Les débuts d'une archère (pv Handoar)

Un pas, deux pas. Debout sur une branche et les mains croisées dans mon dos, j'avançais, le regard fixés sur les feuillages dorés de la forêt des Millénaires. Comme à mon habitude, je me concentrais sur autre chose pour éviter d'être attaquées par mes cauchemars. Je gardais constamment les yeux ouverts, refusais même de dormir car je savais que les visions réapparaitraient. Je lisais plus que d'ordinaire ces derniers temps, passais des heures perchées dans un arbre à écouter la berceuse des feuillages et le chant des oiseaux.
Minuit m'accompagnait toujours, venant se lover dans mon cou ou entre mes bras. Mais malgré tout, je me sentais vide, inutile, emprisonnée. Certes, ma nouvelle condition n'était pas désagréable. Les animas étaient accueillants et avaient fini par s'habituer de ma présence et je restais avec celui que j'aimais. Cependant, quelque chose m'avait été arraché: ma liberté.
Courir à l'air libre, en effleurant à peine la terre ferme, voyager, découvrir de nouvelles contrées... Mon côté aventurier en souffrait mais je n'en avait pas parlé à Handoar.
Je me sentais bien, ma vie était tranquille, sans encombres malgré tout. Je secouais la tête et esquissais un sourire. Aujourd'hui j'avais réussi à m'échapper et fausser compagnie à Minuit pour me balader dans la forêt. Je ne savais pas exactement où je me trouvais. J'espérais seulement que je ne m'étais pas trop éloigner, je ne voulais pas inquiéter Handoar.

Baissant le regard vers le sol, je me figeais. Je n'avais jamais vraiment réalisé à quel point les arbres étaient hauts. J'avais beau passer des heures allongées sur une de leurs branches plongée dans un livre ou encore a jouer les équilibristes, je ne m'étais pas rendue compte de la hauteur qui me séparais du sol. Peut être parce qu'il me suffisait d'une seconde pour rejoindre la terre ferme sans dommages.. Jamais il ne m'était venu à l'esprit de faire une mauvaise chute ou de louper une branche lors d'un saut. En réalité, ça n'arrivait jamais, je n'avais donc pas à m'en soucier. Cependant, aujourd'hui, je venais d'en prendre conscience en voyant cet oiseau, minuscule entre les feuillages à environs une cinquantaine de mètres plus bas.
Je savais que si je sautais vers lui, il n'aurait pas le temps de s'enfuir. Il ne remarquerai ma présence que lorsque je le tiendrai entre mes mains. Je regrettais de devoir toujours utiliser cette méthode pour attraper une proie. Fondre sur lui et l'emprisonner entre mes mains avant de le transpercer de mes crocs. C'était sauvage. Mais je ne pouvais pas échapper à ça. Pas à cette dernière similitude qui me rattachait à mes semblables et qui faisait de moi un vrai buveur de sang. Malgré tout, je voulais m'éloigner encore un peu plus de ma race, avoir une autre méthode de chasse.
Une corde qui se tend, une flèche qui siffle et qui se plante dans la chaire. Une mort rapide, simple. Sans souffrance. J'avais vu les elfes utiliser cette arme lors de la bataille des Anouantis. J'avais lu dans un livre que c'était leur moyen de défense le plus sûr et le plus répandus. Ils savaient les fabriquer à la perfection, vendant aux autres peuples alliés les arcs les plus précis de tous les Mondes. On racontait même que les Elfes chantaient pour apprivoiser le bois et ainsi rendre la qualité de l'arc encore plus incroyable.
Peut être que...

