[pv Enetari] Quand le voyage dépasse les rêves

Aëlys avait compté : en partant à cette heure, elle arriverait pour l'aube. La jeune femme eut un léger sourire et, après avoir vérifié que personne ne faisait attention à elle, elle se glissa silencieusement dans la galerie. L'eau remplaça l'air et suivirent quelques secondes d'inconfort, avant qu'elle ne se remette à respirer normalement. Nageant en souples mouvements, la naïade avançait avec l'efficacité des longs trajets : il y avait au moins deux heure de labyrinthe à travers les galeries entre le refuge et la surface, aller vite ne servirait qu'à l'épuiser !
Éloignées des chemins habituels, les galeries se trouvaient plongées dans l'obscurité la plus totale. Un petit artéfact muni d'un cristal permettait à la jeune femme d'éclairer son chemin d'une lumière faible et diffuse. La même que celle qui éclairait le refuge. Il n'y avait pas de prédateurs dans ces étroites galeries, mais on pouvait trouver quelques créatures impressionnantes et dangereuses dans certaines grottes !
Aëlys se glissa lentement entre deux gros blocs de roches, se faufila dans l'étroite fente qui barrait la pierre. Elle se blessait parfois ici, le courant allant souvent à l'encontre de ses intentions. C'était le seul endroit délicat, et si cela ne durait qu'une dizaine de mètres, la naïade redoutait parfois même de rester coincée en cas de mauvais mouvement. Mais après, le reste était plus facile : les parois s'écartaient rapidement et donnait à peine plus loin directement au fond du lac. La faille était en fait cachée dans un repli de la roche. Aëlys quitta l'ombre de la pierre et longea le fond vers la rive.

L'eau du lac était si claire que, du fond, elle distinguait les oiseaux le survolant malgré la profondeur. Une eau cristalline et pure, dans laquelle nageaient quelques rares petits poissons argentés... et à présent une jeune fille à la peau bleue.... Surement la voyait-on aussi bien de la surface qu'elle ne voyait la surface depuis le fond ! Mais quoi ou qui pourrait bien se trouver ici de toute façon ? La naïade n'y pensait même pas : elle n'avait jamais vu personne ou quoique ce soit de dangereux... A se demander si les histoires qu'on leur racontait au refuge étaient vraies !
Aëlys sortit soupelemnt de l'eau, qui glissa sur sa peau parfaitement lisse sans faire aucune vague. Les cheveux de la jeune femme, incolores mais aux reflets si étranges, parurent secs à peine sortis de l'eau, et se posèrent sur ses épaules en ondulations légères. Il n'y avait pas de vent ce matin. La jeune femme porta ses yeux aussi clairs que l'eau du lac vers le ciel, et sourit : pile à l'heure !
S'installant sur un rocher, les pieds dans l'eau, elle profita paisiblement du spectacle.

Le vol fut plutôt long, je ne savais pas vraiment pourquoi j’étais partie, l’air que je déplaçais caressait mes écailles noires, au loin, le soleil allait bientôt se lever… Mes grandes ailes bâtaient l’air, me faisant avancer rapidement, de quoi me permettre de réfléchir posément. J’aimais ces moments de solitudes où j’oubliais que j’étais la propriétaire d’un bar à pute ou l’assassin la plus dangereuse de tous les temps… Je n’étais pas non plus cette manipulatrice au cœur de pierre qui passait son temps seul sur un trône de métal froid à regarder des hommes s’entretuer pour le simple plaisir… Durant ces instants, je n’avais pas d’esclaves, pas de prostituées à ma charge, pas de courtisans… rien, j’étais une simple jeune femme qui avait la faculté de se changer en dragon… et qui aimait particulièrement voir le soleil se lever sur le lac…
Je me posais, reprenant ma forme humaine et couvrait ma peau nue d’un voile d’ombre. Me dirigeant vers un gros arbre aux racines apparentes, j’enfouissais mon bras sous les racines et sortis un petit paquet.
Dans le sac en toi se trouvait des vêtements on ne peut plus simples : un pantalon de cuir marron rouge et une chemise en lin blanc, je les enfilais, la chemise laissait une de mes épaules totalement dénudée, laissant entrevoir le début d’un décolleté généreux puis je marchais doucement vers le lac…

Une jeune femme avait apparemment eu la même idée que moi, soit, regarder le lever du soleil sur le lac, il est vrai qu’il était magnifique, il inondait l’onde limpide d’une lueur rose enchantée. Mes pieds nues glissaient sur l’herbe humide de la rosée matinale, je m’approchais doucement de la jeune femme, ne faisant pas trop de bruit pour ne pas l’effrayée, mais assez pour qu’elle m’entende et ne soit pas surprise. Faire une rencontre ? Pourquoi pas, et puis, elle m’intriguait cette jeune femme. Je m’assis doucement à côté d’elle, un sourire chaleureux sur le visage, ne quittant pas l’azure de mes yeux dorés.

