Surtout dans une tempête.
Je continuais mon chemin, voyant au loin un crique déserte dans laquelle la mer agitée s'engouffrait. Je m'y dirigeais, descendant jusqu'au rebord de l'eau. La crique était grande, et ce n'était pas une plage de sable qui la constituait. La roche perforée et maltraitée par l'eau tombant directement dans la mer, l'eau y était plus profonde et les pentes plus abruptes. J'arrivais près de l'eau, m'asseyant sur un rocher. Cet endroit, détenait une forte puissance de l'Eau. On ne pouvait pas le voir à cause de la nuit, mais dans les eaux profondes de cette crique se trouvait un totem de l'Eau, un artefact autour duquel beaucoup d'esprits de la Mer venaient puiser de l'énergie. Je fermais les yeux, laissant mes sens s'ouvrir. La magie fluait en moi, je la sentais puissante, palpitante de vie. Les runes sur mon collier se mirent à briller d'une lumière bleutée, en même temps que des lueurs dans l'eau remontaient des profondeurs. Ils répondaient à mon appel silencieux. Les lueurs prirent une forme plus physique, émergeant de l'eau comme de grands serpents brillant d'un halo bleuté. Au nombre de trois, leur tête à elle seule faisait la taille de mon corps. Semblable à des dragons de l'eau, mais en un peu plus différent et fantomatique, leur corps entier était fait d'eau de mer. Ils ne semblaient pas hostiles, se rapprochant de moi tout en gémissant légèrement. Leurs têtes s'approchèrent de moi, m'observant avec curiosité. j'ouvris les yeux, faisant un grand sourire.

" Coucou, mes chéris. Maman vous a manqué ~ ? Si vous répondez à mon appel, c'est que le nouveau n'a pas encore fait de contrat avec vous, hein.... Bha, tant mieux en un sens ! Maman va pouvoir jouer un peu avec vous...."

Que je puisse ainsi appeler mes petits Habaeks signifiait que le nouveau Gardien de l'Eau n'avait pas encore atteint le stade du Contrat avec le l'Esprit Dragon de l'Eau. C'était un test dangereux, qui nécessitait de la préparation et du temps. Leur présence prouvait que le nouveau Gardien n'était pas encore entré dans ses fonctions, mais cela voulait aussi dire que quelque part en moi, il restait quelque chose de l'Orbe, quelque chose de mon passé. Devais je en être heureuse, ou attristée ? Caressant la tête d'un des monstres, je soupirais. Peu importait, j'étais contente de les voir. Et eux aussi apparemment. Je ressentais leur contentement, leurs questions, l'appréhension qu'ils avaient et leur malaise.
Oui, en ce moment, l'Eau n'était pas calme. Quelque chose n'allait pas, sans que je puisse expliquer pourquoi. Etait ce à cause d'Habaek ? Son humeur influait directement sur celui des esprits en général, mais je ne voyais pas ce qui pouvait bien le mettre de mauvaise humeur en ce moment, ou triste. Je me levais, regardant ces esprits qui attendaient mes ordres. Je pris ma forme intermédiaire, laissant mon sang de dragon et ma magie de l'Eau prendre le dessus. Avec mes trois paires d'ailes blanches et mes fines cornes de la même couleur, je toisais les dragons avec amusement. Ils s'étaient un peu reculés, s'agitant. Je continuais de leur sourire, mon regard marqué par mes pupilles verticales brillant d'une flamme qui jamais ne s'éteindra. Mes bras et mes pieds s'entourèrent d'un halo de lumière bleutée, à mesure que je concentrais ma force et ma magie. Il était l'heure de l'entrainement. Je me mis en garde, la tension dans l'air devenant soudainement palpable. Les monstres se mirent à siffler et à vociférer, des plaques de glace épaisses se formant sur leur corps, en même temps que leurs crocs devinrent des pics acérés. Ils savaient ce qui allait se passer, et ils étaient prêts !
Souriant férocement, je les titillais.

" Comme au bon vieux temps ! "

Sans plus attendre, je bondissais vers eux, poings fermés prêt à les frapper Ils s'étaient de concert rués vers moi, gueule ouverte pour me happer. Le combat pouvait commencer, sous le tonnerre et la pluie. Parfait, un vrai temps pour se battre !