Je secouais la tête. Non, j'avais oublié ma cape au camp, je ne pouvais pas me rendre à la ville Elfique la plus proche en incognito. Et puis je n'avais pas un écus sur moi. Il faudrait que j'oublie cette idée d'arme. Et puis, je ne savais pas m'en servir. Mes parents m'avaient interdis lors de mon existence humaine de m'approcher d'une arme, même d'un arc. S'ils avaient su ce qui allait m'arriver cette nuit où j'ai perdu la vie, leurs conseil aurait été tout autre et peut être que s'ils avaient pu se défendre, ils ne seraient pas morts.
Je me baissais sur la branche, observant l'oiseau en contrebas. Ses plumes étaient magnifiques, colorées, vives. Je le suivait des yeux. L'animal sautillait pour avancer, il ne pouvait probablement plus voler. Il arriva près des racines d'une chêne à quelques mètres de là. Le soleil se déposait sur son tronc; faisant scintiller les quelques gouttelettes d'eau des lickens. Je m'apprêtais à reprendre ma promenade aérienne lorsqu'un détail retint mon attention. Au creux de l'arbre, quelque chose brillait sous les rayons du soleil. Je plissais les yeux pour ajuster ma vision. Malgré tout, je n'arrivait pas à distinguer l'objet qui renvoyait la lumière. Ma curiosité piquée à vif, je fis un pas en avant, dans le vide et me laissais tomber au sol en fermant les yeux. Je me réceptionnait sur mes pieds. L'oiseau disparut dans les fourrés. Je m'approchais de l'arbre et tendis la main.
Je m'apprêtais à découvrir quelle était la raison du scintillement lorsque des feuillages alentours se mirent à bouger et qu'un souffle régulier me parvint.
Les sens en alerte, je bondis et grimpais sur la branche du chêne la plus proche. Je m'accroupis, prête à riposter.

Mes mains étaient crispées sur la branche. Je refusais de quitter des yeux la source du bruit. Je ne devais pas, je ne pouvais pas baisser la garde. Plus maintenant. Plus depuis que je risquais de mourir chaque jours. Quelque chose monta en moi, me rendant plus en alerte que d'habitude. La panique ? Je tentais de me convaincre que ça ne pouvait être qu'un animal ou un elfe et non pas un vampire. A ma connaissance, mes semblables ne venaient jamais dans la forêt des Millénaires. Le sang des elfes était trop fade, il n'y avait donc rien pour les attirer. De plus depuis la batailles, mes semblables préféraient se tenir à l'écart de nos alliés, histoire d'accepter leur défaite. Il n'y avait donc pas de vampires dans les parages.
Il n'y en avait pas. Il n'y en avait pas. Je me répétais la phrasa en boucle dans mon esprit. Je finirai bien par être convaincue de mes paroles au bout d'un moment.
Et puis, je me détendis en apercevant une chevelure rousse tandis qu'un rire léger me parvint. Mes mains se firent moins dures sur la branches et ma panique passagère s'envola. Handoar était la seule personne à pouvoir me rassurer et à qui je faisais pleinement confiance. Je me demandais parfois si sa transformation ne lui avait pas apporté un don. Celui de m'apaiser et de me redonner le sourire lorsqu'il était là. Il me réprimanda gentiment parce que je m'amusait sans lui. Je ris à mon tour et me laissais tomber au bas de l'arbre.

On ne peut pas dire que je m'amusait, répondis-je en haussant un sourcil. Je faisais le vide dans le bazars de mon esprit.

Il pouvait comprendre ça.
Puis je pensais à Minuit puisqu'il l'avait mentionnée. Je me mordis les lèvres. Zut, elle n'allait vraiment vraiment pas apprécier le fait de l'avoir laissée toute seule... Il faudrait que je lui trouve un ou deux rats dans les parages pour me faire pardonner et ainsi éviter de me faire attaquer par ses griffes. Au premier coup d'oeil, on ne croirai pas que Minuit était une petite sauvageonne. Mais lorsqu'on vit avec elle tous les jours, et qu'on lui fausse compagnie sans la prévenir par exemple, il vaut mieux assurer ses arrières en lui ramenant quelque chose à manger. Sinon, les griffes. C'est une chose qu'on apprend par expérience.

Et en parlant de Minuit, tu as raison, ajoutais-je avec un sourire contrit. Il va falloir qu'on lui rapporte qu'elle chose à lui mettre sous les dents.