Ma voie était posée et douce, j’étais calme, et pas la moindre froideur ne se dessinant sur mon visage. Je ne voulais en aucun cas effrayer la demoiselle… qui avait une aura fort étrange, je n’en avais encore jamais sentis de tel… peut être un peuple caché des autres que je n’aurais jamais vu… ou encore j’en aurais vue avant mon sommeille… Je posais mon regard doux sur elle.

Peut-être qu’elle serait trop timide pour me parler, mais bon, si je pouvais essayer de la mettre en confiance… Je lui tendais la main comme pour me présenter.

Moi je ne lui voulais aucun mal, mais en revanche, ceux qui arrivaient eux ils nous voulaient du mal… Je ne savais pas si la jeune femme était apte à se défendre, mais se battre contre moi signifiait mourir… bien qu’ils ne voudraient surement pas nous tuer… Au début, je ne compris pas grand-chose si ce n’était que nous nous retrouvions vite inconscientes… Je me réveillais plus tard… La visions floue, je ne savais pas comment allait la jeune fille… toussant je regardais autour de moi… en cage, on m’avait mis en cage… Je grognais… Le poison utilisé sur moi était surement très puissant… Je regardais la constitution des barreau… du métal, moi j’allais pouvoir sortir facilement et discrètement, mais la demoiselle…

Aëlys plongée dans la contemplation de la scène se déroulant devant elle ne se rendit compte de l'arrivée de l'inconnue que tard, et sursauta violemment en l'entendant soudain non loin d'elle : se relevant brusquement, elle recula de quelques pas en la regardant de ses grands yeux clairs écarquillés, avec une lueur de panique.

"Magnifique spectacle n’est-ce pas ? J’aime beaucoup venir ici."

Une femme. Grande et belle, d'apparence et voix aussi calme que la surface du lac au dessous d'elles. Mais les eaux peuvent être trompeuses, la naïade le savait bien, et il y avait quelque chose dans l'aura de l'inconnue d'un peu inquiétant... Ainsi, elle était déjà venue ?? Et elle, qui n'avait jamais croisé personne, ne s'était pas méfiée... Qu'allait elle faire à présent ?? Elle n'était pas sensée être là ! Jamais on aurait dû la voir ! Il fallait qu'elle parte, qu'elle s'en aille rapidement, qu'elle puisse fuir dans les galeries sans que cette personne ne la vois faire...

"Je m’appelle Enetari, enchantée."

La jeune femme lança un rapide coup d'oeil derrière elle, mesurant la distance qui la séparait du lac : plonger ? Les rochers l'en empêchaient. Il fallait d'abord qu'elle les descende, mais cela prendrait bien plus de temps qu'il n'en fallait pour la rattraper...
L'inconnue, dénommée Enetari, avança la main vers elle, et Aëlys recula à nouveau d'un pas. Tout en elle était sur la défensive.

"Que... voulez vous ?"

Sa voix était claire et pure malgré son hésitation, comme de l'eau de roche. Dans son regard se mêlaient doute et inquiétude, mais également une légère curiosité difficilement réprimée. Cependant, il ne fallait pas qu'elle reste là, non, elle le sentait, il fallait qu'elle parte, et vite !

"Je ne te ferais pas de mal, je cherchais le calme, mais un peu de compagnie ne me ferais pas de mal."

La naïade l'écoutait à peine, sentant une légère panique l'envahir : comment fuir ?? Mais alors qu'elle se mordait la lèvre à la recherche d'une réponse, une ombre et un mouvement vif attirèrent son regard. Elle écarquilla les yeux, recula du plusieurs pas, trébucha, et se sentit tomber dans le vide...
Elle perdit connaissance avant même de toucher durement la pierre.



Mal. Elle avait mal. La douleur semblait venir de tout son corps, résonnait dans son crâne, pinçait ses os. Son cœur résonnait comme un tambour grave et assourdissant à ses oreilles. Que... ? Elle tenta d'ouvrir les yeux et de se bouger, et son coude frappa quelque chose, quelque chose de froid et dur, de métallique.
Aëlys se redressa brusquement, avant d'aussitôt laisser échapper un gémissement de douleur. Elle se recroquevilla. Une migraine terrible lui soulevait le cœur, brouillait sa raison et ses sens, et son corps était presque couvert de bleus et légères blessures... Où était-elle ?? Elle ne distinguait que des barreaux autour d'elle. Que c'était-il passé ?? Son regard tomba sur une femme, enfermée elle aussi, non loin d'elle. Et les derniers évènements lui revinrent en mémoire, sans pour autant lui fournir de réponse : fermant un instant les yeux pour calmer ses hauts le cœur, la jeune femme prit une inspiration pour demander d'une voix faible et inquiète :

"Où sommes-nous ?"