Visiblement Tullia n’était pas vraiment enclin à un petit vol, j’oublie parfois que voler en pleine tempête n’est pas donnée à tous les dragons. Mais visiblement elle a mieux à faire sur cette îles, et bien tant mieux plus rien ne m’empêche à une petit balade dans les nuages. Je lui rends bien évidemment son salut avec le même respect.

Pour toujours, j’aurais une dette envers vous Dame Tullia. Soyez sûr que nos chemins se recroiserons, d’ici là, si jamais vous avez besoin de moi, il vous suffira de murmurer au vent. Vous pouvez être sûr que je ne tarderais pas.

Sans autre cérémonie, elle s’enfonce dans la forêt de l’île et je la suis du regard jusqu’à ce qu’elle disparaisse. Je recule de deux pas avant de me retourner, je retire sa cape et la plie avant de la déposer près des braises. Je ferme doucement les yeux, tandis que mes pieds commencent à décoller du sol. Des écailles commencent à apparaître sur ma peau ainsi qu’une paire de moustache. Puis une crinière et des griffes, mon corps s’allonge de plus en plus pour devenir effilé et fin. Le vent devient fort et puissant, il balaye les branches des arbres et c’est dans une puissante bourrasque que je prends finalement mon envol. Ma joie s’exprime par un puissant rugissement qu’on peut entendre de loin. J’ondule vers ces sombres nuages chargés d’éclair et de vent, et je file plus vite que le vent, cette sensation est si bonne sur ma peau. Je plonge finalement dans cet océan, à chaque éclair ma silhouette se dessine sur les nuages. Je poursuis les éclairs dans ce petit jeu de trappe-trappe qui en aurait fait pâlir plus d’un. Mais je me surprends à regarder en arrière, mais je sais que nos chemins se recroiseront, il n’y a pas à en douter, je ne serais jamais loin.

Je reprends donc mon petit jeu, titillant de plus en plus près les éclairs qui me frôlent, j’en attrape même parfois au vol. Filant vers l’Est, il semblerait qu’il était temps que je réapparaisse dans ce monde, le monde des vivants et de la lumière. Seulement par où commencer, je commencer à doucement me rappeler mes jeunes années et si la guerre gronde il va falloir m’équiper en circonstance. J’avais toujours mon épée, celle que j’avais caché avant mon scellement, a-t-elle survécu au outrage du temps c’est ce que nous allons voir. Après ce n’est pas n’importe quelle épée… Direction les grands lacs des Terres Franches.

Le ciel calmait un peu ses feux ardents, alors que la mer agitée ne cessait de briser de terribles vagues contre les rochers de la crique. On pouvait voir de ça et là quelques rochers fraichement brisés, ainsi que des traces d'impacts violent sur la falaise. La mer était déchainée qu'autour de cette crique, par endroit de la glace formant des pics acérés contrastant avec la noirceur de la roche de la petite baie.
Au dessus de l'eau, faisant face à trois grands êtres d'eau et de glace, je regardais le ciel. Haletante, couverte de sueur, d'eau salée et de coupures, je n'en menais pas large. J'avais l'air menaçante avec mes cornes, mes griffes et mes trois paires d'ailes déployées, pourtant les nombreux ecchymoses ainsi que les plaies qui venaient à peine de se refermer montraient que j'en avais bavé. Mais c'était parfait, et je me sentais bien. Mon sang de dragon bouillant dans mes veines était enfin apaisé par la violence que j'avais déployé. Si j'avais été encore Gardienne, le combat que je venais de mener contre ces esprits de l'eau n'aurait été que bagatelle, mais présentement avec mes pouvoirs bridés, c'était beaucoup. Je me sentais épuisée, lasse, mais plus humaine.
Les dragons de glace restaient à distance, m'observant et restant sur leurs gardes. Même s'ils m'en avaient fait baver, ils restaient tout de même attentifs à mes réactions et actions. Pour le moment je n'étais pas en position d'attaque, ni même ne semblais vouloir continuer le combat. Je souriais légèrement, calmant peu à peu mon sang de dragon. Le ciel s'était calmé, je pouvais rentrer à présent. Je regardais les dragons, leur souriant.