Je m'approchais de lui et attrapai sa main que je serra fort tandis qu'il observait l'arc caché dans le creux des racines du chêne. Maintenant je me sentais vraiment en sécurité. Je vis son regard s'illuminer lorsqu'il posa les yeux sur l'arme et les flèches argentées qui étaient soigneusement rangées dans un carquois noir gravé de runes dont je ne savais la signification. C'est alors que je remarquais la lanière de cuir qu'il portait en bandoulière. Un carquois remplit épousait la forme de son dos et il tenait un arc en bois dans son autre main. Une flèche y était encochée. Il avait sûrement aussi anticipé une mauvaise rencontre et n'avait pas eu le temps de la ranger avec les autres dans son dos. Je ne savais pas que Handoar savait tirer. Nous n'avions jamais abordé le sujet, plutôt. Ces derniers temps il était plutôt question de la place que nous avions dans cet univers. Lui ne savait plus vraiment si il était fait pour être chaman anima et moi si je serais condamnée à être une proie pour mes semblables. Je n'étais la sûre de rien. Je savais seulement que je ne voulais pas m'éloigner de lui..
Je m'approchais du chêne et tendis le bras dans la fente des racines. Mes doigts ses refermèrent sur l'arc et je le sortis de sa cachette tandis que j'attrapais de mon autre main le carquois remplit de flèches. Je passais la lanière de celui ci sur une de mes épaules tandis que je détaillais l'arc. D'un bois sombre, il était gravé de feuilles entremêlées et de symboles Elfiques qui m'étaient inconnus. Ma prise épousait à la perfection la courbe de l'arme. C'était vraiment un arc magnifique et l'énergie qui en émanait prouvait bien qu'il avait été façonnés par nos alliés.
J'entrepris ensuite d'inspecter les flèches. Celles ci étaient fines et paraissaient à la fois résistantes. La plume était argenté et renvoyait les rayons du soleil. Je compris alors la raison du scintillement entre les racines.
Je revint près de Handoar et lui adressais un sourire.

Je ne sais pas tirer, avouai-je. Même dans mon ancienne vie je n'avais jamais approché un arc. En revanche, toi si. Tu ne me l'avais pas dit non plus.

Je détaillais l'arme que je tenais entre mes mains. Le bois semblait briller sous les rayons du soleil et les runes qui y étaient inscrites semblaient plus nette. Je m'arrachais à la contemplation de l'objet pour observer la réaction de Handoar maintenant que je l'avais sortit de sa cachette. Mais alors que je levais les yeux vers lui, mes prunelles rencontrèrent les siennes durant un bref instant. Cependant, un bref instant qui me fit monter le rose aux joues, comme à chaque fois que je croisais ses yeux de la même couleur que les miens. Mais le charme prit fin lorsqu'il posa une main experte mais hésitante sur l'arc que je tenais et qu'une nouvelle lueur s'alluma dans son regard. L'énergie qui en émanait était supportable, bien qu'elle ai un côté un peu trop pure à mon goût. J'avais longtemps cottoyé l'énergie noire des démons, des vampires et des drows alors maintenant que j'avais changer de camp, la différence d'énergie me mettait un peu mal à l'aise. Il fallait que j'apprenne à faire confiance à ces auras beaucoup plus pures et blanches que celles que j'avais croisées durant un siècle.

Je revins à la réalité lorsque je sentis Handoar reculer. Inquiète, je le regardais. Avait-il décelé quelque chose de mauvais dans l'arc ? Pour ma part, je n'avais rien senti, hormis le cours d'énergie que je sentais circuler sous mes doigts dans le bois de l'arme. Mais ses yeux glissèrent jusqu'au carquois que je tenais dans mon dos par la lanière de cuir qui y était attachée. Il semblait loin, perdu dans ses pensées. Je n'au aucun mal à deviner qu'il repensait à son ancienne vie. Lorsque son coeur pouvait battre quand il tendait la flèche sur la corde pour viser une cible ou un gibier. Lorsqu'il pouvait encore se sentir en liberté et non entravé par la condition de vampire. Lorsqu'il n'était pas...mort, ou tout comme.
Des souvenirs de son ancienne vie, chose que je n'avais pas me concernant puisque ma vie n'avait pas été remplie d'aventures. Je me mordis les lèvres, penaude. Encore une fois l'image de la morsure sur son coup bouscula toutes mes pensées et s'imposa, plus forte que jamais. Je fermais les yeux puis tenter de la fuir. Je savais que Handoar ne voulait pas que je me sente coupable de ce qui était arrivé. Je l'avais en quelque sorte sauvé de la vraie mort, mais c'était plus fort que moi. C'était la principale raison de mes cauchemars.