Je secouais ma tête pour être sûr de récupérer tous mes sens, j’allais en avoir besoin… Je fermais les yeux, prenant conscience de tout ce qu’il se passait autour de moi, je ne pouvais pas encore rassurer la demoiselle face à moi, et cela n’allait pas être chose facile, elle était effrayée, totalement effrayée… Ce qui était normale, d’après ce que j’entendais, ils voulaient faire de nous des prostituées, un comble pour moi qui tenais une taverne dans laquelle on trouvait des filles de joie. Je laissais échapper un rire ironique avant de poser mes yeux sur la jeune fille. La nuit était tombée et un feu crépitais non loin de nous, lui offrant le sourire le plus doux qu’il soit je tendais ma main vers elle avec une infinie douceur. Enfermée ainsi, elle ne pourrait pas se débiner la pauvre… elle devait être terrorisée, cette donzelle de l’eau n’avait surement pas l’habitude de sortir de son lac, alors, se retrouvée enfermée…

Avais-je envie qu’elle se sauve ? Je ne savais pas vraiment, mais j’avais bel et bien envie de la sortir d’ici et d’en apprendre plus sur elle, j’écoutais les conversations tout en essayent de rassurer la jeune fille en face de moi.

Je continuais à écouter les conversations, les hommes ronflés, je me concentrais sur le battement de leurs cœurs me demandant lequel de ses hommes avait la clef, mais de toute façon, je ne pourrais pas aller la chercher moi-même… Elle elle était bien plus petite, mais c’était peut être dangereux… à moins que… J’esquissais un sourire en attendant les réponses de la petite fille de l’eau, je montais petit à petit un plant, cherchant où pourrait bien se trouver la clef, le seul moyens était de vérifier par moi-même. Je secouais les barreaux de la cage…

J’avais interpelé les deux saoulard, mais les endormis dormaient toujours, c’est sûr que, l’alcool, ça assomme. D’un pas mal assuré, il se dirigeais ver moi, me demandant de me reculer en me menaçant avec une arbalète, mais dans cet état, je n’étais pas sûr qu’il arrive à viser, son amis lui menaçait la jeune fille, j’avais envie de grogner, mais je n’allais rien faire, il ouvrit très rapidement la cage, lança une couverture et referma la cage tout aussi rapidement… c’était donc l’un des homme près du feux qui avait la clef, j’allais pouvoirs échafauder mon plan, mais je ne pourrais rien faire sans l’aide de la jeune fille.

Elle rit. Aëlys frissonna, puis sursauta lorsque Enetari tendit la main vers elle. Elle hésita, et finalement l'ignora, recroquevillée en boule contre les barreaux de l'étroite cage.

"Ne t’en fais pas, nous avons de la chance, nous somme tombées sur des incompétents, ces hommes veulent faire de nous des esclaves, mais si tu m’aides, je pourrais faire en sorte que nous nous échappions toutes les deux, et tu pourras retrouver ton lac, cela te va ?"

De la chance ? Aëlys ne se sentait guère rassurée... Le mot "esclave" n'avait qu'une faible réalité à ces yeux, et la migraine insupportable qui la martyrisait ne l'aidait pas à réfléchir ! Mais avait-elle de tout façon le choix ? Elle ne souhaitait certainement pas rester là sans rien faire... Aussi hocha-t-elle silencieusement la tête en réponse à la jeune femme.

"Je pense qu’on va pas pouvoir sortir de suite, alors, autant faire un peu connaissance non ? Comment t’appelles tu ?"

La naïade hésita, ouvrit la bouche, la referma à nouveau, avant de finalement murmurer :

"Aëlys."

On lui avait toujours dit qu'on pouvait lire en elle comme dans un livre ouvert, et certainement ce moment ne devait pas faire exception ! Peur, inquiétude, méfiance, autant vis à vis d'Enetari qu'envers les hommes situés au coin de son regard, et dont le moindre geste un peu brusque ou rire trop gras faisait sursauter. Comme suivant ses pensées, l'inconnue reprit :

"Il faut attendre qu’ils s’endorment tous, l’homme contre l’arbre et les deux assis au-devant de la calèche dorment, mais les deux près du feu eux, ils sont bien réveillés mais ne vont pas tarder à être totalement saoul…"

Vraiment, étaient-elles donc juste sensées attendre ? Mais attendre quoi ? Que les deux s'écroulent ne les aideraient pas à sortir de ces cages... A moins qu'Enetari n'ait une solution ? La jeune femme ne semblait en tout cas pas trop déboussolée par la situation, et Aëlys prit sur elle pour tenter de maîtriser la peur qui la rongeait.
Soudain, sa compagne de misère haussa la voix pour attirer les deux hommes, faisant à nouveau sursauter Aëlys, qui suivit l'échange avec des yeux ronds, plus tendue encore lorsqu'une arme se pointa vers elle le temps de l'échange. Puis les deux hommes s'éloignèrent à nouveau après avoir soigneusement refermé la cage, et l'ondine retourna son regard aussi clair que l'eau sur la jeune femme : un regard rempli de questions.