" Humpf.... Ce sera suffisant, je pense."

Les dragons comprirent, grondant quelque peu de frustration. Je volais vers les berges, ne faisant guère attention aux dommages que j'avais causé. Quiconque aurait vu le combat aurait compris pourquoi la roche semblait aussi chaotique. Je m'asseyais sur l'une des falaises, reprenant forme humaine tout en observant la glace fondre rapidement et tomber dans les flots encore agités. Maintenant que j'étais vidé et que j'avais coupé tout lien avec la magie de l'eau, la glace n'avait plus de raison ni d'énergie pour rester telle quelle. Balançant mes pieds dans le vide, je réfléchissais. Maintenant il fallait retourner vers les conflits, et tenter de résoudre ce problème de chaos chez les humains. S'il n'y avait pas eu cette promesse envers mon père adoptif, j'aurais pus vivre tranquillement, sans me soucier de la politique. Mais bon, on ne se refait pas non plus. Après tout j'ai beau dire ça, je savais très bien au fond de moi que je n'aurais pus résister à la tentation d'aider mon prochain. C'est dans ma nature, et mon job depuis presque 1600 ans, quoi qu'en pensent les gens. Je devais me préparer, aussi bien physiquement que mentalement. Avec cette séance, je pouvais être tranquille en ce qui concernait l'énergie de dragon détectable par les gens de l'Inquisition. A moins d'être fortement énervée et d'ouvrir momentanément le sceau qui scellait mes pouvoirs principaux, il n'y avait pas de risque que je me transforme involontairement. C'était risqué, vu que tout combat pourrait m'être fatal sans mon énergie de dragon. Mais avec mon expérience du combat, Ragn et Nethlarion, je pouvais me considérer comme relativement en sécurité. Les choses restent tout de même relatives, surtout si on considère que mon adversaire principal est un renégat ayant tué l'ancien Gardien du Feu.
L'un des dragons s'était approché de moi, sentant mon anxiété grandissante. Les deux autres étaient retournés parmi les flots, à leur paix si chère. Celui qui restait avait quitté son armure d'écailles de glace, et avait grandement diminué de taille. Sa tête était aussi grosse que celle d'un cheval, et son corps avait proportionnellement diminué. On était loin du monstre plus gros qu'une maison qui avait tenté de me bouffer la tête il y a quelques minutes ! Je lui caressais la tête, souriant. Je devais rentrer à présent. J'étais trop fatiguée pour nager, et je n'avais plus d'énergie pour prendre forme dragon. La forme intermédiaire ne me permettait que de prendre un envol, mais les vents étaient bien trop tourmentés et imprévisibles à mes yeux pour que je puisse faire une traversée sûre. Il ne me restait plus beaucoup de choix.

"Je suis un peu à court de jus, me prendre en taxi ne te dérangera pas, n'est ce pas ? "

Le dragon roucoula, comme un esprit dragon de l'eau peut le faire, avant de me montrer son dos. Une partie de celui ci se fit de glace, m'offrant un support solide, et sans plus attendre je grimpais sur lui. Je m'accrochais à quelques une de ses écailles solides, m'allongeant contre son corps froid et mouillé. Au point où j'en étais de tout manière... Il plongea dans l'eau, me submergeant dans l'eau salée. Il pris la direction de la haute mer, nageant sans retournée vers la surface. Je n'avais pas besoin de respirer sous l'eau, ce qui était un avantage. Il allait un peu moins vite que moi à l'aller, le courant et la mer agitée n'aidant pas. Mais ce n'était pas gênant, n'étant pas à une heure près.
Le soleil s'était levé depuis peu quand je sentis la terre du continent proche. Les courants et la température de l'eau étaient différents, mais ce n'était pas cela qui me préoccupait le plus. Je devais faire face aux elfes et aux humains de mon convois, qui se demandaient sûrement où j'étais allée pendant toute une nuit. Cela m'amusait beaucoup d'imaginer ces elfes qui m'avaient suivis paniquer, pensant sans doute que je m'étais noyée. Troubler ces êtres par nature calmes était un petit délice que je ne me refusais guère. Il fallait bien se trouver un petit souffre douleur, vu que je n'avais pas Ragn sous la main. Mais quoi qu'il arrive, ils ne devaient surtout pas savoir quel lien j'avais avec les dragons, et encore moins avec les esprits de l'eau. Quoi que je puisse dire ou médire sur leur race, ils sont toujours extrêmement perspicaces et non sans cervelle. La jouer fine n'était pas dans ma nature, mais je devais au moins ne leur donner aucune preuve et nier tout en bloc avec un sourire charmeur et plein de malice.