Handoar prit la parole, m'expliquant que son expérience dans la domaine du tir à l'arc remontait à son enfance lorsqu'il était encore apprenti Chamane. Sa voix se brisa par deux fois lorsqu'il évoqua la mort de son maître et sa forme de renard. Je ne l'avais plus revu se transformer en cet animal depuis le début de sa nouvelle vie. Il avait dû la perdre à jamais. J'aimais bien la couleur rousse qu'il avait eu la première fois que je l'avais rencontré.
Il baissa les yeux, regardant le sol d'un façon mélancolique. Laissant tomber mon carquois par terre, je m'approchais lentement et nouais mes doigts aux siens d'une façon un peu maladroite certes, mais sincère. Il releva la tête et me souris. J'admirai la façon dont il arrivait à gérer ses émotions. Moi, je n'y arrivait jamais, elles prenaient toujours le dessus sur les agissements. Il approuva le fait que nous devions à tout prit rapporter quelque chose à Minuit au risque de finir en pièce. Je ris et me penchais pour reprendre mes flèches sur les feuilles alors qu'il me proposait de m'apprendre à tirer à l'arc. Je lui sourit et le laissait m'entraîner vers un endroit où mon premier cours pourrait se dérouler.

Le trajet ne fut pas long. Du moins, j'en eu l'impression. J'aperçus la lueur du soleil à travers les feuillages et devinais l'étendu d'une clairière. Je n'avais pas peur d'être observée ou d'être traquée. Du moment qu'Handoar se trouvait avec moi, je me sentais en sécurité plus qu'ailleurs.
Des arbres bordaient un large espace d'herbe parsemé de fleurs d'été. Je souris. Cela faisait bien longtemps que je n'avais pas vu quelque chose de beau et j'en appréciais le spectacle. C'était un endroit calme où personne ne viendrai semer la panique.
Je mis mon carquois en bandoulière et m'approchais de Handoar. Lui prenant la main, je m'approchais de son oreille.

Alors, Monsieur le Professeur ? Par quoi commençons nous ?

Je fermais les yeux, savourant la douceur du contact de la main d'Handoar sur ma joue. Sa peau étant à la même température que la mienne, je ne ressentais plus les picotements qu'elle avait provoqué alors qu'il était encore mortel. C'était mieux désormais. Même si j'étais consciente de nos corps étaient froids, gelés, pour ceux des autres espèces, celui de Handoar était à la bonne température pour moi. Ses doigts étaient aussi doux que la caresse d'une plume. Je rouvris les paupières et lui souris avant qu'il ne pose ses lèvres sur les miennes et m'emmène dans un coin de la clairière à l'ombre, là où le soleil de réchaufferai pas notre peau qui y était sensible.

Handoar sortit son arc et encocha machinalement une flèche à sa corde, observant les alentours. Il me fit signe de la main pour le rejoindre et s'empara doucement de l'arme que je tenais entre mes mains. Il l'examina d'une toute autre façon cette fois, tirant sur la corde pour tester sa rigidité. Puis, il me le rendit et vint se placer à côté de moi, me dictant mes gestes.
Portant une main dans mon dos, je tirai une flèche argenté de mon carquois que j'encochais à ma corde. Mes doigts de placèrent automatiquement de par et d'autre de la plume. Je me mit de profil, observant le tronc d'un arbre en face de moi, à environ une quinzaine de mètres.
Suivant les paroles de Handoar, je tendis la corde jusqu'à ce que la plume de la flèche chatouille l'arête de ma mâchoire. Tendant l'index de mon autre main, je visais le centre du tronc et fermais à demi un oeil. J'inspirai et expirai lentement, concentrant toute mon attention sur la pointe de la flèche qui visait l'arbre. Un instant, je fermais les yeux, oubliant tout le reste, vidant mon esprit pour ne me focaliser que sur l'arme.
Je retins un sursaut lorsque je sentis le contact de la main de Handoar sur mon avant bras pour l'écarter un peu. Puis, il bougea doucement mon dos afin d'ajuster ma posture par rapport à l'arc.
Je rouvris a demi un oeil, fixant le tronc de l'arbre de nouveau.
C'est alors que je sentis le souffle de sa voix chatouiller mon oreille, m'ordonnant de lâcher la corde. Sentant le rose me monter aux joues et ma concentration s'envoler, je lâchais la flèche avant qu'il ne soit trop tard.
Elle disparut dans les fourrés à quelques centimètres à droite de ma cible.

Baissant mon arc, je regardais mon professeur en souriant et m'approchais de lui. Tendant une main vers sa joue, je secouais la tête, prenant un air faussement réprobateur.

Hè bien dis donc, dis-je en esquissant un sourire du coin des lèvres. Est-il permit de déconcentrer à ce point son élève lors d'un cours ?

Me hissant sur la pointe des pieds; j'avais toujours été plus petite que lui; je lui plantais un baiser sur la joue pour lui faire savoir que je n'étais pas fâchée. Regagnant complètement le sol, je haussais un sourcil. Une pensée venait d'effleurer mon esprit. Je n'avais jamais vu Handoar tirer à l'arc, c'était l'occasion. Ce moment a part avec lui, déconnecté de la réalité, loin des obligations, des peurs et des craintes était un privilège.
Tirant une flèche de mon dos, je la lui présentait en souriant.

A ton tour ? lui proposai-je. Pour que j'y arrive, il faut que je te vois tirer une flèche..

Je lui tendais la flèche, celle ci en équilibre sur le plat de ma paume. Sa couleur argentée se reflétait au soleil, créant de minuscules arc-en-ciel sur la plume. Handoar n'hésita pas une seconde, la saisissant d'une poigne assurée avec un éclat de défi dans le regard. Je souris et fis un pas en arrière, lui laissant de la place pour effectuer son tir. Pendant un instant, je vis ses prunelles s'immobiliser et un sourire se dessiner sur ses lèvres. J'avais l'impression qu'il conversait avec lui même. Encore quelque chose qu'il ne m'avait sûrement pas fait part. Il y avait tant de choses que j'ignorais sur lui et j'étais heureuse d'avoir l'éternité pour toutes les découvrir.
Secouant vivement la tête, je reportais mon attention sur lui, laissant un sourire éclairer mon visage.

Regarder Handoar tirer à l'arc était fascinant, bien que ce soit une première pour moi. Son visage prenait une expression différente sous la concentration, ouvrant sur une part de sa personnalité qui m'était inconnue. J'en avais eu quelques entrevues lorsqu'il prenait des décisions pour son peuple ou quand il avait combattu les vampires et leurs alliés à la Bataille des Anouantis. Ses sourcils se fronçaient légèrement alors qu'une lueur s'allumait dans ses pupilles rouges. Il fixait sa cible, sans sciller tandis qu'il tendait lentement la corde de l'arc au maximum afin que la plume argenté lui frôle la joue.
M'adossant à un arbre, je croisais les bras, complètement fascinée par Handoar.
C'est alors qu'il lâcha la flèche qui alla se ficher a moins de cinq centimètre du centre du tronc que nous prenions pour cible. Décroisant les ras, je la fixais, bouche bée. Je ne pensais pas que Handoar était aussi fort au tir à l'arc. De plus, la précision qu'il avait obtenue lors de sa transformation le rendait plus fort.
Il alla récupérer la flèche et me rejoint en souriant, m'adressant un clin d'oeil. Je fermais les yeux une fraction de secondes pour revenir à la réalité.
Je repris ma flèche. Difficile de faire mieux...

D'accord, dis- je cependant en souriant. Et tu ne me déconcentre pas cette fois !

Je repris ma place précédente et me mit de profil, regardant l'arbre en face de moi. Cette fois, j'allais réussir. Resserrant ma prise sur la flèche, je l'encochais lentement à la corde de l'arc et tendis celle ci au maximum. La plume de la flèche me chatouilla la joue. Je fermais un instant les yeux, respirant le plus calmement possible. Je concentrait toute mon attention sur la flèche. Hormis elle, rien d'autre ne comptait en cet instant. Je rouvris les paupière, fixant le centre de l'arbre.
Je relâchais ma prise sur la corde. Celle ci vivra alors que la flèche la quittait. Elle se planta sur le tronc, un peu au dessus de la croix.
Me tournant vers Handoar, je lui souris et haussais un sourcil. Je le rejoignis après avoir récupéré ma flèche et avoir remit celle ci dans mon carquois.
Affichant un sourire triomphant, je lui pris la main.