Le dragon d'eau me déposa dans l'eau, à une centaine de mètres de la rive. Il resta dans l'eau, n'apparaissant aucunement à la surface. A cette distance je pouvais nager aisément jusqu'à la plage, ce que je fis avec un certain plaisir. Je sentis pourtant mes muscles me tirer et me faire mal, preuve que je m'étais bien dépensée. Je sortis de l'eau, voyant rapidement une bande d'elfe converger vers moi. Leurs regards étonnés autant que rassurés me confirmèrent qu'ils avaient du me chercher pendant toute la nuit, et peut être pensé à ma mort. L'un des elfes s'était approché de moi, m'observant d'un oeil quelque peu réprobateur.

" Dame Tullia ! Où étiez vous passé ? Tout le monde vous a cherché, nous pensions que... "

Son regard s'était sûrement posé sur mes contusions encore visibles, mais heureusement pour moi mes plaies s'étaient toutes refermées et restaient invisibles. Le sang de dragon blanc a ses avantages, après tout. Je leur souriais, voulant les rassurer tout leur répondant avec malice et nonchalance.

" Allons allons, du calme Maitre Elfe. Je ne peux me noyer aussi facilement ni mourir d'une quelconque manière aussi stupide et sans aucun éclat. J'ai encore beaucoup trop de travail à faire en Aratanye pour disparaitre, que cela plaise ou non à certains. Alors ne vous en faites pas, et respirez. "

Il fronça des sourcils, ne semblant pas apprécier que je me moque ainsi de lui. Mais bon, il était prévenu du genre de personnage que j'étais. Un elfe était revenu avec mes affaires, que je repris avec plaisir. Tout en me rhabillant sous le regard détourné des elfes, je repensais soudainement à ce dragon blanc rencontré sur l'ile. Il m'était sorti de la tête celui là. Ryujin, hein.... Je me demandais ce qu'il allait faire, à présent. Se venger ? Profiter de la vie ? Tout ce que je pouvais lui souhaiter, c'était de ne pas emprunter le chemin que j'avais pris. La vengeance et le sang ne résolve pas grand chose, au final. Mais bon, je ne suis qu'une hybride sans famille ni attache, après tout. Je ne sais plus grand chose des obligations de famille et d'appartenance à une caste ou à un peuple.
Mon esprit divagua un peu ainsi, mais c'est en croisant le regard du maitre elfe que j'en revins à ma situation. Il continua de froncer légèrement des sourcils, signe d'une profonde réflexion ou d'une irritation sur un sujet. Au début je fis comme si de rien n'était. Il n'allait pas poser de questions, mais son regard en disait long sur ce qu'il devait penser. Amusée, je finissais de m'habiller tout en décidant de le rassurer un peu. Et de me moquer de lui, bien entendu. C'est en me tournant vers lui et en lui souriant malicieusement que je l'interpellais.

" Qui a dit que jouer avec les poissons n'était pas risqué ? Néanmoins je me suis bien amusée, et errer sur les plages pendant la nuit était agréable. Je suis en forme pour retourner au travail. "

Je lui fis un clin d'oeil, et commençais à marcher en direction de la forêt. Je ne vis pas l'elfe lever les yeux vers le ciel, et n'entendis pas le murmure de désapprobation en langue elfique. Il n'était pas dupe, je le savais bien, et cette explication quelque peu bancale n'assouvirait en rien les questions d'un elfe. Mais je n'avais pas besoin d'en dire plus, car j'avais autre chose à faire. Et lui aussi le savais. Le destin d'Aratanye et des peuples rattachés diplomatiquement à celui ci dépendaient de mes actions et paroles futures, après tout.

[ FIN DU RP ]