Vos impressions, Monsieur Handoar ?

Je serrai sa main de toute mes forces, tenant mon arc de l'autre. Je pouvais sentir l'énergie pure des elfes qui parcourait l'arme de long en large, provoquant de léger picotements dans mon bras. C'était supportable. L'énergie m'était moins désagréable à présent que j'avais réussi à tirer avec. J'avais l'impression qu'une sorte de communication s'était établie entre l'arc et moi. Qu'un peu de sa puissance était entrée dans mon corps et avait fusionnée avec la mienne. C'était une sensation pour le moins étrange mais je me sentais bien.
Levant les yeux vers Handoar, je croisais son regard où la fierté se mêlait avec quelque chose d'autre... De la stupéfaction ou de l'admiration ? Cependant, quelque chose avait changer. Je n'arrivais pas à mettre le doigts dessus mais lorsqu'il embrassa mon front j'en eu la certitude. Une chaleur agréable se rependit dans mon corps là où ses lèvres touchaient mon front. Il m'était impossible de me détacher de lui. Pourquoi le devrai-je d'ailleurs ? Je me sentais si bien. Rien ne pouvait nous déranger.

Il me félicita, ajoutant que l'élève avait dépassé son maître. Je fronçais les sourcils. Je n'étais pas d'accord avec ça. Handoar était un archer exeptionnel. Il ne devait pas se sous estimer ainsi seulement parce que j'avais réussi à atteindre ma cible. J'étais loin d'avoir son niveau. Il me faudrait sûrement des heures et des heures d'entraînements supplémentaires pour ne plus rater ma cible.
Puis il me dit que nous étions fin prêt pour aller chercher le repas de Minuit.
Minuit.
Je l'avais complètement oubliée ! Comment avais-je pu ? Voilà, c'était ça la raison qui me forçait à me détacher de Handoar. Nous devions préparer le repas de Sa Majesté Minuit, comme il l'avait appelée. Ce titre factice me fit rire. Je devrait l'employer de nouveau quand nous lui donneront à manger. Rien que pour l'embêter et ainsi lui faire signifier qu'elle avait beaucoup de chance de se faire servir son repas sur un plateau ! Je regardais de nouveau Handoar en hochant la tête, me détachant de lui à contre coeur. D'un geste du menton il me désigna des ragondins d'eau barbottant près du ruisseau à une vingtaine de mètres de là. Handoar souriait d'une façon espiègle, comme un enfant qui prévoit de faire une bonne blague ou une grosse bêtise. Je lui renvoyais son sourire. Sa Majesté serait satisfaite. Et de loin.

Handoar me fit signe de sortir une des mes flèche alors qu'il faisait de même. Portant une main dans mon dos, je sortis une flèche argentée de mon carquois et l'encochais lentement à la corde de mon arc pour éviter de faire le moins de bruit possible. Il ne faudrait tout de même pas que le repas s'échappe. Ce serait les griffes assurées.
Je vit du coin de l'oeil Handoar bander son arc et tirer lentement sur la corde. Il prenait également des précautions pour ne pas effrayer les bestioles. Lorsqu'il me demanda dans un murmure si j'étais prête, je tirai à mon tour sur la corde pour lui signifier ma réponse.

Ensemble ?, murmurai-je dans un souffle.

Je savais qu'il m'entendrai malgré le ton bas de ma voix. Je fixais les animaux avec intensité, me concentrant sur eux le plus possible. Je sentais l'énergie de l'arc parcourir la corde. De légers picotement se déclarèrent dans mes mains. Ce que j'appelais la communication était en train de s'établir entre l'arme et moi.
Je fermais un instant les yeux, me concentrant sur ma flèche, ressentant la moindre vibration qu'exerçait la corde sur elle. La plume me chatouillait l'arête de ma mâchoire. Quand je sentis que plus rien d'autre n'existait hormis la flèche, je lâchais la corde.
Elle vibra légèrement lorsque la flèche fut propulsée dans un lerger sifflement vers les ragondins. Ma flècha alla se ficher dans le flan d'une des bestioles, lui ôtant immédiatement la vie. Au moins, elle n'aura pas souffert. J'encochais une seconde flèche à mon arc et tuais un second ragondin aussitôt.
Esquissant un sourire, je lançais un regard à Handoar accompagné d'un sourire et m'avançais pour aller récupérer mes flèches.

Je ne savais pas comment Minuit pouvait manger ce genre de choses. Observant les bêtes, je fronçais le nez sous l'odeur. La viande faisait toujours cet effet aux vampires. Je me penchais et repris delicatement mes flèches que je rinçais dans le ruisseau avant de les replacer dans mon carquois. Il faudrait qu'un jour je me mette sous ma forme féline pour essayer de comprendre pourquoi Minuit raffolait de ses bestioles répugnantes à mes yeux...

Secouant la tête pour tenter d'échapper à l'odeur des bestioles, je me baissais et les plaçais délicatement dans la besace que j'avais pensé à emporter avec moi. Il ne faudrait pas abîmer le repas de Minuit. Néanmoins, j'eu du mal a contenir le rictus de dégoût que m'inspirait le parfum sauvage et repoussant des ragondins. Alors que je les plaçais dans mon sac, e remarquais que la prise de Handoar était beaucoup plus propre que les miennes. Sa flèche avait transperça le corps de l'animal sans qu'aucune trace de sang ne tâche son pelage. Alors que les miens étaient souillés du liquide rouge qui, pour la première fois, me paraissait peu appétissant.
J'avais encore des progrès à faire.

Me relevant, le levais les yeux au ciel. Celui ci commençait à s'assombrir, des nuages cachant les derniers rayons lumineux du soleil. C'était le moment de la journée que j'aimais le plus. La fin de la journée, le début de la nuit. Moment ou je pouvais me balader sous les derniers rayons de l'astre brûlant sans que cela me fasse mal.
Depuis combien de temps étions nous ici, perdus dans ce monde à part qui semblait n'appartenir qu'à nous ? Le temps passais trop vite. Le temps qui me filait encore et toujours plus vite entre les doigts.
Mais toutes les bonnes choses ont une fin. J'avais lu ça dans un des rares livres que j'avais pu ramener avec moi au camps Anima.
Je rangeais mes deux flèches dans mon carquois et mit l'arc en bandoulière. J'allais le garder.
Attrapant la main que me tendais Handoar, je regardais une dernière vois avec tristesse la clairière où nous venions de passer une bonne partie de la journée. J'ignorai si cet instant coupé du monde, des obligations, des peurs et surtout de mes cauchemars allait se reproduire. Je ne voulais pas retrouver les images de mes victimes, des morsures.. Mais je n'avais pas le choix. Combien de temps cela durerai-t-il ? L'éternité ?

Les fumées du camps se firent de plus en plus nettes entre les feuillages puis nous émergeâmes de la forêt. Handoar s'arrêta un instant, regardant les flammes dansant entre des cercles de pierres. Je lui jetais un coup d'oeil. Son visage avait prit cette expression quotidienne, qui ne lui ressemblait pas. Il marmonna que le monde était un vaste théâtre. Je fixais mon regard sur les braises. Les hommes assis autour se réchauffaient les mains en riant. Je savais que Handoar était différent avec son peuple. Mais il ne semblait pas heureux.

Tu n'es pas obligé, tu sais, dis-je. Tu n'es pas obligé de prendre cet air froid... Sois toi même.

J'esquissais un sourire. Mes paroles pouvaient paraître bien naïves. Mais il faut parfois un peu de naïveté pour que certaines choses prennent tout leur sens. Me hissant sur la pointe des pieds, je l'embrassais longuement, faisant passer par ce baiser tous les sentiments que je ressentais à son égard et qui ne cessaient de grandir. Le temps sembla s'arrêter et ce n'est qu'au bout de ce qu'il me parut une éternité, que je regagnais la terre ferme.

Merci pour le cours, ajoutai-je en souriant

Puis je me détournais, regagnant au pas de course l'arbre où j'avais établi mon propre "campement". La créature la plus dangereuse des mondes devaient m'attendre, toutes griffes sorties. Je haussais les épaules. Sortant son dîner, je m'apprêtais à recevoir cinq coup de griffes, tout au plus.